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Montmartre secret

Montmartre secret

Pour les Amoureux de Montmartre sans oublier les voyages lointains, l'île d'Oléron, les chats de tous les jours. Pour les amis inconnus et les poètes.

Publié le par chriswac
Füssli. Exposition au musée Jacquemart André.

   D'accord le musée Jacquemart-André n'est pas à Montmartre mais plus bas sur le boulevard Haussmann au cœur du Paris opulent du 2nd Empire.  Il n'en est pas moins proche et la descente de la Butte en ce mois d'octobre estival vaut bien le déplacement!

L'incube s'envolant laissant deux jeunes femmes. (1780)

L'incube s'envolant laissant deux jeunes femmes. (1780)

Füssli! Un peintre qui me fascine depuis ma jeunesse et hante mon imaginaire! Quelle chance de retrouver là, si près, quelques-unes de ses toiles les plus fascinantes!

Le Roi du Feu apparaît au Comte Albert (1810)

Le Roi du Feu apparaît au Comte Albert (1810)

Johann Heinrich Füssli (1741-1825) né dans la sage et ennuyeuse Suisse, choisit, on le comprend de vivre à Londres, dans ce pays qui donna naissance à deux de ses plus grandes admirations : Shakespeare et Milton.

                                Ulysse naufragé reçoit le voile d'Inô-Leucothéa

Quand il arrive à Londres en 1764, il était déjà pasteur depuis trois ans. Pasteur peut-être mais passionné de théâtre, il assiste à Londres, à Covent Garden comme à Drury Lane à de nombreuses représentations de Shakespeare.

                                                   Lady Macbeth

Il ne pouvait qu'aimer les drames intenses et les personnages ambitieux et torturés, guettés par la folie.  Macbeth est une des pièces qui l'inspirent le plus.

Il représente Lady Macbeth quand après le meurtre de Duncan qu'elle a poussé son mari à commettre, elle est devenue reine et a sombré dans la folie. On voit combien Füssli théâtralise son sujet qui semble éclairé par la rampe. Lady Macbeth sort de l'ombre de la nuit, poussée en avant par une force terrible, celle du remords qui engendre la folie. Sa main gauche est levée, trois doigts baissés pour tenter de dissimuler le sang que rien n'a pu laver... "Tous les parfums de l'Arabie ne purifieraient pas cette petite main..."

Füssli. Exposition au musée Jacquemart André.

Les sorcières, personnages que Füssli aime peindre, messagères entre les forces mystérieuses et les humains. Elles sont viriles et grimaçantes, sûres de leur pouvoir qui s'exprime par les prophéties et les énigmes. On ne sait si leur langue sort de leur bouche, vaguement obscène ou si c'est un doigt qu'elles posent sur leurs lèvres et avalent à moitié. Les deux sans doute. 

Füssli. Exposition au musée Jacquemart André.

Avec Hamlet, la représentation théâtrale est plus nette encore, simplification du décor, effets de contraste... Hamlet terrorisé voit apparaître le spectre de son père.  Son visage fait penser à ceux que filmera le cinéma expressionniste. Pour l'anecdote, l'acteur David Garrick maintes fois applaudi par Füssli utilisait un mécanisme qui lui permettait de faire se dresser ses cheveux sur sa tête! Pas sûr que ce procédé utilisé aujourd'hui ne rendrait pas hilares les spectateurs!

Füssli. Exposition au musée Jacquemart André.

Milton est l'autre poète qui inspire Füssli et qui lui permet de peindre une de ses plus belles toiles : Lycidas. Le poème de Milton donne naissance sous le pinceau du peintre à cette figure abandonnée au sommeil dont la main droite touche la jambe comme un amarrage à sa réalité corporelle. Le chien se devine à peine, comme une ombre dont la tête est tournée vers la lune. Le ciel immense aspire le rêveur vers ces mystères que le chien devine.

Füssli. Exposition au musée Jacquemart André.

Nous retrouvons cette figure endormie dans la grande toile du "Songe du berger". Le jeune homme est abandonné là encore au sommeil, son chien tourné vers les apparitions.  Cette fois le ciel est peuplé de créatures fantastiques qui veulent l'entraîner. Son corps terrestre ne les perçoit pas mais son esprit se laisse aller à leur invitation. Belle toile romantique qui n'est pas sans être influencée par le maniérisme italien. 

 Mais il est vrai que notre sensibilité peut trouver plus de mystère dans ce qui n'est pas montré mais se devine dans la première toile.

                       La vision de Saint-Jean et du candélabre à sept branches (1796)

Magré sa formation religieuse Füssli n'est pas inspiré par la mythologie chrétienne. S'il lui arrive de peindre des sujets chrétiens, c'est à partir du Paradis Perdu de Milton et non de la bible. Trois toiles remarquables sont exposées.

                                                       L'expulsion du Paradis

                                                         La création d'Eve

Dans cette dernière toile, Adam est endormi, le bras sur les yeux. On ne sait quels rêves peuvent habiter le premier homme mais on voit, bien réelle, Eve sortir de son côté et prise dans un mouvement ascendant qui tirerait vers le haut l'homme inconscient. Les mains jointes vers la divinité, elle est loin des "Eve" des représentations classiques. Elle est sensuelle et spirituelle, attirée non par l'homme mais par l'ouverture du ciel.

Füssli. Exposition au musée Jacquemart André.

Toujours inspirée par le Paradis Perdu, cette toile effrayante qui illustre le péché nous montre en premier plan une sorcière se livrant à un rituel macabre et s'apprêtant à tuer un jeune enfant tandis qu'apparaît dans la lumière, à peine discernable, un cavalier et ses chiens. Le couteau que brandit une autre sorcière qui s'agrippe aux barreaux de l'échelle, le tumulte d'hommes qui combattent, tout ici est cauchemar. Un monde brutal marqué par la violence et la mort, avec en arrière-plan ce cavalier et ses meutes qui arrivera peut-être trop tard. 

Füssli. Exposition au musée Jacquemart André.

 Les succubes et les incubes hantent la nuit des femmes endormies... La toile la plus célèbre de l'exposition est "Le cauchemar" qui fascina Freud qui en avait accroché une gravure dans son cabinet. Freud! Voilà un nom que l'on a en tête du début à la fin de l'exposition. L'inconscient, le rêve, la sexualité.... tout cela tourne devant nous avec les corps trop blancs des femmes et la farandole des monstres. 

Füssli. Exposition au musée Jacquemart André.

L'interprétation du tableau est sans fin. Chacun selon sa sensibilité aura sa lecture. Rappelons seulement que le petit être simiesque installé sur le ventre de la jeune femme est un  incube, créature venue s'emparer par le viol de l'endormie, étendue sur sa couche dans une robe blanche comme un linceul. Les tentures rouges de la première version suggèrent le viol, le sang, tandis que la position cassée du corps peut nous indiquer qu'il n'a plus de vie. Enfin la jument noire, symbole funeste, est une jument de la nuit "nightmare" en anglais.

Füssli. Exposition au musée Jacquemart André.

Il y a d'autres toiles fascinantes dans l'exposition que je vous invite à visiter, dans ce palais miraculeusement préservé qu'est le musée Jacquemart-André. Je terminerai avec "Achille saisit l'ombre de Patrocle" de 1803. Le vrai nom serait "Achille rêvant de retenir l'ombre de Patrocle", son ami devenu âme...

Il s'agit d'un rêve encore mais cette fois qui nous relie à nos morts, à ceux que nous aimons et qui apparaissent dans la nuit pour que nous leur redonnions vie. 

Huon rencontre la sultane Amansaris (détail) 1804

Huon rencontre la sultane Amansaris (détail) 1804

Quelques détails de tableaux enfin, pour le plaisir et pour rendre hommage à celui qui nous a permis de traverser en plein jour, les yeux ouverts, la frontière que nous franchissons habituellement la nuit pour le pire et quelquefois le meilleur.

Rezia plonge dans la mer avec Huon (détail) 1804

Rezia plonge dans la mer avec Huon (détail) 1804

Roméo et Juliette

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La mort de Didon

La mort de Didon

Liens vers les études de tableaux et peintres de ce blog

Les peintres et artistes de Montmartre

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                                                            La reine Mab

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