Dans le cimetière de Nanterre, tu as a fait graver sur la tombe familiale, à la mort de ton père, les premiers mots du poème de Supervielle, Pour un poète mort :
"Donnez-lui vite une fourmi
Et si petite soit-elle,
Mais qu'elle soit bien à lui!" (...)
Les visiteurs qui s'arrêtent devant la tombe, s'étonnent et s'interrogent....
Et moi, c'est en pensant à cet acte d'amour, à cette fourmi, étincelle de vie, que j'ai écrit pour ton anniversaire ces quelques phrases.
J'ai vécu tant de jours sans toi
Tu étais là et je ne te voyais pas. J'avais des yeux de verre
J'ai dormi tant de nuits sans toi
Je couchais à côté de moi, à côté de l'enfant qui n'avait pas grandi
J'ai su pourtant que tu souffrais
Je ne t'ai pas retenue un soir de neige noire où tu es partie sur la route
Le gel cassait ses ongles sur les phares
La glace était rouge dans tes veines et la mort voyageait à la place du mort
Je ne t'ai pas ouvert les bras quand tu as appris la mort de ton père
Je ne me suis pas agenouillé devant toi
Comme je l'aurais fait devant l'animal jeté sur le bord de la route
Je ne te rendrai pas les années égarées
Je n'effacerai pas le mal que je t'ai fait
C'est avec ce remords que je vis
Avec sa mue mal détachée de moi
Qui traîne comme une ombre sèche
Chaque jour avec toi est une vie entière
Même quand tu n'es pas là je veille, un chien de garde court devant toi
Chaque nuit avec toi est une traversée sur les heures qui remuent
Ma main s'accroche à toi si je perds l'équilibre
Et le planétarium éclaire notre chambre
Notre voiture n'a pas de place pour la place du mort
Elle nous entraîne avec nos chats et les chansons de Leonard Cohen
Sur la route qui va de Montmartre à la mer
Le dimanche nous rendons visite à ta famille
Ton père et ta mère élégants comme dans les vieux films
Ta sœur guérie de son cancer
Dans le vieux cimetière de Nanterre
Un jour nous y vivrons ensemble
Avec nos souvenirs et nos cellules qui se mélangeront
Avec toujours fidèle
La petite fourmi qui veille au grain.
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