Voici donc la rue Utrillo aujourd'hui et telle qu'elle était en 1890 alors qu'elle faisait partie de la rue Muller.
Ce n'est qu'en 1963 qu'elle fut rebaptisée et que Muller, propriétaire foncier des terrains sur lesquels avaient été construits des immeubles de rapport, fut supplanté, dans cette partie de voie en escaliers, par le peintre qui illustra si bien Montmartre.
Il y avait au début de la rue, un restaurant aujourd'hui disparu, Le Phare de la Butte.
Sur cette carte postale de la fin du 19ème siècle, les jeunes arbres du jardin Saint-Pierre (aujourd'hui Louise Michel) ne dissimulent pas encore les quatre immeubles de la rue.
Les escaliers prennent leur envol sur la placette où confluent les rues Paul Albert, Muller et Feutrier.
La boulangerie fin de siècle a été transformée en restaurant branchouille qui a gardé les plafonds de verre peint : l'été en pente douce.
Quand ce bout de rue portait encore le nom de Muller, il a connu une certaine célébrité grâce au tableau d'Utrillo...
Le peintre a posé son chevalet, rue Lamarck, sur la terrasse du restaurant La savoyarde et a représenté la rue Muller jusqu'à l'immeuble qui ferme sa perspective, rue de Clignancourt.
Francis Carco, dans La légende et la vie d'Utrillo", évoque à deux reprises cette rue :
"...Utrillo a toujours montré pour ces roides perspectives et ces étagements de marches (dont celui de la rue Muller constitue un obstacle insurmontable à la bonne volonté des pochards) une vive prédilection."
"...Utrillo n'a jamais eu d'orgueil. S'il s'est arrêté quelquefois rue Lamarck et approché du terrain vague dont on a fait le square Saint-Pierre, pour regarder Paris, c'est avec la seule ambition d'en dégager le caractère. Il n'est point, grâce à Dieu! le Rastignac de la peinture et, même à ses débuts, je suis certain qu'au lieu de se promettre de conquérir le monde il devait s'appliquer plutôt à calculer du haut des marches de la rue Muller leur nombre si pénible à gravir, après qu'on a trop bu."
Willy Ronis. Rue Muller. 1934
Le fameux cliché de Willy Ronis et son atmosphère de polar bruineux a également participé au renom de la rue...
Tournage... Photo de François Gabriel.
Comme ce tournage du film de Max Ophuls "Sans lendemain" avec Edwige Feuillère en 1939, et aux nombreux cinéastes qui la choisirent pour y tourner des scènes "typiquement" montmartroises. On peut citer par exemple "Moulin rouge" dans sa version hollywoodienne et "Amélie Poulain", so frenchy!
La photo du tournage est due à François Gabriel, photographe et artiste dont l'atelier était établi au 36 (aujourd'hui 2 rue Utrillo).
Le 2 se protège aujourd'hui derrière ses grilles fermées qui du temps de François Gabriel, étaient ouvertes sur la ville et ses habitants.
Les clichés que sa petite fille a retrouvés et fait connaître, en plus de leur valeur artistique évidente, sont un témoignage précieux. Des visages préservés... Des souvenirs simples et émouvants...
De 1914 à 1959, François Gabriel a photographié des passants, des voisins, des membres de sa famille... Le décor de la rue avec le jardin et les escaliers confèrent une poésie particulière aux photos. Le passage des saisons... Les marches que l'on monte ou descend année après année...
Photo de François Gabriel (1928) avec au premier plan son propre fils. Voir le site dixhuitinfo.com.
Il n'y a que des numéros pairs dans cette rue puisque le jardin occupe le côté sud :
Le 4 rue utrillo...
Le 6...
Et le 8...
L'immeuble, un des plus hauts de la Butte, donne également sur la rue Lamarck. Le rez de chaussée (2ème étage rue Utrillo) présente un aspect particulier avec son surplomb de zinc. C'est qu'il y avait là un restaurant : La Savoyarde, aujourd'hui transformé en appartement avec vue sur le jardin et sur Paris.
On peut voir sur cette carte postale, le restaurant en surplomb, en haut de la rue.
La rue Utrillo s'arrête là. Vous n'avez plus qu'à traverser la rue Lamarck, gravir un dernier escalier et atteindre la terrasse de la Basilique d'où vous découvrirez la houle des toits de Paris.
Dans un petit appartement que j'ai habité quelques années, rue Muller, je voyais ces escaliers, toujours parcourus de passants qui semblaient y glisser.
Sur une porte, je les avais peints avec des anges qui allaient et venaient comme sur l'échelle de Jacob. Ils reliaient le ciel et le terre. Ils continuent de le faire avec toutes ces ombres souriantes que François Gabriel, le bien nommé, a saisies un instant avant qu'elles ne poursuivent leur chemin.
link : http://www.dixhuitinfo.com/
(P.S : Sans savoir, évidemment que sa rue porterait un jour le nom de maurice Utrillo, François Gabriel a rencontré le peintre dont il a fait une photo d'une rare intensité... Ce sera l'objet d'un prochain article...
P.S bis : Les amoureux de Montmartre qui souhaitent mieux connaître les photos de François Gabriel, peuvent se rendre sur dixhuitinfo.com. Ils ne le regretteront pas!)
Lien :Montmartre. Rue Chappe.
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