la place du Calvaire est un des endroits les plus pittoresques, les plus campagnards de notre Montmartre.
Bien qu'à proximité de la place du Tertre et ses barbouilleurs patentés, elle offre un espace de calme, un oasis ombragé avec balcon sur Paris!
Elle doit son nom (comme la rue et le cimetière paroissial) au calvaire édifié dans les jardins de l'église Saint-Pierre en 1805.
Le vieux calvaire est toujours debout bien que dégradé. On peut l'apercevoir derrière le chevet de l'église, depuis la rue du Chevalier de la Barre.
Au 4, on trouve aujourd'hui le restaurant "Chez Plumeau".
Il remplace un établissement plus ancien : le restaurant du Coucou (maison Vincent).
De nombreuses cartes postales gardent le souvenir de sa terrasse qui accueillait fêtes et banquets.
Une gravure plus ancienne le désigne comme "cabaret des coucous"!
On peut y voir avec précision la construction qui fermait la place et l'ancienne grille du 3 (maison Neumont actuelle).
Le restaurant du coucou devint dans les années 50 le cabaret "Chez Plumeau" où les chansonniers tentaient de garder vivant l'esprit moqueur, iconoclaste et provocateur de la Butte (aujourd'hui disparu).
Les hommes politiques comme les travers de l'époque y étaient passés à la moulinette!
On compte parmi les faits historiques et linguistiques dont Montmartre se prétend géniteur (comme ce fameux "bistro" de la place du Tertre), l'expression que certains emploient encore et qui serait née ici : "Va te faire voir chez Plumeau", ce qui signifie "Va au diable" ou plus vulgairement : "Va te faire foutre"!
Deux fautes à corriger! Au secours les chansonniers! : "qu'il s'y fît" et "naquit"! Eternelle confusion entre indicatif et subjonctif!
Remarquons, mine de rien, que l'expression apparaît au début du XXème siècle alors que le cabaret Plumeau n'existait pas!
Il existe diverses explications plus ou moins fantaisistes. La plus logique prétend que le plumeau, instrument connu des ménagères, est appelé à la rescousse dans cette expression pour chasser un intrus, comme on dirait de nos jours "du balai"!
Nous nous permettrons de dire "Va te faire voir chez Plumeau" au rédacteur des panneaux explicatifs exposés par le restaurant, avec des fautes de grammaire!
Le 1 et le 3 sont une seule et même adresse.
Il y a à cet endroit une maison qui a gardé le nom du peintre qui l'habita jusqu'à sa mort en 1930 : Maurice Neumont.
C'était à l'origine une simple demeure villageoise dont Neumont confia en 1905 la transformation à un architecte inventif qui a laissé de nombreux ouvrages aujourd'hui classés : Louis Brachet (1877-1968).
Cet architecte a évolué avec son temps : partisan de l'Art Nouveau au début de sa carrière, il se convertit à l'Art Déco et aux innovations du Bauhaus.
Il a parfois été surnommé l'architecte ferroviaire car de nombreuses gares, notamment de la ligne de Sceaux lui sont dues!
La maison Neumont appartient à sa première période...
Certains éléments décoratifs sont typiques du Modern Style dont les stations de Guimard sont des exemples inspirés et poétiques.
Ainsi en est -il de la poulie sur la façade ou de la porte.
Maurice Neumont (1868-1930), le maître d'œuvre, est un des grands Montmartrois, fondateur avec Forain, Poulbot et Willette de la République de Montmartre!
Neumont est un peintre d'un certain renom dont la spécialité est l'affiche engagée.
Il est très productif avant et pendant la première guerre et participe notamment comme illustrateur à la revue La Baïonnette.
Après la mort de Neumont, la maison est achetée en 1943 par Louis Icart qui y vivra jusqu'à sa mort en 1950.
Comme Neumont, Louis Icart est peintre.
Son domaine est plus frivole puisqu'il dessine pour les revues de mode et pour les maisons de haute couture.
Il acquiert grâce à ses représentations sophistiquées des femmes, le surnom de "peintre de la Parisienne"?
Parfois, il échappe au conformisme et donne des images fantasmées de la séductrice.
Il lui arrive de quitter le domaine frivole pour représenter les réalités tragiques de la guerre.
Après sa mort, la maison cesse d'être habitée par des artistes.
Il faut une fortune pour acheter de telles demeures et ce sont les banquiers ou les grands capitalistes qui en ont les moyens.
Parfois, comme c'est le cas de la maison Borde de la rue du Calvaire voisine, un animateur de télé et de radio.
Le dernier numéro sur la place du Calvaire est le 6, petit immeuble de rapport de la première moitié du XIXème siècle.
C'était à l'origine une modeste construction qui abritait des gens sans grands moyens qui profitaient des loyers modestes de la Butte.
Le m2 y est aujourd'hui un des plus chers de Montmartre!
On le comprend quand on respire sur la place l'air le plus pur de Paris, devant des jardins sauvages préservés et des abeilles qui produisent le célèbre miel de la Butte!
Voilà! Il y a parfois de petits miracles...
Au cœur d'un Montmartre souvent défiguré par l'exploitation touristique, quelques endroits gardent un charme intact....
Telle est la place du Calvaire...
Liens
(Désolé pour la qualité des photos mais mon Reflex est en réparation et j'utilise un autre appareil sympa mais pas Reflex du tout!)