Les Montmartrois n'ont pas oublié Anatole qui fut pendant 35 ans le garde champêtre du village .
Il était l'ami de tous
Acteur de toutes les fêtes
Star débonnaire d'un Montmartre de folklore dont il faisait partie sans prétention
Mais beaucoup, comme moi, ignoraient qu'il peignait à ses heures!
Pas étonnant que le virus de la peinture l'ait contaminé, lui qui passait une partie de ses journées sur la place du Tertre, foyer virulent s'il en est
Inutile d'ironiser sur cette place et ses marchands du temple profiteurs la gloire des artistes fauchés qui réinventèrent la peinture et ouvrirent des voies nouvelles après avoir, le plus souvent, vécu dans la misère et l'indifférence....
Il y a des vierges en plastic à Lourdes, comme il y a des huiles en croûte à Montmartre.
Anatole s'il n'a pas été à la meilleure école picturale a cependant une modeste parenté avec Utrillo.
Il ne cherche pas l'originalité, il se laisse guider par son regard et tente de reproduire ce qu'il voit
Il est un naïf comme on appelle les peintres qui n'ont pas la technique mais se confient à leur instinct et à leur plaisir
Ce fut une surprise pour moi de découvrir qu'une exposition lui était consacrée, 16 rue Muller, dans l'atelier de Louis Bourjac, un photographe de l'étrange réalité, du miroir entre deux mondes.
Son atelier ressemblait aux greniers où l'on découvre des poèmes et des dessins d'un parent disparu que l'on croyait connaître et qui des années après sa mort révèle sa richesse.
Je suis resté devant cette toile, ma préférée... Nul souci de reproduction ni de vraisemblance mais une joie des couleurs. des trois couleurs du drapeau qui font de la Butte un étendard, avec son poulbot qui joue du tambour.
Dans la plupart des aquarelles, on retrouve le poulbot avec son tambour quand ce n'est pas Anatole qui se représente lui-même avec un narcissisme assumé, assis rue Norvins, en discussion avec les balayeurs, en balade dans un périmètre restreint autour de la place du Tertre...
On retrouve aussi dans ses dessins une attention aux passants, aux petits métiers. Ses compositions font parfois penser à une crèche montmartroise, laïque bien entendu....
... Qelques dessins rappellent la Révolution, la bonne humeur populaire, les sans-culottes et les Mariannes....
Il fait de Montmartre un foyer révolutionnaire, ce qu'il n'a pas été en 1789, mais ce qu'il fut en 1871. La Commune ne figure pas dans ses dessins, sans doute était-elle trop rouge et trop noire alors que notre garde-champêtre voyait le monde en bleu-blanc-rouge.
Ce n'est que 20 ans après sa mort que nous parviennent ses œuvres où se manifeste son attachement "patriotique" à son quartier et à son "ambiance".
Sur plusieurs dessins, il se représente de dos, s'éloignant peu à peu de cette Butte qu'il aimait...
Il est mort en 1998 et sa compagne Mick l'a rejoint quelques années plus tard dans le cimetière Montmartre.
Sa grande stature royale (malgré son attachement à la République de Montmartre) ne s'est pas résignée à l'espace réduit du tombeau.
Elle vit dans ses dessins comme dans la mémoire des anciens de Montmartre...
Si certains sont intéressés par les œuvres d'Anatole, ils peuvent contacter Louis Bourjac en son magasin de photos, 16 rue Muller (01 42 62 00 44)