C'est pendant sa détention au fort de Ham que Louis Napoléon Bonaparte rédige son étude "De l'extinction du paupérisme" dans laquelle il développe une analyse et des idées proches de celles des saint-simoniens.
Lorsqu'il est élu en 1848 c'est en partie grâce à ces idées d'émancipation de "la classe ouvrière" (il emploie ces mots). Pas étonnant donc que parmi ses premières décisions, il y eût la création de cités ouvrières.
Aux 58-60 rue Marguerite de Rochechouart (merci à Mme Hidalgo de faire figurer les prénoms féminins dans les noms des rues de la capitale!), subsiste la toute première de ces cités, classée depuis 2003 monument historique.
A la demande du Prince-Président, le programme est lancé dès son accession au pouvoir. C'est l'architecte Marie-Gabriel Veugny qui est chargé de la conception de cette cité ouvrière qui devait servir de modèles aux autres prévues dans tous les arrondissements parisiens.
Louis Napoléon fait un don de 500 000 francs pour lancer la construction (à peu près 1million 700 000 euros actuels). Le bâtiment le plus original est celui qui est élevé le long de la rue de Rochechouart.
Il est composé de deux corps de logis parallèles reliés par des terrasses et des passerelles et éclairés par une immense verrière.
A l'extrémité des couloirs étaient aménagées des toilettes et un système d'évacuation des eaux usées. Le souci d'hygiène était manifeste dans un Paris populaire exposé à toutes épidémies.
Un médecin passait gratuitement rendre visite aux familles.
Les autres immeubles de la cité donnent sur un jardin arboré et sur une fontaine de bronze.
Un lavoir et un séchoir étaient installés dans des pavillons de bois construits dans la cour.
Une garderie était prévue pour les enfants dont les parents qui le plus souvent travaillaient, homme et femme, ne pouvaient s'occuper.
On peut faire un bond dans le temps et penser à Le Corbusier avec son immeuble marseillais, présomptueusement appelé "Cité radieuse" qui proposait tout ce dont les familles pouvait avoir besoin.
Ce qui est une conception communautaire et fermée de la société dont on a pu constater les ravages….
Ouverte en 1851, la cité ne rencontra pas le succès escompté malgré la proximité immédiate d'une importante usine à gaz ainsi que des ateliers "Godillot".
En effet, il y avait dans ce concept quelque chose de militaire. Les locataires étaient, par la disposition même des appartements "surveillés" par leurs voisins et un gardien était posté près de la grande grille, seul accès à la cité.
Le règlement était strict, le couvre-feu et la fermeture des grilles étaient, printemps comme hiver fixés à 22heures.
Les partis politiques se montrèrent méfiants. Les Conservateurs estimaient qu'il y avait là tous les ingrédients pour favoriser l'action des révolutionnaires dans leur repaire. Les Socialistes pensaient que ces cités favorisaient au contraire la surveillance policière, les travailleurs étant concentrés dans un ghetto ouvrier sous contrôle.
Bref, la première cité ouvrière de la capitale fut la dernière du programme napoléonien.
Elle reste un témoignage de la politique sociale du milieu du XIXème siècle inspirée par l'effervescence intellectuelle de philosophes engagés et en même temps par la méfiance que suscitait le peuple des villes, prompt à la révolte.
Louis Napoléon consacrait une partie de son "extinction du paupérisme" à prévoir et organiser pour les pauvres qui tentaient de survivre dans les villes, une répartition de terres agricoles qui leur seraient confiées. Ainsi, en envoyant les misérables à la campagne, leur aurait-on donné les moyens de travailler et se nourrir et par la même occasion aurait-on vidé les faubourgs d'une partie de sa population susceptible de se révolter.
Aujourd'hui la Cité Napoléon est recherchée malgré la petite superficie des appartements d'une ou deux pièces protégés par la loi sur les Monuments Historiques.
Elle a été rénovée et suscite la convoitise d'une population jeune, branchée et de préférence sans enfants!
Allo Paris bobo comme pourrait chanter Souchon.