Il y a des rues de Paris qui présentent une telle unité architecturale qu'elles sont comme un musée à ciel ouvert. La rue Ziem et la rue Armand Gauthier sont de celles-là!
Nous sommes dans le quartier des Grandes Carrières, dans cette partie de Montmartre livrée à la spéculation immobilière au début du XXème siècle. Les programmes immobiliers s'adressent à une bourgeoisie aisée, comparable à celle qui investit dans les quartiers chics de l'ouest parisien.
À l'emplacement des carrières de gypse exploitées depuis le Moyen-Âge, subsistaient de petites maisons populaires faciles à exproprier. Un architecte se voit confier le lotissement de ces deux rues. Il s'agit d'Armand Gauthier.
Son nom a été donné à la courte rue, terminée en escalier (nous sommes à Montmartre) où il vécut, satisfait sans doute d'ouvrir ses fenêtres sur ses réalisations! Il est le seul personnage un peu connu qui ait habité cette voie qui aujourd'hui s'apparente à un musée qui lui rend hommage.
Nous sommes dans la première décennie du XXème siècle. Chaque immeuble porte la signature de Gauthier ainsi que sa date de construction, 1906 ou 1907.
La rue Gauthier va de la rue Ziem à la rue Eugène Carrière. Elle suit une courbe harmonieuse et se termine par un escalier.
Ces falaises de pierre claire seraient semblables à beaucoup d'autres sans le rythme et l'ornementation de leurs façades. Gauthier n'est pas un génie de l'Art Nouveau mais il concilie habilement la tradition haussmannienne et les tendances nouvelles.
il sait que ses "clients" soucieux de leur image n'ont pas envie d'investir dans des immeubles de style "nouille" comme ils appellent l'art nouveau trop audacieux pour eux.
Mais il a le sens de l'harmonie, il sait épouser la courbure du terrain et il sait aussi varier le décor de ses immeubles même s'il fait appel à des sculpteurs sans audace.
Côté pair les 2, 4 et 6.
Le 2 donne d'un côté rue Gauthier, de l'autre rue Ziem.
Côté impair, le 1 est le seul immeuble qui ne soit pas de Gauthier. Il est le seul également qui combine la souplesse de l'Art Nouveau avec des décors floraux typiques de cet art. Il est dû à Paul Marteroy et a été édifié en 1907. Cet architecte avait un plus grand renom que Gauthier. Il était architecte en chef de la ville de Paris et on lui doit plusieurs réalisations dans divers arrondissements.
Les 3, 5 et 7. Une belle unité et un sens de l'harmonie… cette rue Gauthier aussi calme qu'une impasse est un havre paisible à deux pas de l'animation du boulevard de Clichy….
L'artère débouche sur la rue Ziem dont tous les immeubles sont l'œuvre d'Armand Gauthier.
La rue porte le nom de Félix Ziem (1821-1911) un peintre qui fit partie de l'école de Barbizon avant de consacrer l'essentiel de son œuvre à Venise dont il fut amoureux. Il y a dans ses toiles une lumière onirique et on comprend en voyant certaines e ses toiles qu'il ait pu être considéré comme un des précurseurs de l'Impressionnisme.
Le début de la rue entre le 1 et le 2 a fière allure avec ses immeubles comme des proues de navire!
Le 8 est un des plus beaux avec ses sculptures plus originales, ses consoles florales et animales à la fois.
Le 12 est le dernier immeuble côté pair. Il est théâtral et termine en beauté ce côté.
On voit que tous ses immeubles au décor varié sont assez sages par rapport au délire poétique du modern style. Mais ils sont aujourd'hui un témoignage du goût d'une époque qui considérait que la beauté des façades était une obligation, un hommage à la ville, à tous les passants occasionnels.
Coté impair, les 3, 5, 7 et 9.
La rue avant de se jeter dans la rue Eugène Carrière, se termine par la place Nattier (Jean-Marc Nattier, portraitiste du XVIIIème siècle).
Nous arrivons ensuite dans le rue Eugène Carrière, peintre lui aussi, spécialiste de la mère et de l'enfant, dans une palette ocre et trouble. Il a sa statue sur la place qui s'appelle depuis un an place Nougaro.
Mais c'est un étrange personnage qui nous dit aurevoir au moment où nous nous éloignons de ces rues harmonieuses et cossues.