Pendant deux semaines de juillet le petit musée de Saint-Pierre d'Oléron a connu une affluence exceptionnelle. Je ne sais si ce succès était dû à l'exposition qu'il propose et qui a pour thème les costumes traditionnels de l'île ou si plus prosaïquement le mauvais temps, sorte de Toussaint en plein été en était la cause!
Disons pour ne mécontenter ni les dieux de la météo ni les responsables du musée que cette réussite est due aux uns et aux autres!
Plus sérieusement, l'expo est faite avec pédagogie et goût. Des mannequins dont la tête a été remplacée par un miroir ovale portent les costumes d'antan et, jolie surprise qui plaît aux enfants de tout âge, de jolies poupées anciennes dans leur vitrine sont habillées des mêmes costumes miniatures.
Contentons-nous aujourd'hui des coiffes qui sont si particulières et si variées sur cette terre qui sut préserver longtemps ses partIcularités.
A tout seigneur, tout honneur, la première, la plus belle est le "ballon", la coiffe de la mariée.
Ample et couvert de dentelle, elle pose sur la tête des plus ou moins heureuses élues une tiare blanche, une couronne parfumée de fleurs d'orangers.
Le ballon est la plus grand coiffe des régions françaises. Il a été porté jusqu'en 1914 et peut mesurer jusqu'à 75 cm de large et 40 cm de haut.
Il était très coûteux et seules les mariées de famille aisée pouvait l'acheter (il valait le prix de deux braves et bons boeufs). Les autres le louaient.
Il était monté sur la calotte et sur un bonnet qu'on appelait "berthe".
Voisine de la mariée dans la vitrine, la poupée porte la "coiffette".
C'était une coiffe à l'origine très simple qui sous l'influence de la mode parisienne à la fin du XIXème siècle devient plus sophistiquée avec broderies, plissé, dentelles.
Elle est utilisée couramment dans la vie sociale, les jours de marché par exemple. La légende qui figure sous le couple d'enfants montre bien qu'elle ne se faisait pas remarquer et appartenait au quotidien :
"Tu fais fi d'moué parce que je suis en coiffette, mais si tu voyais mes dessouts..."
Voici maintenant la colinette, belle coiffe qui fait penser en plus simple au ballon de la mariée. Il en existe deux sortes, la colinette de jour et la colinette du dimanche, plus ornée.
C'est une coiffe "de sortie" que l'on aime porter en société.. Elle permet une grande fantaisie et aucune n'est semblable à l'autre, sinon dans la forme générale qui est ample et met en valeur le visage.
Elle est portée, comme le ballon sur la calotte où elle est épinglée.
La coiffe suivante est à l'honneur puisque deux poupée en sont coiffées.
Il s'agit du ballet dont le nom proviendrait de l'auvent, appentis construit près de la maison et nommé ainsi en saintonge.
Il est en réalité un chapeau de soleil, posé sur la calotte et destiné à protéger la peau des belles charentaises des rayons qui brunissent le teint, ce qui était peu apprécié de ces messieurs! Les temps et les moeurs changent vite!
Constitué de feuilles de carton sur lequel est fixé un tissu de "nankin", coton serré de couleur bistre, il ne sera jamais lavé et servira toute une vie.
Il est large (40 à 60 cm) et haut (40 à 50 cm) et il est utilisé pendant le travail, aux champs ou à la côte.
Nous terminons avec la coiffe la plus connue, celle qui fut portée jusqu'au milieu du siècle dernier sur l'île et qui l'est encore, surtout au nord, par de vieilles oléronnaises: le quichenot (souvent appelé kissnot)
Elle était de genre masculin malgré son usage réservé aux femmes. Peu à peu le féminin a pris le dessus et aujourd'hui elle est souvent présentée comme la quichenot.
L'origine du nom a fait naître une légende que beaucoup prennent pour historique. L'île comme on le sait faisait partie d'une région "occupée" du XIIème au XIVème siècle par nos "amis" anglais. Les charentaises pour se défendre des approches galantes des occupants, auraient inventé cette coiffe qui protège le visage, bien en avant et fait barrage aux tentatives de baisers. Kiss not! Ne pas m'embrasser!
La réalité est moins romanesque. Le nom "quichon" existe dans le centre et le midi de la France. Il désignait un tas de foin et les faneuses étaient appelées quichenottes.
Cette coiffe portée sur un mouchoir de tête ou un bonnet protégeait les Charentaises, non des baisers britanniques, mais des morsures du vent et des brûlures du soleil.
Le quichenot est de loin la coiffe la plus portée et on peut encore de nos jours le rencontrer sur quelques vieilles femmes. Ne parlons pas des groupes folkloriques qui, naturellement, conservent la tradition et veillent avec attention sur l'authenticité des costumes.
La coiffe est en percale blanche et tombe sur les épaules. Elle est teinte en noir pour le deuil.
Et c'est avec elle que nous quittons le musée où les poupées dans leur vitrine, les yeux écarquillés, regardent passer les enfants et les visiteurs cheveux à l'air et visage à moitié mangé par un masque anti covid qu'on pourrait appeler à juste titre kissnot!
Liens :
Quichenot et ballet à Chassiron. (Fouqueray)
Bonnet, mouchoir de tête et quichenot pour la "bughée" (la lessive). (Déziré)