26 mars. Improvisation donnée par les élèves de Bruno au Conservatoire de la rue de Pontoise : les deux
derniers actes de la Cerisaie. Je suis assis au premier rang pour prendre quelques photos. J'entends Bruno présenter le travail de ses élèves, sa conception du théâtre. Je suis ignare en la
matière; les mots glissent sur mes plumes de canard. Mais ce que je perçois immédiatement, c'est l'atmosphère, la nervosité dans l'air et l'amitié inquiète qui semblent unir les jeunes
acteurs. J'ai toujours été frappé dans les spectacles de mon frère, ce grand angoissé, cet insatisfait, par cette présence forte, comme palpable d'une fraternité, d'une communauté serrée pour un
moment autour d'un feu dans la nuit. Pour rafraîchir la mémoire des
spectateurs, un résumé des premiers actes est présenté avec accompagnement pianistique. La séquence est virtuose et drôle. Mine de rien, avec légèreté, elle nous introduit dans l'univers
tchékhovien : le temps inexorable qui bouffe toute jeunesse et tout espoir, le deuil impossible... mais elle le fait avec humour, avec clownerie même. Elle nous prépare à recevoir le
spectacle comme une comédie où l'on rit et l'on sourit, une comédie tragique qui ressemble à la vie.
Le 3ème acte fait de nous des voyeurs qui essayent de participer à la
fête en jetant un oeil entre les panneaux des paravents. Les panneaux s'entrouvrent et l'on surprend soudain une conversation, une confidence. On s'attache aussitôt à Andreevna revenue de Paris
ruinée par son amant et contrainte de vendre la Cerisaie de son enfance. Nul doute que la jeune actrice qui l'incarne fera son chemin si elle le désire. Elle est forte et fragile, rêveuse et
réaliste enfin...Elle incarne une Andreevna que je n'oublierai pas.
Il me paraît injuste de mentionner tel ou telle des acteurs et actrices du spectacle, tant chacun d'eux, complétement engagé y apporte sa fougue et sa foi. Tant pis si la transformation
de l'acte suivant et les rôles échangés brouillent un peu le spectateur. Je retiens de cette soirée la générosité et le talent.
J'ai aimé ces jeunes acteurs et je les ai trouvés beaux. J'aime Bruno mon
frère qui vit dans le théâtre comme dans un monastère où il entraînerait tous les novices dans la même prière et la même joie. A la fin du spectacle, c'est le public qui aurait dû se lever et
applaudir la jeune troupe et son professeur pour le pain et le vin qu'ils avaient partagés.