Jean Baptiste Troppmann, cet assassin qui a fait la une de la presse du Second Empire a un lien avec Montmartre, en plus de celui de figurer en bonne place sur une toile à la fois naïve et violente exposée au premier étage du musée de la rue Cortot.
En effet, avant que le Lapin agile prît ce nom, le cabaret de la rue des saules s'appelait le cabaret des assassins et ses murs étaient couverts de toiles représentant des crimes célèbres dont celui de Troppmann.
Si le peintre est inconnu, le sujet de son tableau ne l'est pas. Il s'agit d'un crime qui passionna la société française tant il parut monstrueux.
L'histoire est assez compliquée, inutile d'entrer dans les détails.
Un jeune homme de 20 ans, Troppmann, empoisonne un père de famille, Jean Kinck, se débarrasse du fils aîné, Gustave Kinck, en le poignardant et en l'ensevelissant dans un champ, près des Quatre Chemins, à Pantin.
Il élimine ensuite le reste de la famille : Hortense la femme, enceinte de plusieurs mois, sa fillette âgée de deux ans et ses garçons âgés de 8, 10, 13 et 16 ans.
Il les emmène en voiture de louage à Pantin, leur faisant croire que le père y a loué une maison. Dans le champ où il avait tué Gustave, il se livre à un véritable massacre.
Il égorge, tue à coups de pioches, s'acharne sur ses victimes qu'il lacère avant de les enterrer dans une fosse.
D'après les experts, il aurait agi dans une sorte de crise de folie, avec une rage et une force décuplées....
Le massacre comme tous les faits divers sanguinolents a un retentissement considérable et permet aux journaux de multiplier par dix leur chiffre de vente!
Le jeune criminel fascine et horrifie.
Ses crimes font l'objet de nombreuses études et interprétations. Certains enquêteurs ne veulent pas croire qu'il les ait commis seul.
On a parlé de complices, de trafic de fausse monnaie...
La sauvagerie du massacre, les coups de couteau frénétiques, le démembrement à coups de pioche et de pelle sont détaillés au cours d'un procès suivi par une foule de curieux parmi lesquels des écrivains comme Flaubert, Dumas ou Barbey d'Aurevilly.
Lautréamont voit en l'assassin un marginal, un révolté absolu se déchaînant contre l'image de la bourgeoisie, contre la famille, contre l'ordre établi...
Il parle dans ses poésies de "la révolte féroce de Troppmann"
S'il est vrai qu'il subsiste des zones d'ombres dans cette sinistre histoire, il est cependant avéré que l'argent en est le mobile.
Les juges ne s'y trompent pas et Troppmann est condamné à la guillotine.
Il y a foule le 19 janvier 1870 pour assister à l'exécution et pour voir le condamné, soudain habité d'une force terrible, faire sauter les sangles qui le maintiennent sur la planche et mordre la main de son bourreau au point de presque sectionner un de ses doigts!
Parmi les spectateurs se trouve Ivan Tourgueniev qui a pu grâce à Maxime Ducamp rendre visite au condamné dans sa cellule avant d'assister au supplice.
Il en a laissé un récit bref et précis : "'L'exécution de Troppmann"
"A l'apparition de Troppmann, le bruit de la foule se tut comme un monstre qui s'endort.
Enfin retentit un bruit léger de bois qui se heurtent. c'était la chute de la lunette supérieure avec la découpure transversale pour laisser passer le tranchant, la lunette qui prend le cou du criminel et rend sa tête immobile; puis quelque chose gronda sourdement, roula et éructa comme si un grand animal eût craché."
Quelques mois après la mort de Troppmann, c'est le Second Empire qui est guillotiné à Sedan... bientôt suivi de l'invasion prussienne et de la Commune de Paris.
Les résistants seront écrasés au cours de massacres sauvages qui ne feront pas le tri sur les barricades entre les hommes, les femmes, enceintes ou non, les gavroches...
Rien à voir me direz-vous avec Troppmann.
Oui vous avez raison mais j'y ai pensé malgré moi à cause de l'auteur du tableau dont le nom est Douay...
Or c'est le général Douay, commandant des troupes versaillaises qui inaugura le dimanche 21 mai 1871 la Semaine Sanglante!