Nous avons visité la rue Custine dans sa première partie plus populaire et plus intéressante du point de vue historique.
Après le carrefour avec la rue Ramey, elle file droit vers les beaux quartiers et change peu à peu d'aspect et de population.
Le 25, premier immeuble après la rue Ramey, abrite aujourd'hui une banque...
Il se protège des pigeons en plantant des piques sur les corniches et pourtant la banque aime d'habitude les pigeons et les accueille volontiers!
Certains trouvent refuge sur le décor de pierre...
Il fait l'angle de l'autre côté avec la rue Labat où il y avait un bazar bientôt remplacé par une poissonnerie devant laquelle ne poseront plus famille, employés et petit chien rigolo mais qui sera susceptible d'attirer les matous, descendants des protégés de Steinlen qui habitait le Cat's Cottage à trois cents mètres de là!
Côté pair, au 36, à l'angle Ramey-Custine, on trouve un café de quartier qui a gardé son comptoir de zinc : Le Royal Custine.
On peut constater sur les cartes postales de 1903 que le café existait déjà il y a plus d'un siècle.
Le mur de façade du 36 a gardé ses pierres d'attente qui attendent toujours car aucun immeuble n'est venu s'accrocher à lui. Le ciel et le feuillages en profitent et au 38, les deux frontons d'un petit commerce fin de siècle subsistent bravement et abritent aujourd'hui une cave et un bar à vins réputés : La Cave Nansouty.
Le 40 a été construit en 1899, 20 ans ou presque après la Commune. Les promoteurs s'en donnaient à cœur joie et lotissaient les quartiers populaires dont les petites gens avaient été chassées.
La plupart des immeubles jusqu'à la rue Caulaincourt datent de la fin du XIXème et du début du XXème. Ils se donnent des airs haussmanniens en moins somptueux.
Au 44 où l'on trouve aujourd'hui un excellent restaurant thaïlandais, il y avait au début du siècle la "Brasserie Georges". La carte postale montre les consommateurs installés en terrasse. La mode masculine du début du siècle était visiblement à la moustache !
(La carte postale situe la brasserie au 42. L'observation de l'immeuble prouve qu'il s'agit aujourd'hui du 44.)
Le 46, construit en 1906, est un des plus somptueux immeubles de la rue avec ses grilles et ses balcons en résille de fer.
L'architecte est E. Stempert à qui on doit une partie de la rue Lapeyrère dans le XVIIIème.
Le 48, proue de navire sur la rue Lécuyer abrite une agence immobilière, un commerce qui fait ses choux gras dans le quartier... Pas moins de 4 sur cette petite portion de rue!
Revenons côté impair où les 27 (angle rue Lambert) et 29 ont été construits en 1906 par l'architecte Dalmand à qui on doit des immeubles rue Constance et rue Lapeyrère dans le XVIIIème.
La rue Custine cède la place à Jean Gabin ! Un espace récemment aménagé avec vespasienne et terrasses de café qui rend hommage à l'acteur qui vécut non loin de là au 17 et qui fréquenta le collège de la rue Clignancourt.
Sur les cartes postales du début du XXème siècle, on peut voir la rue Custine et sur la droite les immeubles de la rue Lambert devant lesquels a été aménagée la place Gabin.
Cette partie de la rue Lambert qui donnait sur le maquis a porté plusieurs noms : rue Lalande puis rue de l'Impératrice. Les habitants du quartier l'appelaient rue Hortense! c'est en 1877 qu'elle reçut le nom de Lambert gros propriétaire des terrains...
La rue Custine passe la rue Lécuyer et la rue Becquerel avant de reprendre sa route vers l'ouest.
La rue Becquerel est connue de tous les poètes car c'est là, au 4, chambre 54, que vivait Nadja quand Breton en tomba amoureux.
Une des curiosités de la rue vient de ce que le prochain numéro est le 45, chiffre qui en pays cartésien ne suit pas le 29!
Que sont devenus les numéros manquants?
Firent-ils partie de la rue Lambert ?
Mystère et boule de gomme!
J'en appelle à la culture montmartroise de mes éventuels lecteurs!
Du 49 au 55 bis, les immeubles cossus et un peu ennuyeux de style, exception faite du 49 bis et de ses iris? ont tous pour architectes Lesage et Miltgen et ont été construits en 1905.
Il est un peu étonnant de constater que dans ces années de fulgurance et de génie où Montmartre était le centre de la création artistique, l'architecture ait été le plus souvent si conventionnelle.
Le 57 (1908) avec son oiseau qui veille sur le nid et ses œufs, est l'œuvre de Charles Gossart, un architecte dont je n'ai trouvé aucune autre réalisation.
Rien à dire du 59 sinon qu'il abrite au rez de chaussée mon restaurant japonais favori (qui comme la majorité de ses semblables est tenu par des Chinois).
Dernier immeuble de la rue, côté impair, le 61 héberge une banque. Nous avions commencé par le Crédit Agricole au 25 et nous terminons par la Société Générale!
La rue du Mont Cenis sert de frontière entre les rues Custine et Caulaincourt. Les fameux escaliers de la Butte, "si durs aux miséreux" commencent là.
Jean Renoir qui a écrit cette fameuse complainte pour son film "French Cancan" ne pourrait plus l'écrire aujourd'hui où les miséreux et le maquis ont disparu de la Butte....
Revenons côté pair où nous étions restés au 48.
Le 50 a été en partie amputé par un garage qui fait l'angle avec la rue Lécuyer et avec un immeuble hideux que seuls ses occupants doivent apprécier, ayant l'insigne avantage, étant à l'intérieur de ne pas voir la façade!
Le 54 a gardé secrètes en 1940 les réunions de la section juive des FTP-MOI (Francs-Tireurs Partisans et Main d'Œuvre Immigrée).
La plupart des résistants étaient des Juifs étrangers ( cinq d'entre eux ont fait partie des fusillés du groupe Manouchian de l'Affiche Rouge).
Simon Cukier (alias Alfred Grant) réorganisa la section et supervisa la publication du journal "Unzer Wort", "Notre Parole".
En 1901 un café était déjà installé à la place du Café Victor, à l'angle avec la rue Hermel.
Si j'en crois le site de Paris Révolutionnaire, Il y eut au 58 un cabaret, "La Vache" qui en déménageant en 1921 place Constantin Pecqueur deviendra "La Vache Enragée" du nom de l'hebdomadaire créé par Toziny, Hallé et Depaquit.
Je n'ai pu vérifier l'exactitude de cette information à prendre avec précaution car le site en question, riche et passionnant est également parsemé d'erreurs!
Ce qui est sûr en revanche, c'est qu'un peintre de talent, Edmond Heuzé, vécut 28 ans dans cet immeuble!
Nous l'avons déjà rencontré en arpentant la rue Ramey où il possédait un autre appartement au 38.
Cet artiste ami de Valadon et Utrillo avait connu la vie de bohême sur la Butte avant de connaître quelque succès.
Il exerça de nombreux métiers dont celui de régisseur de cirque. Il épousa la directrice du cirque Medrano et s'attacha aux artistes qu'il peignit souvent.
Côté pair la rue Custine s'achève avec le café "Le Mont Cenis" au 62.
Elle s'arrête là au croisement avec la rue du Mont Cenis.
De l'autre côté commence la rue Caulaincourt qui si l'on en croit Marcel aymé est la plus belle des rues de Paris!
La rue Custine dans sa deuxième partie lui ressemble beaucoup avec ses banques, ses cafés, ses agences immobilières, ses salons de coiffure, ses établissements bio...
Belles et oublieuses rues qui ont effacé de leur mémoire la trace des petites maisons de guinguois et du maquis où battait le cœur populaire du Montmartre disparu.