Allez savoir pourquoi cet endroit de la Butte porte le nom de Turlure?
Ce qui est avéré c'est qu'au XVIIIème siècle y fut construit le treizième et dernier moulin montmartrois, à proximité du moulin de la Lancette qui serait aujourd'hui à l'emplacement des bâtiments annexes du Sacré-Coeur et du moulin Paradis qui serait en léger contrebas.
Moulin de la Lancette
Le meunier Pierre Debray et sa femme Catherine Blanchard achetèrent ce terrain en 1769 pour y édifier un moulin qui prit le nom de son lieu de naissance.
Ce nom désignait au Moyen-Âge une tirelire. Il était également porté par une sorte de cornemuse ("Ture" étant un instrument de musique et "Loure" une grande musette).
Nous passerons sous silence ou presque "la turlute" québécoise qui est une façon de chanter par onomatopées sur un air de violon et "la turlute" française qui est comme chacun sait une fantaisie dont la haute tenue morale de mon blog m'interdit de dire plus!
Pourtant...vous connaissez les Montmartrois! Ils ont souvent la langue qui fourche et il leur arrive de parler du "parc de la turlute" avant de se reprendre, l'air penaud : Euh ! Pardon! De la Turlure!
Ce moulin de la Turlure ne fut pas une tirelire pour les Debray car après une soixantaine d'années il fut vendu par la veuve Debray et disparut corps et ailes comme avait disparu quelques années plus tôt, en 1817, le moulin Paradis englouti par les carrières de plâtre.
Tel fut le sort de nombreux moulins, fragilisés par les carrières quand ils n'étaient pas avalés par elles.
Le moulin de la Lancette connut le même sort et fut détruit avant de risquer d'être aspiré comme Jonas par la baleine mais sans espoir de résurrection!
Toujours est-il que le seul des trois disparus dont on se rappelle le nom c'est notre moulin !
Le parc actuel étant toujours appelé "parc de la Turlure" par les Montmartrois malgré sa métamorphose en 1988 en "square Marcel Bleustein- Blanchet".
Malgré ce que prétend le panneau informatif, le moulin ne fut pas élevé "sur les terrains appartenant aux sœurs du Cénacle" pour la bonne raison que les susnommées ne s'installèrent en ces lieux qu'à la fin du XIXème siècle.
Le Cénacle, rue Lamarck
Elles en restèrent propriétaires jusqu'à ce la mairie les incite à en vendre une partie, aussitôt transformée en logements sociaux et en résidence pour personnes âgées.
De leur sainte occupation ne subsiste qu'une grotte, ancienne réplique miniature de celle de Lourdes. Les statues sulpiciennes en ont été enlevées et l'accès a été protégé par des grilles qui en interdisent l'accès aux enfants pour lesquels une aire de jeux a été installée.
Le parc s'étend côté sud rue du Chevalier de la Barre :
L'entrée principale est ornée d'un éphémère pochoir de Louise Michel. La Vierge Rouge est pour toujours présente, à proximité des fameux canons et non loin de l'école qu'elle dirigea.
Le côté ouest du parc longe la rue de la Bonne dont le nom rappelle la fontaine de la bonne eau située dans sa partie basse.
Le côté nord donne sur l'escalier de la rue de la Bonne et la résidence pour personnes âgées.
Faisons un petit tour dans le parc apprécié des enfants et des amoureux…
Plusieurs espaces sont bien délimités :
La partie haute est "le grand salon" qui jouxte l'allée sous les tonnelles de glycines.
Le jardin a été conçu par l'architecte Antoine Grumbach, celui-là même qui a restructuré le centre de Shangaï! Il a sur, sur un terrain relativement réduit, donner l'impression de variété et d'espace.
...L'allée verte qui relie le "grand salon" au "salon vert".
"Le salon vert" abrite un amphithéâtre trop peu utilisé.
Il y avait jadis en fond de scène un mur d'eau qui est malheureusement tari aujourd'hui et qui n'est plus qu'un mur...
La partie basse est occupée par l'aire de jeux...
Par une pente quasi sauvage...
Et par le boulodrome sur lequel donnent les fenêtres de la résidence pour les seniors...
Pourquoi la Turlure a t-elle reçu le nom de Bleustein-Blanchet?
C'est que l'homme est lié à Montmartre où il a passé son enfance. C'est aussi sur le Barbès qu'il commença à vendre des meubles avant d'être attiré par la publicité (la réclame!)
Notons que sa femme est la petite fille d'Edouard Vaillant, élu de la Commune dont on sait à quel point elle est liée à l'histoire de Montmartre.
Pas étonnant de retrouver le jeune Marcel dans la Résistance, en première ligne pendant l'occupation (pendant laquelle il prend le nom de Blanchet).
… Une crèche porte son nom rue du Chevalier de la Barre à 200 mètres du square. Elle doit son existence, pour l'essentiel à une donation considérable qu'il lui a faite.
On s'amusa en remarquant que ses initiales étaient prémonitoires M.B.B. "Aime bébés"!
Et voilà comment nous sommes passés de la Turlure à la tututte!
Retenons encore que sur ce haut-lieu de Montmartre où l'on fusilla sans procès pendant la Commune, le parc porte le nom d'un homme dont la fille Elisabeth Badinter soutint sans relâche son mari qui obtint grâce à son courage et sa volonté l'abolition de la peine de mort.