Voilà une femme hors du commun qui ne trouvait pas exceptionnel de se dévouer pour les autres.
Sa tombe dans le petit cimetière attire l'attention du visiteur.
Jeanne Lepailleur est née en 1872 à Paris, dans le XVIIème arrondissement.
Elle épousa à 20 ans monsieur Perdon, un brave homme sans histoire.
Elle choisit d'être infirmière par vocation et elle donne la mesure de son dévouement pendant la guerre de 1914.
Les témoignages de nombreux soldats blessés rendent hommage à sa disponibilité et à son attention.
Les hommes souffrants ou angoissés appellent leur mère à leur chevet et c'est l'infirmière qui tente de les rassurer. Très vite, les hommes la surnomment "Maman Perdon".
Elle est infirmière major à proximité du front. Une de ses amies,Elisabeth Jalaguier est tuée non loin d'elle lors d'un bombardement sur le centre de soins.
Maman Perdon s'engagera après la guerre pour qu'un monument soit érigé à la mémoire des infirmières tuées, à l'emplacement précis où sa camarade avait trouvé la mort.
En 1915, à l'hôpital de Villers-Cotterets, elle fait preuve d'un courage exemplaire. Les journaux publient sa citation à l'ordre du jour :
"Madame Juliette Perdon a contribué avec le plus grand dévouement, à soigner les malades et les blessés de l'hôpital d'évacuation, ne reculant devant aucune besogne. Au cours du bombardement du 17 juin 1915, elle vit éclater à moins de dix mètres d'elle un obus de 380 millimètres dont l'explosion l'a couverte de débris de terre, n'en continua pas moins, sans manifester aucune émotion, à donner ses soins aux malades et blessés et ne consentit à quitter l'hôpital qu'après une évacuation complète."
Après la guerre, à Montmartre où elle habite, elle ne compte pas son temps et sa peine pour soigner les malades.
Il n'est pas surprenant qu'en 1939, lors de l'exode, elle apporte du secours aux blessés sur les routes.
Elle prend sous son aile des gosses de la Butte, des petits Poulbots particulièrement vulmérables. Elle veille sur eux et les emmène loin de Paris, à l'abri des bombardements. C'est pendant cette "mission" qu'elle est renversée par un camion militaire. Elle est heurtée au visage et perd la vue.
Après la guerre, bien que modeste, elle n'est pas insensible aux honneurs. Elle porte avec fierté ses nombreuses médailles!
En 1948, elle est nommée Chevalier de la Légion d'honneur et c'est Robert Schuman qui la décore.
Elle reçoit : la Croix de guerre avec palme, la médaille interalliée, la médaille de la Victoire, la Croix d'honneur du dévouement national et... les Palmes académiques...
Les dernières années sont un peu tristes. Elle vit seule, sans famille, dans une petite chambre tapissée de souvenirs, 3 place du Tertre.
Sa fenêtre ne donne pas sur la place mais sur l'église Saint-Pierre et le Sacré-Coeur.
Elle meurt à 82 ans, le 30 novembre 1954.
Elle est enterrée dans le cimetière Saint-Vincent.
La stèle sculptée qui orne sa tombe ne la flatte pas!
La bonne infirmière y paraît sévère et raide.
Celle qui apporta tendresse et compassion aux grands blessés apparaît ici, sur une pierre couleur d'ossements...
Elle porte des lunettes rondes qui font penser à des orbites creuses...
Sur son visage, un sourire esquissé se transforme en rictus...
Par chance, maman Perdon a perdu la vue et si l'envie lui prenait de sortir de sa tombe à l'appel d'un voisin qui aurait besoin de réconfort, elle n'y verrait que du feu...
Le feu de la veilleuse que des mains reconnaissantes allument parfois sur sa pierre...