Elle n'est pas vraiment belle cette église dont la construction fut décidée peu d'années avant le rattachement de Montmartre (dont dépendait le village de Clignancourt) à
Paris.
Malgré ses dimensions (presque cent mètres de long), elle paraît, de l'extérieur, étriquée et ingrate.
Les grands travaux du Baron Haussmann battent leur plein...
C'est le Baron lui-même qui vient poser la première pierre le 2 mai 1859.
On ne peut s'empêcher de penser aux gares parisiennes devant cette façade due, comme l'ensemble du bâtiment, à l'architecte Paul-Eugène Lequeux, élève de Baltard, qui a
eu le temps de réaliser quelques mairies et églises, avec un grand souci de fonctionnalité et peu d'inventivité créatrice (mairie de Saint-Ouen, de Puteaux, église de la Villette, de
Villetaneuse...).
Le clocher étroit et le chevet donnent sur une rue de Paris qui m'est chère. Elle ne comporte que deux numéros, le 2 et le 4. C'est une des plus courtes de Paris et pourtant
son nom est tout un programme : Aimez la vie!
Enfin... presque...
La construction de l'église s'impose car les villageois de plus en plus nombreux rechignent à grimper jusqu'au sommet de la Butte, pour atteindre l'église Saint-Pierre,
perchée sur son belvédère.
C'est en 1863 que la paroisse est créée par décret impérial et que Notre-Dame de Clignancourt ouvre ses portes aux fidèles.
La construction a été rapide, grâce aux largesses de l'Empereur qui a cassé sa tirelire, et à celles de l'Impératrice qui a offert l'ameublement et les ornements
liturgiques.
Et maintenant, passons le portail...
Impression d'espace un peu ombreux... Le bronze des suspensions et le faux marbre des colonnes sont les seules touches de luxe dans la nef dépouillée.
La première surprise vient de la chapelle de droite : La Piéta de Michel-Ange se détache sur un fond de ciel nocturne et de croix. Le linceul semble couler, comme une montre molle de
Dali vers la mère et son fils mort pour les recouvrir...
La chapelle est dédiée aux morts de la première guerre dont les noms par centaines sont gravés sur le mur de la nef.
Sur la gauche, le soldat foudroyé, aperçoit dans le ciel, Jeanne d'Arc, prête à l'accueillir, comme les walkyries accueillaient dans le walhalla les valeureux guerriers...
Sur la droite, la veuve s'agenouille avec l'orphelin sur la tombe, croix de bois mort parmi les autres croix... forêt qui ne sortira plus de l'hiver.
...Ou qui en sortira si l'on en croit le monument, érigé entre les listes interminables des noms des jeunes gens sacrifiés. Le tombeau est ouvert, le mort reprend vie.
Cela s'appelle la Résurrection...
Le vitrail, comme un oeil au plafond de la chapelle représente Dieu lui-même, dans les nuées, consterné de voir ses créatures s'entre déchirer... Et pourtant depuis Abel et
Caïn, il aurait dû en avoir une certaine habitude!
Au début de la nef mais sur la gauche, une autre chapelle attire l'attention. un incendie l'a ravagée récemment et elle offre un spectacle désolant. Le Christ aussi noir qu'un arbre calciné, se
dresse devant des murs écaillés.
La cloche, dont le bronze, à force de résonner pour les alertes, les fêtes et les deuils, s'est fêlé, a été remplacée par une consoeur plus jeune en 1991. Elle porte, gravées
pour l'éternité, des inscriptions qui rappellent son origine.
" Amédée Constance sont les noms que m'ont donnés mon parrain,
Amédée Thayer, pieux et illustre sénateur de l'Empereur et ma marraine, Constance Lequeux, épouse très dévouée de l'architecte de cette église."
Le sacré-Coeur apparaît sur le mur de droite. Il a résisté aux flammes mais il semble s'élever au-dessus d'un Montmartre de cendres!
Une autre toile a subsisté vaille que vaille. Peut-être grâce à l'eau du baptême versée sur Sainte-Geneviève!
Elle est due au talent théâtral de Glaize (Pierre-Paul-Léon), peintre montmartrois qui réalisa, entre autres une partie du salon des Arts de l'Hôtel de Ville et la salle des mariages
de la mairie du XXème. Le musée d'Orsay expose deux de ses toiles.
La chapelle abritait les fonts baptismaux. Le baptistère a été transporté au bas des marches du choeur, mais la mosaïque du sol continue de faire tourner ses poissons dans le
courant...
N'allez pas mettre sur le dos des communards cet incendie dévastateur! D'abord parce que les toiles ont été peintes après la Commune, ensuite parce que s'il est vrai que l'église fut
perquisitionnée en avril 1871, l'édifice lui-même n'eut guère à en souffrir. Ne disparurent que les linges et les objets sacerdotaux. Les officiers utilisèrent les glands en or des étoles pour en
faire des dragonnes à leur sabre, ce qui n'a pas suffi, hélas, à leur donner la victoire!
Suite de la visite dans les prochains articles : les vitraux (2), la chapelle de la Vierge(3)
Lien : Eglise Notre-Dame de Clignancourt (2) Les vitraux.