Pierre Jacob! Peu de gens hors de Montmartre connaissent son nom.
Quand un visiteur passe rue Lepic et qu'il lève la tête sur la façade du 53, il découvre une plaque commémorative…..
Il apprend que cet homme fut chansonnier et qu'il écrivit la "célèbre chanson rue Lepic".
J'avoue que je ne connaissais pas cette célèbre chanson! je l'ai écoutée et l'ai trouvée charmante et conventionnelle. Sans doute pas au point de mériter un tel excès d'honneur… (Bruant au secours!)
Elle a été chantée par Yves Montand et par Patachou. Les paroles de Pierre Jacob ont été mises en musique par Michel Emer. Que dit cette romance qui a assuré à son auteur la célébrité (relative)?
Voici le début de ce chef d'oeuvre :
Dans l'marché qui s"éveill'
Dès le premier soleil,
Sur les fruits et les fleurs
Vienn'nt danser les couleurs
Rue Lepic
Voitur's de quatr' saisons
Offrent tout à foison
Tomat's roug's raisins verts
Melons d'or z'et prim'ver's
Au public,
Et les cris des marchands
s'entremêl'nt en un chant
Et le murmur' des commèr's
Fait comme le bruit d'la mer
Rue Lepic
N'est pas Rimbaud qui veut! Plus modestement n'est pas Bruant qui veut! Il y a fort à parier que sans la gouaille charmeuse de Montand, la chansonnette serait tombée dans l'oubli!
Pierre jacob, heureusement, ne s'est pas contenté de nous donner cette seule chanson. Il avait d'ailleurs en arrivant à Montmartre le désir d'y devenir Peintre. Il dessina au fusain de nombreuses vues du vieux Paris mais il se rendit compte très vite que là n'était pas sa vocation. Son frère Jean Germain assuma pour la famille cette carrière de peintre!
Il illustra lui aussi la rue Lepic avant de lui préférer les lumières de Venise.
Pierre Jacob fait ses débuts en 1925 au cabaret de La Vache enragée dont l'enseigne, une vache folle, reprend le totem des célèbres défilés carnavalesques de Montmartre, les vachalcades.
En 1921 le cabaret qui était situé rue Lepic avait changé d'adresse et s'était installé place Constantin Pecqueur où il laissa carte blanche à Pierre Dac, Raymond Souplex...
C'est un haut-lieu de l'impertinence montmartroise. Quand Pierre Jacob rejoint l'équipe des chansonniers-poètes, le cabaret "historique" surnommé "la Comédie Française de la Chanson" a quitté le boulevard de Clichy pour le 58 rue Pigalle.
C'est là que Pierre Jacob acquiert une honorable renommée de chansonnier un peu Pierrot, pas vraiment méchant, auteur de chansons sympathiques qui ont oublié le mordant et l'insolence de ses prédécesseurs.
Il a du charme, il plaît aux dames et notamment à l'une d'elles, artiste un peu connue, Josia Saint Clair.
Il l'épouse et vit avec elle rue Lepic. Catherine Lara à qui on demandait ce qu'elle remarquait en premier chez un homme répondait "sa femme"!
On serait tenté de faire de même. Josia Saint-Clair est une femme sensuelle et roucoulante. Elle chante avec talent et enchante le Vieux Logis 33 rue Lepic, non loin de son appartement 53 rue Lepic.
Elle chante des chansons de son mari ou de quelques autres comme Jean Lumière...
Elle survit à son chansonnier de mari pendant plus de 30 ans et elle arrosa en 2010 son centenaire en même temps que celui de la Pomponnette où elle fut fêtée par le tout Montmartre:
Ce qui a contribué au renom de Pierre Jacob et de sa "célèbre" chanson, c'est le moyen métrage que le réalisateur anglais Christopher Miles tourna en 1968 sur la rue Lepic en filmant la "Course au ralenti" créée par Pierre Labric (maire de Montmartre en 1929 et le premier à avoir descendu à bicyclette les 220 marches de la rue Foyatier).
Pierre Jacob, à bord d'une Torpille Renault de 1911 gravissait la Butte accompagné de sa passagère Vanessa Miles à laquelle il racontait ses souvenirs montmartrois, sur fond musical de sa chanson! (voir le livre de Roussard "Les Montmartrois".
La course au ralenti primait le véhicule qui arrivait le dernier au sommet de la Butte après avoir franchi la distance considérable de 580 mètres!
Nous donnerons à Pierre Jacob le dernier mot, ou plus exactement le dernier couplet de sa célèbre chanson malgré ses clichés et les inévitables moulins !
"La fill' avec amour
À sa rue dit bonjour
Et la rue extasiée
La regarde passer
Et la rue
Monte, monte toujours
Vers Montmartre, là-haut
Vers ses moulins si beaux
Ses moulins tout là-haut
Rue lepic."