Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Montmartre secret

Montmartre secret

Pour les Amoureux de Montmartre sans oublier les voyages lointains, l'île d'Oléron, les chats de tous les jours. Pour les amis inconnus et les poètes.

Publié le par chriswac
Publié dans : #MONTMARTRE. Rues et places.

 girardon-038.JPG

girardon-arriere-moulin.jpg

                               La rue Girardon, l'arrière du moulin de la Galette.

Entre la rue Lepic et la rue de l'Abreuvoir, la rue Girardon suit le tracé d'un ancien sentier villageois. Elle a changé plusieurs fois de nom : rue de la Croix du Buc, rue des Brouillards avant de prendre en 1867 son nom actuel.

girardon-rigaud.jpg

                                                         Girardon par Rigaud.

François Girardon (1628-1715) est un sculpteur très lié au Grand-Siècle et qui a beaucoup créé pour Louis XIV dont la statue équestre, place Vendôme, fut détruite à la Révolution. Mais les statues du parc de Versailles sont toujours là et notamment le sensuel et solaire "Apollon servi par les nymphes".

images.jpg

                                    Girardon : Apollon servi par les nymphes.

La rue a été amputée dans sa partie basse, là où se situaient l'abreuvoir et la fontaine du Buc, pour agrandir la place Constantin Pecqueur.

perrine-statue-girardon 066

           Escalier à l'emplacement de l'ancien abreuvoir et en contrebas la place Constantin Pecqueur    

Elle s'ouvre rue Lepic dont le numéro "1" abrite, confisquée par le jardin privé du moulin de la galette, la Mire du Nord, classée monument historique.

girardon-044.JPG

                                 Moulin rue lepic et numéro 1 rue Girardon.

girardon-052.JPG   

                                                1 rue Girardon et à droite l'avenue Junot et le cinéma 13 de lelouch  

girardon 048

girardon-mire-du-nord-1900-gravure.jpg

                                   La Mire du Nord, à l'époque où chacun pouvait la voir! (gravure)

La mire a été construite en 1736 par Cassini et servait pour l'observation du méridien de Paris et donc à la détermination du mètre (1799).

girardon-mire-du-nord.jpg

    Le  méridien de Paris qui avait l'antériorité sur celui de Greenwich fut abandonné au profit de ce dernier à la Conférence Internationale de Washington. Une fois de plus la perfide Albion experte en lobbying et en manoeuvres tortueuses (pléonasme) avait su imposer sa volonté et son intérêt contre la justice!

Rappelons que le moulin est en fait le Radet et qu'il moulinait depuis 1717 dans l'actuelle rue Girardon, sur les terrains annexés par le Château des Brouillards. 

Girardon-Radet.jpg

                     Déplacement du Radet vu de la rue Girardon. Fusain de H. Kosmann-Sichel.

En 1915, alors que la Butte s'embourgeoise et perd un peu de son âme, il est menacé de démolition. Il faudra la mobilisation des vieux Montmartrois pour le sauver. Il sera alors "déménagé" pour s'arrêter un peu plus bas.

perrine-statue-girardon-016.JPG

                                                  Le gros vilain immeuble au 4

perrine-statue-girardon-017.JPG

Au 4 de la rue a vécu un des plus grands écrivains du XXème siècle: Céline...

girardon-celine2.jpg

Après avoir habité pendant 13 ans rue Lepic, il emménage dans cet immeuble écrasant et sans grâce en 1941, avec Lucette Almanzor et le chat Bébert.

girardon-lucette-almanzor.jpg

                                                                   Lucette Almanzor

Il y restera jusqu'en 1944 lorsqu'il s'enfuit avec les collabos. Il parlera de son perchoir montmartrois dans "Féérie pour une autre fois". De ses fenêtres il assiste au bombardement qui ébranle la Butte et qu'il décrit comme une apocalypse.

girardon-celine3.jpg

C'est dans cet appartement qu'il reçoit quelques rares amis comme Gen Paul dont l'atelier est à quelques mètres, impasse Girardon et l'acteur halluciné Le Vigan.

perrine-statue-girardon-023.JPG

                          2 impasse Girardon. Vieille maison et atelier de Gen Paul.

Il parlera de son refuge montmartrois avec sa paranoïa qui fait partie de son génie :

 "Moi j'avais c'est vrai mon "7ème" (en réalité il habitait au 5ème), l'air! la vue! lointaine! cent bornes! Toutes les collines jusqu'à Mantes! Mais quelle haine cet air m'a valu! cette vue!... personne me les pardonne encore!..."

girardon-035.JPG

Façade sur la rue Girardon de l'immeuble où habitèrent Marcel Aymé et Inghelbrecht. L'entrée est sur la place Marcel Aymé.

Aucune plaque n'a été fixée sur l'immeuble alors que Montmartre a la manie d'en apposer sur chacun de ses murs! Il faut reconnaître qu'il n'y a pas de quoi célébrer les articles antisémites criminels écrits dans ce refuge et publiés par des journaux collaborationnistes.

C'est en 1941 également que Céline publie "Les Beaux Draps" pamphlet raciste et consternant.

Peut-être faut-il regretter le pillage que subit son appartement après sa fuite et la disparition des manuscrits qu'il y avait laissés. Ou peut-être ne faut-il pas le regretter.

Ce qu'il faut regretter assurément c'est la laideur de cet immeuble, semblable à d'autres clones de briques tristes qui ont défiguré Montmartre et qui ont fait disparaître, rue du Mont-Cenis la maison de Berlioz et celle de Mimi Pinson.

girardon-030.JPG                                                                

Parmi les immeubles classés de la rue, rescapés de la voracité des promoteurs : le 5 et 7, deux anciennes maisons, typiques du vieux village...

girardon-036.JPG

                                                                  Le 5.

girardon-033.JPG

girardon-034.JPG

                                                                    Le 7.

girardon-037.JPG

                              Le 2. survivance de l'Impasse Girardon. Atelier de Gen Paul.

girardon-003.JPG

                                                         Impasse Girardon

Avant le percement de l'opulente avenue Junot, la petite impasse Girardon faisait partie du maquis. Curieusement, son nom a subsisté sur quelques mètres, alors que ses quelques maisons donnent sur l'avenue.

girardon-002.JPG

                                                       Impasse Girardon et Moulin Blute Fin

La photo de l'impasse permet de voir où était le Blute Fin, un peu avant son transfert.

girardon-056.JPG

Au numéro 7bis s'ouvre le square Suzanne Buisson du nom de cette héroïne de la Résistance, morte en déportation. Il est orné d'une statue de Saint-Denis, décapité, comme chacun sait, sur la Butte.

girardon-014.JPG

girardon-016.JPG
Le Saint veille sur un boulodrome! A-t-il été placé là pour protéger les pétanqueurs et leur éviter de perdre la boule?

brouillards-chateau-girardon.jpg

girardon-020.JPG

brouillards-chateau-1908-copie-1.jpg

                                         Entrée du Château en 1908

girardon-rue-bout.jpg

Du 11 au 13 de la rue, on peut voir ce qu'il reste du Château des brouillards dont les jardins ont été en partie lotis. Pour plus de détails sur ce lieu mythique, voir l'article : le Château des Brouillards

Il y avait à son emplacement, au XVIème siècle, un moulin qu'on appelait Moulin des Brouillards ou Moulin du vin, car il servit longtemps de pressoir. Il fut vendu en 1772 à un avocat au barreau de Paris, Legrand-Ducampjean qui édifia plusieurs pavillons sur le terrain de 7000m2 qu'il s'empressa de vendre avant la Révolution.

brouillards-chateau-gravure-1834-copie-1.jpg

                                     A gauche le Radet, à droite le moulin du Palais, au centre la clinique du Docteur Blanche (confondue par certains avec le Château des Brouillards voisin.. Gravure (1834).

perrine-statue-girardon-068.JPG

                           Façade (en voie de restauration) sur l'Allée des Brouillards.

En 1850 les communs sont rasés et remplacés par de petits pavillons séparés par des haies.

Le château faillit disparaître lorsqu'il fut question dans les années 20 de prolonger sur son terrain la rue Simon Dereure. Il a fallu bien de la combativité à son propriétaire, le sieur Perrot, pour lutter contre ce projet qui prévoyait en outre la construction d'un immeuble de briques  comme il y en a tant sur la butte.

brouillards-vue-ensemble-copie-1.jpg

                                                     Le château des Brouillards, côté rue Girardon.

perrine-statue-girardon-067.JPG

                                                                        Façade 13 rue Girardon

perrine-statue-girardon-069.JPG

                                                        Escalier côté Simon Dereure (restauration)

Auguste Renoir a loué pendant plusieurs années le pavillon 6 qui faisait partie des dépendances du Château et auquel on accédait par le 13 rue Girardon.

Girardon jean renoir

                                              Jean Renoir peint par son père

Le petit Jean Renoir y a passé les trois premières années de sa vie. Gabrielle, le modèle préféré de son père, prenait soin de lui et l'emmenait se promener dans les jardins en fleurs.

Il y avait à cette adresse toutes sortes de gens, député ou livreur chez Dufayel.... Peintre ou poète famélique comme Bibi la Purée qui s'invitait souvent dans la cuisine d'Adèle Renoir.

girardon-nerval.jpg

Mais le plus célèbre locataire du château reste, quelques années plus tôt  Gérard de Nerval qui dans "promenades et Souvenirs" se rappelle son séjour :

"Ce qui me séduisait dans ce petit espace abrité par les grands arbres du Château des Brouillards, c'était d'abord ce reste de vignoble lié au souvenir de Saint-Denis, qui, au point de vue des philosophes, était peut-être le second Bacchus (...). C'était ensuite le voisinage de l'abreuvoir qui, le soir, s'anime du spectacle de chevaux et de chiens que l'on y baigne, et d'une fontaine construite dans le goût antique, où les laveuses causent et chantent (...)."

  Ce n'est donc pas à un réverbère de cette Butte aimée qu'un soir de janvier 1855  le poète se pendit, mais à une grille d'égoût de "la rue la plus noire qu'il pût trouver, non loin du Châtelet.

girardon-006.JPG
                                                                         Le 16 rue Girardon

La rue Girardon rejoint la rue de l'abreuvoir, au niveau du pavillon où vivent des artistes, au numéro 16, dans un beau jardin qui s'étend jusqu'à la rue Norvins.

girardon-gen-paul.jpg

                                                              Rue Girardon. Gen Paul.

Revenez en automne quand la brume caresse la rue... Vous y rencontrez Nerval plus sûrement que dans la rue où il s'est pendu... La sinistre rue de la Vieille Lanterne n'existe plus... Le Château des Brouillards  est toujours là...

 

Liens :

Rues de Montmartre. Classement alphabétique.

Rue Tholozé.

Rue du chevalier de la Barre. (I). De Ramey à Lamarck.

 Rue Cortot.

Rue de la Bonne.

Place des Abbesses.

 Le Passage Cottin.

Impasse Traînée. Rue Poulbot.

 Place du Tertre.

Square Saint pierre. Square Louise Michel.

Place Saint Pierre.

 

 

Commenter cet article
C
Bonjour, je m'aperçois que le fait d'avoir changé la légende de la photo (moulin Radet changé en moulin Blute-Fin) donne un contresens au commentaire . Vous écrivez en effet "où était le Blute Fin, un peu avant son transfert.". Mais non, ce commentaire concernait le Radet et le Blute-Fin lui, est toujours resté à la même place ! (excusez mon côté tatillon d'ancien prof.)
Répondre
C
Néanmoins l'image trouvée est moins large que la vôtre . Et elle élimine le moulin situé à gauche ! ce qui a pourtant une grande importance, car elle présente très vraisemblablement le Radet dans son ancien emplacement rue Norvins (avant son transfert vers la rue Lepic en 1834). <br /> cordialement
Répondre
C
voici le lien pour le bulletin :<br /> http://www.hervedavid.fr/francais/montmartre/bulletins/1910%20-%20fasc%2067%20et%2068.htm
Répondre
C
il s'agit du bulletin trimestriel de la Société d' Histoire et d'Archéologie des IX et XVIII arrond. du "Vieux Montmartre " daté Janvier-Juin 1910. La gravure est référencée figure2 On y trouve une foule d'anecdotes sur la clinique du docteur Blanche. Passionnant !!!
Répondre
C
Bravo pour votre perspicacité qui donne de beaux résultats! C'est vous qui devriez écrire des articles sur Montmartre! Je vais essayer de trouver ce bulletin.<br /> Cordialement
C
http://www.hervedavid.fr/francais/montmartre/bulletins/1910%20-%20fasc%2067%20et%2068%20-%20images/fig%2002.jpg
Répondre
C
après quelques recherches , j'ai fini par trouver dans ma collection de livres sur Montmartre la même gravure avec sa légende : "Montmartre en 1835 , gravure de Villeneuve (Carnavalet)". Renseigné sur son graveur il devenait simple alors de rechercher sur Internet . On arrive à l'image cherchée et sa légende "Maison du docteur Blanche en 1830 , gravure de Villeneuve exposé au Salon de 1835" musée Carnavalet n° 246
Répondre
C
vous présentez une gravure de 1834 comme étant le chateau des Brouillards . Bien , mais vous présentez aussi un extrait de cette même gravure comme étant la clinique de Docteur Blanche (dans l'histoire de la Folie-Sandrin) Alors où est la vérité ? . J'avoue que personnellement je reste très hésitant sur cette gravure.
Répondre
C
Merci de votre remarque. Je vais aller vérifier. Mais j'ai l'impression que le vrai connaisseur de ce quartier, c'est vous!
C
"Impasse Girardon et moulin Radet" avec sa plate forme au sommet ,il s'agit là non pas du Radet mais de son voisin à l'Ouest nommé successivement Moulin du Palais , puis Bout à fin et enfin Blute-Fin (construit entre 1622-1628) Bien plus tard (1834) le fils Debray déplacera le moulin Chapon situé rue Norvins pour le mettre à l'Est du Blute-Fin tout près de la rue Girardon et le rebaptiser Radet.
Répondre
B
<br /> <br /> Une visite vraiment complète de cette rue où on passe sans faire attention. C'est précieux votre site.<br /> <br /> <br /> <br />
Répondre
A
<br /> <br /> Inépuisable richesse de l'histoire de Montmartre. Et que d'artistes exceptionnels y sont passés!<br /> <br /> <br /> <br />
Répondre

Archives

Articles récents

Hébergé par Overblog