Il est incontestablement une des stars de Montmartre, le "monument" le plus photographié avec le Sacré-Cœur et le Moulin rouge, celui que le monde entier connaît sous le nom de Moulin de la Galette.
Beaucoup d'études lui ont été consacrées mais il me semble que la plus précise et la plus claire soit celle que propose "Montmartre en revue" de décembre dernier, signée Jean-Manuel Gabert.
Sur son origine les spécialistes se disputent mais la plus simple des hypothèses et sans doute la plus vraisemblable est celle qui fait de lui un authentique Montmartrois dont l'existence est mentionnée dès le début du XVIIIème siècle (ce qui n'empêche pas les cartes postales de le faire naître en 1295!)
En effet c'est en 1717 que le meunier François Chapon après s'être constitué un beau domaine qui, pour ceux qui connaissent la Butte, couvrirait toute la Cité des Arts, entre les rues Norvins, Girardon et de l'Abreuvoir, exploite le petit moulin qui existait à cet endroit.
Les Montmartrois lui donnent alors pour nom : "Moulin Chapon".
Il reste Chapon jusqu'au milieu du XVIIIème siècle quand il est saisi (1744) peu après la mort du meunier en faillite et qu'il change de propriétaire.
Impossible de connaître la date exacte de son nouveau baptême qui le voit passer de Chapon à Radet.
Aucun de ses propriétaires ou de ses meuniers ne porte ce nom qui semble venir de nulle part. Nous avons évoqué dans notre article sur la rue des Moulins (Norvins) plusieurs hypothèses plus ou moins fantaisistes.
Alors que la future rue Lepic est appelée rue de l'Empereur (1852) le moulin aurait pris dans la foulée le nom d'un glorieux général de la Grande Armée, Etienne Radet.
Autre hypothèse, un montmartrois connaisseur des moulins à eaux, appelés moulins à radet aurait pu par comparaison avec un assemblage de planches qui ressemblent à un radeau, l'appeler ainsi.
Enfin, le plus vraisemblable serait que ce nom n'aurait été autre que celui d'un des meuniers qui s'y sont succédé et dont nous n'avons gardé aucune trace.
C'est sous ce nom de Radet qu'il est acquis en 1812 par Nicolas-Charles Debray qui depuis 1809 est déjà propriétaire du majestueux Blute-Fin toujours en place rue Lepic.
Le meunier avisé décide de "rapprocher "ses deux moulins et en 1834 après avoir démonté le Radet l'installe à l'entrée de sa ferme, à peu près au 1 avenue Junot actuel. Les deux moulins se trouvent inclus dans la même propriété Debray et peuvent comme des sémaphores communiquer entre eux!
L'emplacement du Radet est idéal et il est l'endroit rêvé pour boire le petit vin de la Butte et manger les bons produits de la ferme, sans oublier les galettes bien dorées confectionnées par la meunière avisée. Le Radet est alors appelé avec reconnaissance par les promeneurs du dimanche, "moulin de la galette".
Moulin de la Galette il est, moulin de la Galette il restera.
Dernier déménagement du Radet
Pourtant, il lui reste à franchir quelques mètres encore pour s'arrêter définitivement là où nous le voyons aujourd'hui, à l'angle des rues Lepic et Girardon.
C'est en hommes d'affaires avisés que les Debray engagent un orchestre pour faire guincher les Parisiens qui se dépaysent à Montmartre. Le Blute-Fin est agrémenté d'une terrasse avec vue sur tout Paris et entre lui et son petit frère sont construites des salles de bal.
C'est la grand époque du Radet devenu Moulin de la Galette. Peintres, poètes, écrivains l'immortalisent.
Bal au Moulin de la Galette.(Lautrec).
Il ne sait pas qu'il est menacé par Auguste Debray, "le petit père Auguste", qui pour agrandir son domaine veut le faire disparaître au profit de salles plus grandes et d'un restaurant.
En 1925, le moulin est démonté et à sa place une laide construction commerciale et fonctionnelle est érigée. Montmartre gronde, les amoureux de la Butte n'acceptent pas ce sacrilège. Debray pour calmer le vent de révolte décide de remonter son moulin au-dessus de ses nouveaux bâtiments. L'effet est franchement désastreux. Le pauvre moulin n'en croit pas ses ailes. Et pourtant il restera là, moulin juché sur son béton, pendant presque un demi siècle.
En 1977, la restauration du vieux Montmartre est menée tambour battant, le moulin est restauré, le porche d'entrée belle époque est reconstruit après qu'eut été rasée la hideuse construction de Debray.
Et voilà! Notre moulin de la Galette peut attendre, heureux face au vent et au soleil, le Jugement Dernier. Il reste impassible quand il entend certains guides affirmer qu'il n'est pas le vrai moulin de la Galette et que celui qui mérite ce nom est situé à une centaine de mètres, altier et intact sur sa terrasse.
Il est vrai qu'une entrée au pied du moulin en haut de la rue Tholozé, peut tromper. C'est que la famille Debray avait donné ce nom à tout son domaine, une enseigne commerciale rêvée et qui faisait fi de la susceptibilité du plus grand, du mieux conservé des deux derniers moulins de Montmartre qui était fier d'être le Blute fin!
Et pour terminer notre coup de chapeau par dessus les moulins, voici quelques hommages rendus au Moulin de la galette, alias Radet, par les peintres, le principal, le plus amoureux étant bien sûr Utrillo.
Buffet (à l'époque où le moulin était perché sur la vilaine construction de béton
Le Radet par la fenêtre (Camoin)