En venant du viaduc, un panneau "Monuments historiques" attire votre attention et vous promet la découverte d'une chapelle du dix-huitième siècle. Vous êtes alléché et pensez qu'un minimum de culture entre deux bains de mer ne peut vous faire de mal. Vous tournez donc vers le centre de Grand Village et vous êtes accueilli aussitôt par une minuscule chapelle fermée à double tour, la chapelle Saint Joseph. Vous regardez l'édifice assez banal et qui ne cache pas lui son origine résolument dix-neuvième pour ne pas dire début du vingtième!!!
Renseignement pris, votre impression sera confirmée. Il y eut bien une chapelle en ce lieu mais elle fut détruite complètement et un nouvel édifice vint prendre sa place à la fin du XIXème... Qu'importe, elle a son petit charme et certains villageois m'ont parlé d'une époque pas si éloignée où elle se dressait, solitaire au milieu des champs et des prés envahis de roses trémières. Aujourd'hui, il faut bien cadrer pour que la photo cache son environnement de maisonnettes de vacances qui se sont multipliées comme les pains de la parabole évangélique...
Mais ne vous découragez pas et réclamez la clef à Ginette, une adorable dame qui vit tout près de là (la première maison) avec un chien aboyeur qui ne vous mordra pas si vous franchissez la grille vaillamment mais qui attrapera votre main si vous avez l'imprudence de la passer à travers les barreaux.
L'intérieur vous réserve une agréable surprise. Murs et voûtes sont peints et vous proposent un voyage naïf dans les campagnes environnantes. Deux anges tendent une banderole enjoignant Dieu de donner son amour au Grand Village. Ce qui est sans nul doute dans ses possibilités étant donnée la modestie de l'endroit peuplé en hiver de moins de quatre cents âmes...
L'artiste Elie Murat a peint ces fresques qu'il a tenu à offrir à sa petite commune. Sa maison est à quelques pas de là. Vous la reconnaîtrez aux dinosaures composés de cailloux et de coquillages dont les murs du jardin sont ornés. Ainsi sont les artistes, doués ou non, reconnus ou pas, ils ont ce besoin de créer, de saisir les objets et d'en faire des monstres ou des paysages.
Je l'ai rencontré avant qu'il ne rejoigne ses anges, il y a quelques années. Il était vigoureux, le visage hâlé par les vents d'ouest, le cheveu dru et blanc. Il parcourait les petits chemins et s'arrêtait, émerveillé devant les oiseaux ou les animaux si présents dans la chapelle.
Il a souvent peint des ânes. Il devait savoir que ces humbles travailleurs nous précéderont. C'est ce que savait aussi Francis Jammes lorsqu'il écrivait sa prière pour aller au paradis avec les ânes.
Les oiseaux de toutes plumes habitent le ciel des voûtes. On y reconnaît des habitués de l'île d'Oléron : mouettes, aigrettes, hérons, chouettes chevêches, oies sauvages ou canard patauds.
Elie Murat a représenté également les hameaux proches de Grand Village : les Allassins, le Chaudron, le Maine, Trillou...
Il n'a pas oublié Grand Village...Il a même représenté la très vilaine mairie dont l'architecture est indigente et les accès à la plage aujourd'hui encombrés de bagnoles, de vélos, de piétons, de bateaux gonflables, de bouées, de poussettes et de quelques malheureux chiens qui risqueront d'être renvoyés dans leur niche. En effet, depuis deux ans les chiens sont interdits de plage. Cette héroïque décision prise après une ou deux plaintes de grincheux qui ne supportaient pas de voir à l'horizon, sur des plages de plusieurs kilomètres nettoyées par les marées, un animal à poils, a sans doute contribué au remplissages des refuges ou à l'abandon pur et simple de compagnons devenus encombrants à l'approche des vacances. Un chien ça pisse et ça chie, voilà le problème.... mais les milliers de baigneurs comme chacun sait ne sont pas pourvus de ces fonctions animales et respectent trop l'océan pour y laisser quelque déchet organique.... Je vous avoue pourtant que j'ai ramassé plusieurs couches garnies aujourd'hui même et qu'elles ne provenaient ni de chiots ni de chiottes....même si elles en avaient l'odeur...
Si vous avez un chien, je vous conseille la grande plage à St Trojan où familles, naturistes, sportifs et toutous vivent en parfaite harmonie.
Au moment de quitter la chapelle, vous faites face au mur nocturne avec ses oiseaux de nuit, le viaduc et ses réverbères allumés comme un passage entre vie et mort.... Le Fort Boyard semble refermé sur lui même dans sa carapace de pierres et au-dessus de l'île, dans un frémissement d'ailes blanches apparait le Christ de la résurrection.
Sur cette bonne nouvelle, j'envoie un grand salut à l'artiste qui ne manquera pas de le recevoir et je vous souhaite de belles vacances en Oléron ou ailleurs sous la protection du dragon de cailloux et de coquillages d'Elie Murat.
lien : Roses tremieres