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Montmartre secret

Montmartre secret

Pour les Amoureux de Montmartre sans oublier les voyages lointains, l'île d'Oléron, les chats de tous les jours. Pour les amis inconnus et les poètes.

Publié le par chriswac
Publié dans : #MONTMARTRE Peintres.Artistes.Clébrités
Rue du Mont-Cenis. (Gazi)

Rue du Mont-Cenis. (Gazi)

Voilà un personnage haut en couleurs tels que Montmartre les aime!

              Son nom lui seul est déjà un poème, Gazi le Tatar! 

 

Le palais des khans à Bakhtchissaraï

Le palais des khans à Bakhtchissaraï

Un poème et une légende bien entretenue par son porteur. 

   La vérité, autant qu'on puisse s'y fier voudrait qu'il fût né en Crimée, en 1900. C'est la date bien ronde qu'il dit être celle de sa naissance. Ceux qui l'ont connu alors qu'il se disait quarantenaire l'estimaient plus vieux d'une dizaine d'années! 

 Il prétend avoir vu le jour dans le château de Hansaray. Ce qui est flatteur mais improbable puisque ce château était la résidence du gouverneur russe de Crimée (déjà!) Il s'appelle alors Igna Ghirei.

 

 

Gazi le Tatar frère d'Utrillo.

    Pourquoi "le Tatar"? C'est que son père affirme descendre des princes tatars de Crimée, eux-mêmes descendant de Gengis Khan. Cette qualification faite pour poser son personnage ne vient orner son nom que lorsqu'il arrive sur la Butte vers 1934.

Auparavant notre homme se contente de Gazi (le victorieux) ajouté à son véritable prénom.

Académie des Beaux Arts, Naples.

Académie des Beaux Arts, Naples.

    Avec la Révolution de 1917 les Bolcheviks envahissent la Crimée et sèment la terreur provoquant la fuite de ceux qui les craignent. La famille de notre Igna Ghirei se réfugie en Italie où le jeune homme commence des études aux Beaux Arts de Naples.

           Naples, encre de Chine et aquarelle (Gazi)

    Pendant cet exil son père aurait été assassiné par les Bolcheviks, ce qui ajoute à la légende familiale. En réalité il semble bien qu'il soit mort de façon très confortable dans son lit.

"Aux vignobles de France" Bd du Montparnasse, rue Campagne Première (1924. Utrillo)

"Aux vignobles de France" Bd du Montparnasse, rue Campagne Première (1924. Utrillo)

    En 1920 Igna Ghirei choisit de vivre à Paris, alors capitale culturelle de l'Europe, et c'est à Montparnasse qu'il découvre l'intensité artistique de la capitale.

Montparnasse a, dans ces années, détrôné Montmartre, mais c'est à Montmartre que notre homme va trouver sa voie, devenir Gazi et se tatariser. Gazi le tatar est donc né à Montmartre!

La maison de Mimi Pinson (Gazi)

La maison de Mimi Pinson (Gazi)

    Il est séduit par notre Butte à la fois simple et altière et il comprend à quel point sur cette "montagne" la réalité ne prend son envol que lorsqu'elle est sublimée par la légende. 

                                           Suzanne Valadon et Utrillo

 On ne sait comment , en 1934, il rencontre Suzanne Valadon dont ll admire la peinture et qu'il encourage à peindre de nouveau.

   

                                                 11 avenue Junot

 

       Il ne manque pas de charme et il sait se faire apprécier par celle qu'il va appeler sa "mère adoptive", plus prosaïquement "mémère". En 1935 il trouve refuge chez elle,  là où elle vit depuis sa séparation avec Utter, dans le passage qui relie la rue Lepic à l'avenue Junot (au 11).

Il se lie d'amitié avec Maurice Utrillo, son "frère"qui vit avec sa mère.

Gazi

Gazi

    De ces quelques mois en "famille" Gazi tire profit en accompagnant Utrillo lorsqu'il se déplace pour peindre dans Montmartre, ou en le regardant s'inspirer de cartes postales.

Lorsqu'il peint lui-même, Gazi ne peut cacher l'influence d'Utrillo sur ses représentations d'un Montmartre presque désert, avec parfois quelques passants isolés.

                                                   Le maquis (Gazi)

   Mais sa palette est souvent plus vive que celle de son "frère" et la comparaison des toiles représentant la même rue ou la même place est révélatrice de deux tempéraments. Un utrillo plus introverti et un Gazi plus chaleureux.

Nous pouvons nous en faire une idée avec les tableaux qui suivent et représentent les mêmes paysages urbains.

Gazi

Gazi

Utrillo

Utrillo

    L'angle de vue est le même dans ces deux tableaux. Le chevalet serait posé sur la place du Tertre, vers l'église St Pierre. Le premier est clair et joyeux quand le second fait peser sur la place, comme un couvercle, un ciel gris et lourd.

Le Lapin agile et la rue St-Vincent (Gazi)

Le Lapin agile et la rue St-Vincent (Gazi)

Utrillo

Utrillo

     La neige fait du tableau de la rue St Vincent une illustration de conte de fée chez Gazi alors que la solitude et la tristesse dominent chez Utrillo...

Quoi qu'il en soit, il paraît évident que la meilleure période de Gazi correspond à son séjour chez Suzanne Valadon. Quelques unes de ses toiles font de lui un peintre d'importance, injustement oublié aujourd'hui.

 

                             Autoportrait de Suzanne Valadon peint l'année de sa mort

      L'hébergement de Gazi chez Suzanne Valadon se poursuit après le départ d'Utrillo. Suzanne, inquiète de son propre état physique, de ses dépressions et des alertes cardiaques, pousse son fils à quitter Montmartre pour aller vivre avec Lucie Valore au Vésinet.

                                                    Lucie Valore et Utrillo

      

Ce n'est qu'en 1938, après la mort de sa "mère adoptive" que Gazi quitte l'avenue Junot pour trouver un modeste logement au 5 place du Calvaire où il restera jusqu'à sa mort.

Gazi. 5 place du Calvaire.

Gazi. 5 place du Calvaire.

    La place du Calvaire est proche de l'église Saint-Pierre qui devient le nouveau refuge de Gazi.

                   Place du Calvaire. L'immeuble blanc où vivait Gazi.

                           Appartement de Gazi, aujourd'hui voisin de chez Plumeau

Il avait trouvé une mère adoptive, il va trouver une mère spirituelle, la Vierge Marie!

 

                                                       L'église Saint-Pierre (Gazi)

   Il devient bedeau de l'église, lui un Tatar dont l'islam est indissociable, et il tombe en amour devant une statue de la Vierge, dans la vieille église.

Gazi le Tatar frère d'Utrillo.

     Il retrouve trace du culte qui était voué avant la Révolution à Notre-Dame de Montmartre et il se démène pour que ce culte soit restauré. Il obtient satisfaction en 1942 et, étant artiste, il mobilise le soutien des peintres de la Butte pour que soit ajouté un second vocable à Notre-Dame de Montmartre : Notre Dame de Beauté, reine de la Paix, patronne des artistes.

Gazi le Tatar frère d'Utrillo.

    Jusqu'à sa mort en 1975, il reste le paroissien le plus assidu et l'adorateur le plus ardent de Notre-Dame de Beauté qui chaque année est honorée par les artistes au cours d'une célébration.

Gazi le Tatar frère d'Utrillo.

    Il meurt le 31 octobre, dans un dénuement que sa tenue misérable ne pouvait dissimuler. Sans argent, il est inhumé à Pantin et il faudra attendre la réaction des peintres de la place du Tertre et de quelques paroissiens pour que lui soit offerte une place dans le caveau de Gustave Dispot curé de St-Pierre entre 1945 et 1964, décédé en 1968 et dont il fut bedeau pendant presque vingt ans. 

Il y est transféré, accompagné d'un cortège d'artistes et il passe désormais son éternité de Tatar à quelques mètres de son "frère adoptif" Maurice Utrillo.

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Peintres artiste célébrités de Montmartre

Rues de Montmartre

                                           Gazi le Tatar (Landier 1941)

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H
bonjour et merci pour toutes les photos que vous mettez sur Montmartre moi je suis né à Montmartre Paris 18e et tout ce que vous mettez j'ai appris plein de choses avec vous je vous en remercie continuez comme ça c'est formidable je vous quitte avec toute mon amitié cordialement Alain Hartmann
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C
Bonjour Alain! Merci pour votre message et pour votre amitié.
J
Belle histoire d'un personnage étrange que j'ai connu et aimé dans mon adolescence. Il me recevait chez lui avec mon père puis seul parfois alors que je lui rendais visite Place du Calvaire, un galetas très sombre où seule une lampe à pétrole éclairait la pièce principale totalement encombrée de livres et d'objets divers.<br /> Une bougie parisienne brulait toujours devant l'image sainte de l'Immaculée qu'il honorait.<br /> Il m'a porté dans ses bras lors de mon baptême à l'église saint Pierre et je fus ainsi consacré par lui dans une prière adressée à la Madone dont le retour du culte sur la Butte Montmartre fut son oeuvre principale et impérissable. Il disait que le Chef d'oeuvre de Dieu était la Vierge Marie.<br /> Il nous confia chez lui une seule fois et nous avons cru ce saint homme sur parole que la Vierge silencieuse lui était apparue une fois au cours d'une nuit. Il n'avait pas rêvé, ne songeait pas car bien éveillé et n'étant pas effrayé, il avait eu la présence d'esprit de balancer doucement son rat de cave et l'ombre de la Vierge bien présente physiquement se déplaçait sur le mur de la chambre accompagnant son mouvement. Notre visite lui causait toujours une joie immense. L'on frappe à sa porte et après un tonitruant "Qui est là?", n'ouvrant qu'aux familiers, il nous accueillait avec un grand sourire et un empressement où la joie immense de notre visite le disputait à la surprise d'un enfant reconnaissant.<br /> Ma famille a été l'amie de cet homme moine et dévot.<br /> A montmorency où ma mère le recevait quelquefois à déjeuner, il chantonnait toujours après le repas sur son air préféré de l'opérette de Franz Lehar : la Veuve Joyeuse, peut-être nostalgique de cette époque.<br /> Pour l'anecdote, c'est mon père Jean-Pierre Joly qui s'est inquiété avec le curé de Saint Pierre de son éloignement à sa mort, dans son pauvre exil au cimetière de Pantin. Leurs efforts conjoints permirent le retour de la dépouille du peintre au cimetière Saint Vincent où il trouva dans le caveau de l'abbé Dispot une sépulture plus digne et le repos éternel. Vive Monsieur GAZI!
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C
Je vous remercie beaucoup pour ce témoignage vivant. Sans citer votre nom puis-je reprendre quelques détails (son galetas, l'icône...)<br /> Bien cordialement
A
Quelle merveilleuse découverte Gazi le Tatar.<br /> Au fil de votre narration et de vos illustrations, je me suis attachée à ce personnage dont j'ignorais l'existence juste qu'à la découverte du sujet.<br /> Son parcours étonnant nous fait cheminer dans ce Montmartre que j'aime tant. Sa vie s'achève dans le battement de cœur de la butte, accompagné de cette petite vierge nichée dans cette vieille église de Paris si belle et si modeste.<br /> Heureusement que des compagnons fidèles ne l'ont pas abandonné dans ce grand cimetière et il a pu revenir auprès de son frère de coeur cimetière Saint Vincent.<br /> Sans le savoir j'étais proche de lui quand j'allais me reposer sur les bancs de ce petit cimetière que j'affectionne particulièrement .
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C
Je suis touché par votre message, par sa sensibilité et par cet amour que nous partageons pour Montmartre.

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