L'étrange église édifiée au début du XXème siècle par Anatole de Baudot, architecte révolutionnaire et
trop peu reconnu abrite un autel unique en son genre qui fut dessiné par Baudot lui-même. Il est comme l'église en ciment armé et orné de motifs de grès semblables à ceux qui ornent une
partie de la façade et du porche.
Le procédé Bigot consiste à poser les motifs de grès sur le ciment frais. il a été utilisé sur les parties
courbes du porche, sur les cordons qui courent entre les briques et sur les fenestrages. Il me rappelle la technique iranienne des décors floraux de céramique posés à même
l'enduit. Nous sommes loin évidemment de la splendeur d'Ispahan mais on ne peut s'empêcher de voir dans ce rayon de soleil un clin d'oeil que se font deux religions et deux
époques.
Baudot aimait l'Orient, comme beaucoup des artistes de son temps et comme les créateurs du Modern Style,
mais il ne laissa cette influence s'exercer que sur quelques éléments décoratifs de ses constructions. Quelques éléments trop rares serais-je tenté de dire. Le futur dépouillement et la
froideur de l'architecture des années trente me font horreur. Ils accompagnent sans les trahir les fascismes, nazismes et autres joyeusetés. Il faut aimer l'excès, les paillettes, les
lumières et les guirlandes. L'art français s'en méfie comme du mauvais goût mais le facteur Cheval chez nous et Gaudi à Barcelone faisant fi de cette critique donneront au monde des palais qui
feront rêver les enfants et les fous.
Des motifs de bronze représentent les quatre évangélistes, tels qu'ils apparaissent dans l'Apocalypse : le jeune
homme symbolise Mathieu, le lion Marc, le taureau Luc et l'aigle Jean. "Au milieu du Trône et autour de Lui, se tiennent quatre Vivants, constellés d'yeux par-devant et par-derrière. Le
premier Vivant est comme un lion; le deuxième vivant est comme un jeune taureau; le troisième vivant a comme un visage d'homme; le quatrième Vivant est comme un aigle en plein vol."
Les bronzes sont l'oeuvre de Pierre Roche (ainsi que les "cul-de-lampe" du porche.)
Au centre de l'autel, la porte du tabernacle avec les symboles eucharistiques : les épis de blé et les feuilles
de vigne, le pain et le vin. Sur la croix, l'agneau du sacrifice tend le cou au couteau du boucher.
Religion des victimes, des abandonnés, des persécutés, le christianisme oublie parfois ses origines, n'est-ce pas Benoît?
Je rentre à la maison et jette un coup d'oeil aux vignes encore enneigées. Confiance! le printemps va finir par
arriver!