Il faut se hâter de visiter le cimetière Montmartre si l'on veut admirer les vitraux qui ornent les chapelles funéraires.
Certains ont été arrachés pour être revendus, d'autres ont été brisés par pur vandalisme....
Par chance il en reste quelques dizaines, témoins précieux de l'art religieux du XIXème siècle et du début du XXème.
Après de nombreuses balades dans les allées étroites, j'en ai capturé quelques uns avec mon Lumix, quelques papillons pris dans la lumière...
Les plus anciens datent de l'époque romantique. Les plus nombreux datent du 2nd empire et de la fin du siècle.
La Vierge des 7 douleurs
Ils sont la paupière baissée entre deux mondes.
Quand la paupière est arrachée
L'œil perd son iris
La mort a les yeux blancs.
Je n'ai pas précisé, par précaution, dans quelles chapelles je les ai découverts. J'espère qu'ils seront protégés sans tarder comme devraient l'être les statues et les bustes qui portent souvent le nom de sculpteurs éminents.
Certains ont été volés, ne laissant que leur absence sur les socles qui se couvrent de mousse.
Quelques thèmes dominent que nous ne sommes pas étonnés de trouver dans la maison des morts. Ce sont, la plupart du temps, des thèmes chrétiens.
I, La Résurrection, bien sûr, la promesse de traverser la mort...
2 -L'Assomption de la Vierge.
Elle correspond historiquement à la réactualisation, sous le 2nd Empire, de cette tradition chrétienne qui ne deviendra un dogme chez les Catholiques qu'en 1950. La Vierge échappant à la corruption et à la putréfaction charnelles monte droit au ciel. C'est ainsi que nous aimons penser à ceux qui s'en sont allés et dont on dit qu'ils "sont au ciel"!
La Vierge est de loin la star des vitraux. Elle est présente le plus souvent avec son fils.
3- Marie et son fils.
C'est la mère qui tient contre elle son enfant.
L'image de la mère est celle qui paraît-il subsiste dans la mémoire de ceux qui la perdent, celle qu'appellent au secours les mourants. Elle est donc présente, dans la lumière, au-dessus des tombeaux.
Dans cette chapelle ouverte à tous les vents, le vitrail reste intact malgré les débris architecturaux qui sont tombés devant lui.
Il y a une grande ressemblance entre les visages de la mère et du fils, quelque chose aussi de la bonhomie et de la banalité des portraits de famille de la bourgeoisie du XIXème siècle...
Un sourire doux et familier qui m'a touché.
Ce vitrail est protégé par une grille. Il n'est visible que de l'extérieur. Ces précautions l'ont sauvé....
4 - La Crucifixion.
Au Moyen-Âge le Christ sur la croix pouvait être lépreux afin que les lépreux se reconnaissent dans sa souffrance (le célèbre Christ de Grunenwald). Il accueille, pour un croyant, l'angoisse et l'agonie des hommes. (C'est la première fois, en les écrivant, que je me rends compte à quel point ces deux mots sont proches!)
Le Christ est représenté seul ou avec, au pied de la croix, sa mère, Jean ou Marie-Madeleine. Cette dernière entoure de ses bras le bois du supplice. Elle est la pécheresse qui a été pardonnée. Le défunt chrétien espère connaître le même sort...
5- La couronne d'épines (le Christ aux outrages)
Gros plan sur le visage du Christ humilié et couronné d'épines.
6- Les saints et les saintes.
Parfois est représenté le saint-patron du défunt.
En numéro 1 apparaît Pierre, celui qui détient les clés du Paradis!
Nombreux sont les autres... Je ne reconnais pas certains d'entre eux qui portent la palme du martyre.
Sainte Elisabeth
Saint Sébastien
Sainte Bernadette
Saint Charles
Saint Jean-Baptiste (d'après Léonard de Vinci)
Saint Nicolas
7- Les portraits
Quelques vitraux portent en médaillon, le visage peint du défunt. Aujourd'hui c'est une plaque émaillée avec la photo du disparu qui est fixée sur le marbre.
10- Autres thèmes plus rares
Bien sûr ce catalogue n'est pas complet et bien des trésors ont dû échapper à mon œil captateur! Mais j'ai pu recueillir quelques scènes ou représentations plus originales, comme cet étonnant embarquement de Saint-Louis pour les croisades, dans un mausolée aux portes de fer sur lesquelles quelques découpures décoratives permettaient, en s'approchant au plus près et en y collant son œil, de prendre la mer....
Autre scène originale, la Sainte Famille, Marie, Elisabeth, l'enfant de l'une et de l'autre (Jésus et Jean, futur Baptiste)
Dieu himself avec le globe terrestre, comme un bilboquet, dans la main.
Le Christ bénisseur...
Plus rare, ce qui est étonnant alors que ce culte se développe au XIXème siècle et que se construit la basilique blanche sur la Butte, le Christ au Sacré-Coeur...
C'est la première fois que je vois cette image-là. Le Christ enfant ouvre les bras, au centre d'une croix dont une branche porte le visage de Joseph et l'autre de Marie, tous deux le visage tendu vers lui et le cheveu grisonnant...
La fuite en Egypte
Une chapelle néo gothique bien entretenue est illuminée par des vitraux sur chaque mur. Elle est comme un clocher au milieu des maisons d'un village.
...Encore quelques vitraux différents : de simples fleurs ou de pures couleurs, le bleu pour rêver, le rouge pour aimer!
Il y a encore les vitraux du cimetière juif, auxquels j'ai consacré un article il y a quelques années. Je suis passé dans cette partie romantique du cimetière où bien des tombes sont à l'abandon et où certaines pierres portent gravés les noms d'hommes, de femmes, d'enfants dont le corps ne repose pas dans la terre montmartroise mais est parti en cendres dans le ciel de Pologne ou d'Allemagne...
J'ai photographié quelques unes de ces fenêtres de lumière qui portent des lettres sacrées et je suis parti, avec dans les yeux les couleurs qui ne se révèlent que si l'on s'approche et l'on pénètre sur la pointe du regard dans l'obscurité des monuments de pierres.
Lien
Liste des tombes du cimetière Montmartre
PS : Parmi les créateurs de vitraux, j'ai pu déchiffrer quelques signatures: L.COLLINET....F.DIDRON (1890).... J.VANTILLARD (4 rue Daubigny, Paris).