La place Jeanne Bohec a été baptisée ainsi par la Mairie en octobre 2014 et inaugurée en 2016. Il lui a été donné le nom d'une résistante de la première heure, Française libre qui rejoignit De Gaulle en 1940.
Elle fut parachutée en Normandie en 1944 et après quelques actions héroïques reçut le surnom de "Plastiqueuse à bicyclette". Titre qu'elle donna au livre qu'elle écrivit plus tard pour retracer ces années sombres.
Après guerre elle fut prof de maths au collège Dorgelès voisin et maire adjointe à la mairie du XVIIIème de 1975 à 1983.
Elle aimait Montmartre où elle a vécu jusqu'à sa mort en 2010 dans une cité d'artistes de l'avenue Junot.
La place qui n'en est pas vraiment une mais plutôt un carrefour entre 4 rues, sans terre-plein central n'avait pas de nom officiel avant ce baptême.
Pourtant les Montmartrois lui en avaient donné un, fort poétique : Place des Hirondelles.
Ce nom venait de la compagnie d'omnibus (les Hirondelles) qui s'appelait ainsi avant d'être intégrée avec d'autres, sur la demande du baron Haussmann dans la CGO, Compagnie Générale des Omnibus.
Les omnibus de la ligne 25 avaient leur terminus et tête de ligne à ce confluent de 4 rues auquel les Montmartrois donnèrent le nom de place.
La place actuelle n'invite pas à la flânerie, n'offrant qu'un seul trottoir élargi entre la rue de Clignancourt et la rue Christiani devant le plus bel immeuble de l'endroit.
Ce somptueux immeuble (1856) est intégré dans le quadrilatère des Galeries Dufayel.
Il est dû à l'architecte Lebègue et offre une belle décoration de pilastres corinthiens, têtes de Mercure (pour honorer le commerce), caducées, balcons ouvragés.
Dans cet immeuble, au 17 de la rue Christiani a vécu et est décédé l'un des plus célèbres Montmartrois . Aristide Bruant.
Ayant cherché fortune autour du Chat Noir comme il l'écrit dans une de ses chansons reprises ad nauseam par les noctambules de la Butte : "Je cherche fortune, autour du Chat Noir, au clair de la lune, à Montmartre le soir", il a fini par la trouver cette sacrée fortune! Au point d'acheter un château et un grand appartement dans cet immeuble bourgeois du bas Montmartre où il rendit l'âme en 1925:
La rue Christiani est la première sur la droite à venir terminer sa course sur la "place".
Elle a été en 1981 et pour plusieurs années le siège du journal "Libération".
Son nom rend hommage au général de la Révolution et de l'Empire dont le nom est gravé sur l'Arc de Triomphe, Charles-Joseph Christiani.
Après la rue Christiani, c'est la rue Myrha qui donne sur la place. Elle reçoit en 1868 le nom d'une des filles de l'ancien maire (de 1843 à 1847) de Montmartre Alexandre Biron, après s'être appelée rue Frédéric et rue de Constantine. Le nom de la rue est attaché à un épisode héroïque de la Commune et à la résistance désespérée d'une barricade en mai 1871 où mourut Jaroslaw Dombrowski.
L'immeuble le plus original de la rue ouvre sur la place, comme une proue de navire entre les rues Myrha et Poulet.
C'est un vaisseau de verre dont l'harmonie et la clarté attirent le regard. J'ai longtemps pensé qu'il était post Art Déco avec sa géométrie et ses verrières, mais en réalité il a été construit en 1952 pour abriter une imprimerie-papeterie.
Aujourd'hui un restaurant spécialisé dans la cuisine méditerranéenne offre à ses clients un espace étonnant par sa lumière et son architecture : le Double Vie. Une boutique permet d'acheter des T-shirts qui arborent quelques uns des cocktails maison!
Un clin d'œil en passant à une peintre remarquable, Michèle Lemercier, qui a entre autres, décoré de fresques le hall d'entrée de son immeuble 7 rue Poulet.
L'angle de la rue Poulet avec la rue de Clignancourt est occupé par un bistro restaurant dont une vieille enseigne subsiste : Le Diplomate.
La photo est intéressante car elle montre à la fois un omnibus, le café restaurant et le petit immeuble de village qui a été remplacé par le bel édifice de l'ancienne imprimerie.
Voilà donc une rapide visite de la place et des rues qui y convergent. Peut-être serait-il judicieux d'ajouter sur la plaque actuelle "anciennement place des Hirondelles" afin de garder la mémoire du vieux Montmartre.
Ou bien cet "oubli" est-il volontaire afin de ne pas évoquer d'autres hirondelles (disparues en 1984) qui parcouraient la ville à bicyclettes, pélerine au vent et laissaient sur les pare-brises de petits mots qui n'étaient pas d'amour!