La gaité, l'humour, l'intelligence, l'ironie, le champagne... c'est une part de l'insouciance et de l'impertinence du 2nd Empire, des oeuvres d'Offenbach, des opérettes doux-amer... c'est tout cela qu'évoque ce nom qui fut célébrissime : Henry Meilhac.
C'est tout cela que pleure comme irrémédiablement perdu cette muse qui penche son visage vers la terre.
C'est une des plus belles tombes du cimetière de Montmartre, figure de proue de la 21ème division entre l'avenue Berlioz et l'avenue Cordier.
Elle représente la Douleur.
Sans doute Meilhac aurait-il préféré avoir pour compagne d'éternité la danseuse de l'Elysée-Montmartre!
L'Elysée Montmartre
Il est typiquement ce qu'on appelle un bon vivant. Il aime la vie et ses plaisirs, il aime regarder vivre ses contemporains et c'est avec humour, avec mordant mais aussi avec une certaine sympathie qu'il les représente dans ses comédies.
Il est bel homme et refuse le mariage qui lui imposerait un cadre dont il ne veut pas et qui le priverait de sa liberté de vagabondage!
Il a commencé sous le pseudonyme de Talin par le dessin dans le "Journal pour Rire" (1852-1855) où sa fantaisie pouvait se donner libre cours.
Meilhac (debout) et Halévy
Mais la grande rencontre de sa vie c'est celle, en 1860, de Ludovic Halévy (presque voisin au cimetière de Montmartre). Leurs deux noms vont former un tandem inséparable pendant près de 20 ans!
Les livrets des plus célèbres opérettes d'Offenbach sont leur oeuvre : La Belle Hélène, La Vie parisienne, La Grande Duchesse de Gerolstein, la Périchole....
Caricature de Meilhac (gauche) et Halévy.
Leur proximité d'esprit avec le grand musicien est telle que paroles et musiques nous semblent ne faire qu'un. La virtuosité, le génie d'Offenbach irriguent les paroles des librettistes, la drôlerie, la fantaisie des paroles donne aux airs célèbres un peu plus de piment....
La collaboration de ces trois hommes est unique et féconde. Elle est le témoin d'une époque d'ivresse et de plaisir qui était capable de se moquer d'elle même et de ses travers et qui pressentait qu'elle dansait sur un volcan...
Meilhac et Halévy ont également écrit le livret de Carmen, de Manon de Massenet. On leur doit aussi celui de l'opérette la plus célèbre de Charles Lecoq, Le Petit Duc.
Meilhac a encore écrit des vaudevilles. Certains ont connu un grand succès comme Frou-frou.
Sarah Bernhardt dans Frou-frou
Sa modernité vient de son humour parfois absurde, des situations improbables, de la loufoquerie des mots, de la préciosité ironique de ses aphorismes. Ce goût parfois trop prononcé de Meilhac pour ce qu'on pourrait appeler un surréalisme de comédie, a dû être pondéré par Halévy qui se prenait plus au sérieux.
Néanmoins Meilhac, en 1888, fut accueilli à l'Académie Française, quatre ans après son compère Halévy.
Sépulture Halévy au cimetière de Montmartre
Il meurt en 1897 au coeur d'une Belle Epoque dont il avait été un des représentants les plus iconoclastes.
"En témoignage de sincère admiration et d'affectueuse gratitude ce monument fut élevé par un ami"
C'est son ami Louis Ganderax avec qui il avait dirigé la Revue de Paris et écrit "Pepa", pièce créée à la comédie française, qui commande en 1900 la statue qui orne le monument funéraire dessiné par l'architecte Louis Dauvergne.
Louis Dauvergne a laissé dans le XVIème arrondissement, rue de l'Alboni, un groupe remarquable de huit immeubles. Il est connu également pour avoir veillé à l'achèvement de l'église Saint-Pierre de Neuilly dont l'architecte Alfred Dauvergne était son père.
Albert Bartholomé (1848-1928), l'auteur de la statue, est un de nos grands sculpteurs. Il est lié à Montmartre où il rendait visite régulièrement à son ami Degas. Un autre peintre était un de ses proches, Puvis de Chavannes.
L'influence de ce dernier est sensible dans l'élégance un peu hiératique de ses sculptures. Avec lui il fait partie du mouvement symboliste de la fin du XIXème siècle.
Le chef d'oeuvre qui l'a fait connaître et reconnaître c'est son monument aux morts du Père Lachaise qu'il appelait "la Porte de l'au-delà".
Cette oeuvre sérieuse et austère au questionnement métaphysique n'évoque pas vraiment l'univers de Meilhac. Pas plus que la douleur assise sur son tombeau.
On imagine que serait plus à sa place la Danse de Carpeaux qui orne la façade de l'Opéra, à quelques mètres de l'immeuble où mourut Offenbach et non loin de celui où mourut Meilhac