Des années avant les premières attaques du cancer qui devait l'emporter, Brialy a exprimé sa volonté d'être enterré dans le cimetière Montmartre.
Il avait repéré, chemin Saint-Eloy un espace vacant, voisin de la sépulture d'une des plus célèbres pensionnaires du lieu à laquelle il avait consacré un film : Marie Duplessis, la Marguerite Gautier de la Dame aux Camélias, la Violeta Valéry de la Traviata...
Un tantinet cabot, il savait qu'en un tel endroit les visiteurs se presseraient et ne manqueraient pas de remarquer à côté de la tombe illustre, sa propre tombe, veillée par le visage doux et grave d'une muse couronnée de pavots, fleur du sommeil et des rêves.!
Dans son livre "Le Ruisseau des Singes", un des chapitres a pour titre "Une éternité auprès de la Dame aux Camélias".
Il raconte comment le hasard voulut que le conservateur du cimetière lui proposât une première concession puis, plus tard, une deuxième, à côté de la tombe de Marie Duplessis.
"Désormais j'ai deux mètres à côté de la Dame aux Camélias! Le jardinier m'a assuré que je pourrai, d'où je suis, l'entendre tousser..."
C'est en 1998 qu'il avait réalisé son film-hommage à la célèbre courtisane.
Cette fascination qu'il éprouvait pour le destin tragique de la grande amoureuse l'a conduit à choisir pour dernière demeure ce jardin montmartrois où elle reposait depuis 1847.
Beaucoup imaginaient qu'il choisirait pour y être enterré, le cimetière du village qu'il aimait et où il possédait un château : Monthyon. Mais ce cimetière lui paraissait "tristounet" et puis, il pensait à Romy Schneider qui était enterrée loin de Paris et recevait peu de visites!
Monthyon était cependant le refuge où il se sentait bien et où il recevait ses amis.
Romy Schneider y séjourna après la mort de son fils et Jacques Chazot y mourut en 1993 d'un cancer. Brialy était fidèle et attentif, toujours accueillant à ses amis dans le besoin ou la détresse.
C'est à Monthyon qu'il tourna son premier film "Eglantine" et c'est là qu'il en donna l'avant première pour les habitants, son amie Barbara au piano...
Tous les témoignages donnés par le milieu du spectacle après sa mort vont dans le même sens et insistent sur la fidélité et l'attention de l'acteur, toujours disponible, tellement touché par les malheurs des autres qu'il ne manquait pas un seul enterrement.
A tel point que Thierry Le Luron, esprit brillant et langue vipérine, l'avait surnommé "La mère Lachaise"!
Brialy est inséparable du meilleur cinéma français même si sa filmographie abondante ne comporte pas que des chefs d'œuvre.
Chabrol, Rozier, Guy Gilles, Truffaut, Rivette, Rohmer, Louis Malle, Chéreau ont fait appel à lui...
Chacun de nous a ses préférences. Pour ma part, c'est dans le Genou de Claire de Rohmer que je l'ai préféré...
Mais je n'oublie pas Les Cousins de Chabrol, Une femme est une femme de Godard, Paris nous appartient de Rivette, La mariée était en noir de Truffaut... Ces seuls films suffiraient à lui assurer une éternité cinématographique!
Brialy a légué son château à la ville de Meaux, afin qu'y soit installée, après que son compagnon qui en a la jouissance aura disparu, une résidence pour artistes.
Le jour de son enterrement, une foule de curieux plus ou moins émus se pressaient derrière les grilles qui barraient l'accès à l'église Saint-Louis en l'île.
Les proches, les amis, étaient nombreux. Ils suivirent le cercueil jusqu'au cimetière où la tombe disparaissait sous les fleurs.
Espérons que quelques camélias se sont égarés sur la tombe voisine! Même si comme on le sait le goût de Marguerite Gautier pour ces fleurs est une pure invention de Dumas fils!
Dans le même cimetière Rivette a élu domicile, en février 2016.
Brialy aura tout le loisir de le rejoindre pour tourner avec lui Montmartre nous appartient...