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Montmartre secret

Montmartre secret

Pour les Amoureux de Montmartre sans oublier les voyages lointains, l'île d'Oléron, les chats de tous les jours. Pour les amis inconnus et les poètes.

Publié le par chriswac
Publié dans : #WACRENIER

          Maurice Fombeure écrivit la préface du premier recueil de poèmes de Louis Wacrenier. Bien que fort différents, ces deux hommes se rencontrèrent et s'apprécièrent, même si dans son texte, Fombeure semble minimiser l'aspect tourmenté et sombre des poèmes dont il parle. 
 
            Voici donc cette préface écrite pour un jeune homme aujourd'hui âgé de 89 ans et qui a pris le large sur les eaux noires de l'oubli.....

           
Mon beau navire ô ma mémoire
             Avons-nous assez navigué
             Dans une onde mauvaise à boire
             Avons-nous assez divagué
             De la belle aube au triste soir..
...
     (Apollinaire) 






















     Louis Wacrenier pourrait dire après Racine et quelques autres :

                    Ah Dieu, quelle étrange chose :
                        Je sens deux hommes en moi!

     Le premier de ces deux hommes, l'homme de chair,
 est,  aujourd'hui, un grand gaillard, mince et flexible comme un roseau, beau specimen de grand flandrin issu de cette race hispano-flamande que l'on retrouve encore fréquemment là-bas, dans cette ARRAS qui fut espagnole jusqu'au traité des Pyrénées. C'est seize cent cinquante neuf. Yeux noirs et frisés au velours d'Orient, cheveux ondés - je ne dis pas ondulés -  chaleur, cordialité, enthousiasme et bondissement, comme d'un jeune chien qu'on viendrait de détacher de sa niche. Un gars que j'ai connu tout petit, collégien, rue des Agaches, en le domicile de son père où il écoutait les déclamations de poèmes des Rosati d'Artois sans rien dire ni laisser voir de ses sentiments. Il s'est bien rattrapé depuis, l'animal!

     Son père, grand Chancelier des Rosati d'Artois et qui fut l'un des hommes les plus exquis que j'ai connus, est mort. Le Président, l'excellent Maître Paul Wacrenier, est mort. La maison des WACRENIER est morte, écrasée sous l'un de ces bombardements que l'on dit être nécessaires, pour "la bonne marche" de la guerre. Mais
nos souvenirs, eux, ne sont pas morts. Qu'il a dû s'en envoler, comme des agaches éffarouchées, autour de cette vieille demeure arrageoise si pleine de traditions de bon accueil,  à peine plus grande que le coeur de son maître lorsqu'elle s'est écroulée dans un fracas de fin du monde.






















Mais de cette bonne race, un surgeon a surgi. Louis WACRENIER est là. Et même "un peu là". Bien et bon vivant! Vivant et chantant comme un arbre que visitent les oiseaux. Parce qu'il aime la vie, elle se rend à lui. Et elle l'aime. De même que les oiseaux ne vont que sur les arbres qui leur plaisent, les bons vers ne vont chanter que sur les lèvres de ceux qui méritent de les scander et de les écrire. Auparavant, notre Louis Wacrenier, avant de devenir cette longue tige, flexible mais solide, avait fait "les quatre cents coups", comme on dit. Il a dû être un drôle de collégien et d'étudiant. mais je ne l'ai pas suivi en ces temps-là. Sur le guerrier, je suis mieux renseigné. Il était pilote aviateur, naturellement. Après la défaite, avec un fidèle copain, il tente de passer en Angleterre. Nos deux lascars prennent l'avion de leur colonel - Noblesse oblige - et vont le percuter dans les vignes du Médoc. Parce que cet avion était trop gros pour eux et qu'ils n'ont pas su faire couler l'essence des doubles réservoirs. Qu'à celà ne tienne. Rappelés au sol un peu brusquement, ils jouent les grands blessés dolents pour échapper au Conseil de Guerre; Et ils réussissent à s'en tirer. Mais ils ont eu un peu chaud, les bougres! Les copains de Louis WACRENIER qui ont pu passer en Angleterre sont entrés dans l'escadrille Normandie-Niémen et sont revenus de guerre décorés jusqu'au nombril.






















Depuis? Louis WACRENIER est revenu à la vie civile, comme tout le monde. Il s'est marié. A eu de nombreux enfants. et s'est fixé en vieille Cité des Atrébates, chère à son coeur, malgré ses brumes, son apparente hostilité, ses ruines toutes fraîches. Car en ces malheureux pays, les ruines se renouvellent à chaque guerre. Mais c'est à Arras que notre ami avait passé son enfance et sa jeunesse. Ecouté les vers des Rosati d'Artois qui reçurent "en leur sein" et en leur temps des gens comme Lazare Carnot et Maximilien de Robespierre, que l'histpoire connaît mieux sous le nom de Robespierre. Tout naturellement, mais peut-être aussi un peu grâce à son hérédité "rosatique", louis WACRENIER est devenu le Président des Rosati d'aujourd'hui. Et quel Président! On peut dire qu'ils ont eu la main heureuse, une fois de plus. Celui-ci se remue comme une ruche d'abeilles, comme une nichée de jeunes souris. Il projette sans cesse et organise toujours.















      Mais - et nous en arrivons au deuxième homme qu'il porte en lui - Louis WACRENIER est aussi, et avant tout, poète. Et un poète qui ne ressemble guère au garçon que nous pouvons voir, à l'être apparent et pétulant, joyeux drille, disert, rabelaisien et "humeur de piots". Non. Un poète fin, tendre, nostalgique au timbre mélancolique, au coeur fêlé d'une blessure secrète. A la sensibilité frémissante et blessée de peu. Un frère cadet de Laforgue. S'il "rit en pleurs", les pleurs n'en perlent pas moins. Si en chantant, il enchante son mal, son mal le point, cependant.  et il ne souffre pas toujours seul, mais souvent avec ceux de ses compagnons qui sont restés sur les champs de bataille, avec ceux qui rôdent sans espoir dans les vieilles rue du Vieil Arras, au bas du beffroi qui tremble de toutes ses ondes sonores en se raillant sr l'air de 

                                                                  Mon père m'a donné un mari
                                       Mon Dieu quel homme, quel petit homme....


     Il en était ainsi, du moins, au temps où j'habitais Arras!

      Louis WACRENIER aime à errer au bord de cette Scarpe qui ressemble davantage à la Bièvre qu'à la Loire et n'a rien, certes, d'un fleuve royal. Pluôt un ruisseau qui sent et reflète la misère humaine. Une eau noire et froide.



    

















     Mais le poète fait aussi claquer les drapeaux de l'espoir. Après tout, le bonheur et la joie sont peut-être ailleurs :

                       Partons! Nous trouverons de nouvelles natures
                           Déjà le vent se lève et nous mouille les yeux
.

    Pour fuir :

                      Les rêves d'autrefois
                          Qui reviennent au coeur parfois
                          Tournoyant dans la nuit sereine
                          Comme au gré des fêtes foraines
                          Les entêtés chevaux de bois.

     Un autre poème dit : "Espoir quand même"! Et lorsqu'on a la joie de connaître leur au
teur, on sait bien qu'il ne se laissera pas aller à sombrer dans ses détresses intimes.Mais qu'il luttera jusqu'au bout. Car il a, pour le soutenir, comme il l'exprime en une image digne des temps maudits et batailleurs que nous vivons :

                       Je sens ce soir
                           Que mon rêve ne peut s'effacer
                           Et qu'il me restera toujours
                           L'espoir
                           Parachute  mes pensées.

     Il est de ceux pour qui le soleil demain se lévera. et il le dit. et il le clame en des sursauts mélodieux. Le recueil, toutefois, ne se termine pas sur cette note altière, mais sur une espèce de découragement auquel je ne veux pas tout à fait croire :

                       Courbe le front et bas redis
                           Ton Kyrie Eleison
                           Pauvre pantin crevé qui t'es vidé de son.

     Je sais que cet abandon aux forces mauvaises n'est que passager. Je sais que ce poète est l'un de ceux qui nous rassurent sur les temps à venir. L'un de ceux à qui je fais confiance. Un poète des horizons lointains et des pays nouveaux, un prospecteur aussi de nos paysages intérieurs, l'un de ceux qui, comme le préconisait Apollinaire, nous aidera à :

               Explorer la bonté
               Contrée énorme où tout se tait.


                                                                         Maurice Fombeure.




Louis Wacrenier un poète à Montmartre

                            

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