Voilà un petit square qui survit vaillamment dans le bruit et la pollution de la rue Lafayette toujours encombrée et nerveuse.
Il est là depuis qu'Alphand "le père des espaces verts parisiens" l'a terminé en 1863 comme 23 autres dans paris. Notre homme était écologiste dans l'âme et il aménagea quelques uns des plus beaux jardins de Paris : parc Monceau, des Buttes Chaumont, bois de Boulogne et Vincennes, jardins des Champs-Elysées.....
Auparavant le terrain où le square est implanté faisait partie des jardins de l'hôtel particulier de Charles Sanson, 2ème du nom et bourreau officiel de la ville de Paris. Il succèda à son père en 1707 et il eut à son palmarès la décapitation d'une femme et l'exécution de Cartouche, le brigand légendaire. Son palmarès néanmoins reste modeste comparé à celui de son petit fils Charles-Henri Sanson qui, la guillotine aidant fit tomber dans le panier de son quelques 3000 têtes dont celle, découronnée de Louis XVI.
Le square ne garde aucune trace du bourreau qui repose avec sa dynastie dans le grand jardin qu'est le cimetière de Montmartre, à moins d'un km de là.
Du square des origines peu d'éléments subsistent car l'espace a été remodelé en 1981 et découpé en carrés et rectangles, espaces de jeu pour les petits, de sport pour les ados... L'harmonie initiale a disparu comme dans de nombreux squares parisiens qui finissent par se ressembler,
Ont subsisté quelques arbres dont deux magnifiques platanes âgés de plus de 150 ans.
Les grilles également sont d'origine, en forme de coeur avec entrelacs de fleurs et d'épis. Les lignes centrales autour d'une fleur-soleil dessinent une lyre.
Elles sont dues à Gabriel Davioud (1824-1881) qui fut un architecte très actif pendant le 2nd Empire et qui a laissé à Paris quelques unes de ses plus belles fontaines: fontaine Saint-Michel, fontaine des quatre parties du monde (avec Carpeaux), fontaine de la place du Châtelet...
Sans compter des bâtiments remarquables comme les deux théâtres de la place du Châtelet.
En 1879, la ville fit l'acquisition d'une statue qu'elle plaça au centre du square, au milieu d'une pelouse : "Gloria Victis" d'Antonin Mercié.
La statue réalisée après la défaite de 1871 était vite devenue populaire. "Vae victis" (malheur aux vaincus) la célèbre formule de Brennus devient "Gloria victis" (gloire aux vaincus). La renommée ailée et cuirassée emporte vers le ciel un jeune soldat dénudé dont la main droite tient un sabre brisé. Statue patriotique s'il en est! Le héros mort pour la patrie entre dans l'immortalité...
La statue dont plusieurs villes réclament aussitôt une copie ne reste que cinq ans square Montholon avant de s'envoler à tire d'ailes jusqu'à l'Hôtel de ville où elle séjourne jusqu'en 1930. Elle est alors cachée dans le dépôt d'Auteuil, ce qui lui épargne l'humiliation d'être fondue pendant l'occupation par les descendants des Prussiens de 1871. Enfin, en 1930, elle s'envole une dernière fois vers le Petit Palais où elle se trouve bien, sur ces Champs Elysées où comme l'on sait les héros antiques trouvent le repos.
Il reste dans le square un groupe qui depuis son installation en 1925 n'a pas bougé. Il est vrai qu'il n'est pas ailé contrairement à lastatue dont il apris la place. Il s'agit de "La sainte Catherine" marbre sculpté par Julien Lorieux en 1908 et acheté par la Ville.
Il représente cinq catherinettes qui ont mis leur plus belle tenue, coiffé le fameux chapeau avec fleurs d'oranger et sortent de l'atelier, le 25 novembre, pour se rendre au bal et rencontrer peut-être l'homme de leur vie.
C'est souvent dans les milieux modestes (couturières, modistes) que les femmes restaient plus longtemps célibataires. Cet aspect social, Julien Lorieux ne l'ignore pas, lui qui est né et a vécu dans le IXème arrondissement. Voilà pourquoi il complète le nom qu'il donne à son groupe par une dédicace "à l'ouvrière parisienne".
Julien Lorieux avait été élève d'Antonin Mercié dont le "Gloria victis" a laissé la place libre pour "la sainte Catherine". Or, Julien Lorieux, tel le jeune soldat dénudé, est mort en 1915, touché à la tête par un éclat d'obus. La Renommée ailée a peut-être emporté vers les Champs-Elysées ce jeune mort pour la patrie. Ou plus simplement, ce sont les sourires juvéniles de ses catherinettes que se sont chargés de sa renommée!
On aimerait quitter le square avec ces sourires mais avant de pousser les belles grilles de Davioud, nous découvrons entre les buissons en fleurs une plaque de verre que nous n'avions pas remarquée.
Elle égrène les noms des enfants juifs arrêtés sous Vichy et assassinés dans les chambres à gaz. Ils étaient trop jeunes pour être scolarisés et leurs noms ne figuraient donc pas sur les plaques apposées sur le mur des écoles. Ils ont trouvé place sur cette plaque de verre, légère, fragile, à peine visible.... dans ce jardin où leur mère n'osaient plus s'asseoir sur un banc, comme les autres mères, pour les regarder sourire sous les feuillages des platanes centenaires.
Liens : les rues de Montmartre.