La rue Androuet qui relie la rue des trois Frères et la rue Berthe réserve toujours des surprises. Elle est une exposition en plein air d'œuvres qui sont selon la définition littérale des manifestations du Street Art...
Nous y avons rencontré à plusieurs reprises Jacques Servoz, un peintre aux vigoureuses compositions qui rappellent Rouault et les traits s'encre noire comme le plomb qui entoure le verre aux franches couleurs des vitraux....
Le fauvisme, Pont Aven, Gauguin, Basquiat ont fécondé l'art engagé de cet artiste qui va à la rencontre des passants et des touristes....
Le jour de Noël 2017, je suis passé dans la rue et j'ai été arrêté par les grands visages colorés du Christ.
Noël! Un enfant dans une crèche, un bœuf et un âne, des anges qui chantent dans le ciel. Me sont revenus les souvenirs d'enfance, les santons de Provence dans la cheminée de mes grands-parents, les flammes des bougies, la messe de minuit et le retour délicieux dans la chaleur de la grande maison où fumait déjà le chocolat crémeux à côté de l'orange et des papillotes...
Comme il m'eût été impossible de penser ce jour-là à la mort de l'enfant que protégeait le regard de ses parents et celui des animaux paisibles dont le souffle posait une buée de tendresse sur la paille.
Aujourd'hui François, le pape qui porte le nom de l'homme qui parlait aux animaux et qui ouvrait son cœur aux plus pauvres et aux plus délaissés, a dit qu'il voyait l'enfant de la crèche dans ceux qu'il avait rencontrés en Syrie, en Birmanie, au Soudan... partout où les hommes étaient victimes de la folie de leurs semblables, de leurs guerres, de leur fanatisme...
Alors nul doute, le nouveau-né dans son étable de Bethleem et le visage humilié de la rue Androuet sont un seul et même homme.
C'est ce visage dont un œil paraît barré d'une croix qui est en fait un oiseau noir, aux ailes mazoutées de sang, ce visage est un appel à l'humanité : "Frères humains qui après moi vivez"...
Il dit la violence, la torture, l'humiliation... mais il est droit, il ne penche pas sous les épines... il a confiance malgré tout....
Peut-être croit-il en la résurrection comme les réfugiés croient en la fraternité des hommes?