La rue Berthe vers l'est
La rue Berthe (début, vers l'ouest)
La rue Berthe n'est pas pas vraiment belle, pas vraiment pittoresque... mais elle témoigne authentiquement du Montmartre du XIXème siècle avec ses immeubles modestes que le soleil éclaire à peine, comme s'il passait par-dessus pour aller se prélasser sur les pierres blanches du Sacré-Coeur.
L'étroite rue (7,3 m) a été lotie en 1843 et s'appelait à l'origine rue du Poirier, du nom de l'arbre fabuleux qui s'élevait dans les jardins de la guinguette du "Poirier sans Pareil" rue Ravignan ( Rue Ravignan)
C'est en 1873 qu'elle prit, comme Gabrielle, sa voisine parallèle et supérieure, le nom de la fille, pas forcément au grand pied, d'un propriétaire du terrain loti.
Sa partie orientale, entre les rues Drevet et Foyatier lui a été ravie, en 1978 pour devenir rue André Barsacq. ( Rue Barsacq).
Mais sa numérotation n'a pas changé et c'est par les n° 18 et 29 qu'elle débute aujourd'hui !
Gilbert fleury (1956)
Au 18, il y eut jusque dans les années 60 une boulangerie-pâtisserie...
Le 29 est un petit immeuble construit en 1840, lors de l'ouverture de la rue Drevet. Il donne en partie sur les escaliers étroits...
Le 20 est un pavillon édifié en 1882 par l'architecte Garreau pour servir d'atelier de peinture. C'est un lieu qu'on pourrait dire historique car c'est là qu'en 1922 s'ouvrit le premier cabaret de travestis de Montmartre : "La Petite Chaumière".
La boîte n'occupait que deux petites pièces du rez de Chaussée, ce qui facilitait les rapprochements.
Elle était dirigée par Monsieur Tagada (un nom choisi par plus d'un travesti actuel) et animée par un zèbre au joli nom poétique : Zigouigoui.
Le travesti Charpini en Manon (de Massenet)
C'est à la petite Chaumière que Gaston Baheux, surnommé bien avant Mitterrand, "Tonton", fit ses premières armes. C'est là qu'il connut Charpini le célèbre travesti qui le suivra plus tard au Liberty's, place Blanche, quand il en fera l'acquisition et y attirera le Tout Paris de Cocteau à Piaf en passant par Mistinguett et Carco...
Baheux (2ème plan, accroupi derrière l'homme auchapeau dans les mains) dans son cabaret en 1951 (il le fermera en 1956). On reconnaît Marcel Aymé à l'arrière-plan.
Le Liberty's ne fut jamais appelé ainsi par les habitués qui préféraient dire qu'ils allaient chez Tonton!
Au 24 une galerie d'art '"Jeune création"... expose en ce moment (février 2012) des oeuvres d'Adamantios Kafetzis.
Le 33 se fait remarquer... Il est le seul immeuble dont la façade soit de pierres de taille dans la rue où moellons et plâtre sont la règle... il est plus jeune que ses voisins et date de 1888. Son architecte est Grasset-Lagarde qui a gravé son nom sur quelques rares façades parisiennes (222 faubourg saint-Martin, 17 rue du Canal Saint-Martin).
La galerie spécialisée dans les arts de l'Himalaya y était bien à sa place près des sommets de la Butte ! Et pourtant, depuis plusieurs années, elle est redescendue dans la plaine, rue Visconti à St Germain des Près...
Les 35-37-39 se suivent et se ressemblent comme bien d'autres immeubles de la rue. Ils sont contemporains de l'ouverture de la rue entre 1840 et 1850.
Immeubles plâtreux qui étaient habités par de petites gens qui avaient du mal à payer leur loyer aux propriétaires des "immeubles de rapport" construits comme leur nom l'indique, pour "rapporter" un maximum d'argent...
les locataires font partie de ce peuple de Montmartre que l'on retrouve dans les romans de Zola et qui se mobilise pendant la Commune.
Mêmes immeubles aux 41-43-45-57 et 59... Ils occupent presque tout le côté impair de la rue et lui confère cet aspect uniforme et triste.
La Butte, au milieu du XIXème siècle était une banlieue bon marché. Ce n'est qu'en 1860 qu'elle fut rattachée à Paris !
Si vous passez la porte du 51, il se peut que vous ayez la surprise de découvrir un jardin secret et une une maison de contes de fées. C'est là que vit Isabeau, chanteuse de Paname à la chevelure de feu et à la voix frémissante et passionnée...
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Le 46, plein sud, profite de la percée de la rue Androuet ouverte en 1840 et qui s'appelait à l'origine rue de l'Arcade, comme le passage qui la prolonge et qui est aujourd'hui passage des Abbesses.
Jacques Androuet du Cerceau est un architecte du XVIème siècle qui malgré son air sévère a contribué à la réalisation de plusieurs châteaux de la Loire...
Rue Androuet
Le 48 rue Berthe
Le 50 (à gauche) typique de l'architecture faubourienne et le 59 (à droite) derniers immeubles avant la place.
Les cartes postales de la rue permettent de constater qu'elle a peu changé depuis la fin du XIXème.
Exception faite de l'angle avec la rue Ravignan là où posaient de petits poulbots et où s'élève aujourd'hui à la place du pavillon et de ses jardins, un gros immeuble et une pharmacie...
Fin de la rue sur la Place Emile Goudeau et le Bateau-Lavoir.
Utrillo (rue Berthe)
Peu de peintres ont planté leur chevalet dans la rue Berthe. L'un deux pourtant, et non des moindres, y eut au 21 un minuscule pied à terre : Pissaro !
Mais le 21 ne fait plus partie aujourd'hui de la rue Berthe... Il est passé côté Barsacq...
Le Lapin Agile. Pissaro.
Avec ses immeubles dont la plupart datent de la première moitié du XIXème, la rue Berthe est sans doute une de celles qui donne le mieux à voir le Montmartre d'avant la légende, la banlieue où venaient vivre employés et artistes fauchés...
Elle est aujourd'hui comme le chante Berthe Sylva, une rue "où l'on passe"....
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Liens : les rues de Montmartre : Rues de Montmartre. Classement alphabétique.
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