Beaucoup moins connue que celle du Vatican, notre modeste place Saint-Pierre montmartroise cache bien son jeu car elle n'a de place que de nom et de Saint-Pierre que la vieille église de l'abbaye au sommet de la Butte, qui donne sur une place, baptisée depuis quelques années Jean Marais! Une vraie place, contrairement à celle dont nous parlons aujourd'hui!
Imaginez! Une place de 166 mètres de long sur 11 mètres de large! Une place qui aurait tout d'une rue et non d'un large espace où l'on aurait envie de s'asseoir sur un banc pour regarder passer les heures!
Avant sa naissance, il y avait à son endroit des monceaux de terre et de déblais venus des carrières dont une des entrées principales se trouvait rue Ronsard, là où de nos jours s'envolent les marches de l'escalier de la rue Paul Albert (jadis rue Notre-Dame).
C'est en 1853 que le maire de Montmartre dont une rue derrière l'église Saint Jean porte le nom : Piemontesi, fait niveler les débris, ce qui libère un espace ouvert au pied de la Butte, assez large pour une vraie place qui s'étendrait en partie sur le bas du square Louise Michel. Elle ne sera jamais créée, les promoteurs veillant à profiter de l'opportunité qu'offrait ce terrain de rêve. De Piemontesi nous ne savons pas grand chose sinon qu'il fut l'avant dernier maire de Montmartre ( de 1851 à1854) avant le rattachement à Paris.
Notre place Saint-Pierre commence rue Livingstone (ouverte en 1867). Un ensemble d'immeubles un peu agressif vient se terminer avec un magasin de tissus "Les Coupons de Saint Pierre." qui portent le numéro 1.
L'immeuble, lui, a son entrée au 7 rue Livingstone. On peut voir sur cette photo, le nom de la rue Livingstone et celui de la place Saint Pierre sur le même mur, de part et d'autre des fenêtres. L'architecture est encore influencée par l'Art Déco mais datant de 1934, elle se rigidifie, devient moins élégante malgré le souci des architectes (Henri Bedot et Chantereau dont plusieurs immeubles à Paris et en banlieue portent le nom) de laisser entrer la lumière par de nombreuses fenêtres qui ouvrent sur des balcons.
Dreyfus emblématique du Marché Saint Pierre ne donne pas sur la place mais rues Livingstone et Nodier. Cette dernière fait face aux Coupons de Saint Pierre.
Nous trouvons ensuite deux autres magasins consacrés aux tissus. Tout d'abord "Reine" aux numéros 3 et 5.
Au numéro 7 "Les merveilles de Saint Pierre"
La place n'a pas de numéro pair. Face aux magasins la Halle Saint Pierre rescapée du vandalisme des années Pompidou (destruction du chef d'œuvre de Baltard) développe sa belle architecture de briques et de fonte. L'entrée du musée donne rue Ronsard.
La place Saint pierre est coupée par le carrefour, Ronsard d'un côté, Seveste de l'autre :
Rue Seveste
Il y avait au début du XXème siècle un restaurant là où se trouvent aujourd'hui "Les Merveilles de Saint Pierre". La vocation du quartier pour les tissus de mode et d'ameublement n'est pas très ancienne. Elle date des années 1920 avec Edmond Dreyfus.
De l'autre côté de la rue il y avait une grande épicerie là où s'élève aujourd'hui l'usine Saint Pierre construite en 1887. Ses pompes de relevage permettaient d'approvisionner le haut de la Butte et le réservoir de la rue Azaïs construit la même année. Une haute cheminée de briques crachait sa fumée dans le ciel de Montmartre et les poumons des Montmartrois car elle était alimentée avec du charbon.
Après le 9, par une bizarrerie bizarre, nous passons directement au 13!
Nous sommes au Ronsard, restaurant-bistro qui offre une vue imprenable sur la Butte dominée par sa basilique.
Le côté impair de la place ne possède aucun immeuble, il passe de l'arrière du musée de la Halle Saint Pierre au square Louise Michel (auparavant square Willette, chassé pour cause d'antisémitisme notoire, encore plus auparavant Jardin Saint Pierre). C'est de cet endroit, près du platane vénérable planté en 1854 que d'envolèrent pendant le siège de Paris les fameux ballons.
Le 23 septembre 1870, le Neptune chargé de dépêches officielles pour le Gouvernement replié à Tours.
Le 7 octobre, l'Armand Barbès, le plus célèbre, avec Gambetta pour passager.
Le 7 octobre encore, le George Sand.
Le Ronsard fait l'angle avec la rue de Steinkerque.
De l'autre côté, au 15, le Studio Café rend hommage au cinéma avec Mary Poppins, L'homme de fer blanc du Magicien d'Oz, Hitchcock....
Et avec Mickey occupé à filmer Gene Kelly en train de chanter sous la pluie!
Hommage bien à sa place quand on se rappelle que dans cet immeuble vivait Antoine Doinel qui dans "Baisers volés" de Truffaut répétait son nom sur tous les tons devant son miroir.
Il ne reste que deux immeubles donnant sur la prétendue place Saint Pierre. Le 17 est récent, bâti sur ce qu'on appelle "une dent creuse", un petit immeuble survivant du vieux Montmartre.
La "dent creuse" au 17.
Le dernier immeuble de la place est le 19.
Belle construction en pierres de taille; comme celles qui côté impair formeront la rue Tardieu, celle qui prend le relais de la place Saint Pierre sans avoir la prétention de se prétendre "place"!
Evidemment, face au jardin et au funiculaire, les boutiques veulent attirer un maximum de touristes avec une infinité de babioles pour la plupart made in China!
Et voilà! fin de la visite! Sans doute nécessaire car, ayant posté une photo de la place sur un site dédié à Montmartre, j'ai reçu un grand nombre de réfutations et de critiques!
Certains Montmartrois ignorent donc encore que cette rue s'appelle Place Saint Pierre!
Les rues et places de Montmartre :
https://www.montmartre-secret.com/article-rues-de-montmartre-classement-alphabetique-98260010.html