Après avoir évoqué les crimes et les tragédies de la rue André del Sarte l voici quelques-uns de ceux qui se sont déroulés dans la rue voisine... la rue Paul Albert
La butte (emplacement de la rue Paul Albert de de l'escalier en 1860. Cabanes semblables à celles du maquis.
Au temps du vieux village, il y avait là un sentier qui à flanc de butte montait vers les moulins. Il était emprunté par les chèvres et les vaches.
Quand fut édifié l'escalier en 1867, il fut baptisé Sainte-Marie avant de prendre en 1907 le nom de Paul Albert (historien de la littérature).
Montmartre est construit sur du gruyère! Les carrières font du sous-sol un labyrinthe fragile.
De temps en temps un immeuble s'enfonce dans la terre et rejoint les fossiles que Cuvier y découvrit et lui permirent d'évoquer un Montmartre tropical peuplé de sauriens!
A la fin du XIXème siècle, les affaissements se succédèrent....
En 1887, un nouvel éboulement se produisit dans l'escalier Saint-Marie (aujourd'hui début de la rue Paul albert).
"Les petits commerçants qui habitent dans des baraques se sont vus forcés de fuir au plus vite et d'enlever leurs marchandises qui allaient être englouties sous les terres éboulées.
Les ouvriers d'une maison en construction ont dû cesser leurs travaux à cause des crevasses qui s'étaient faites dans l'escalier. Plus de vingt marches se sont écroulées.
L'escalier Sainte-Marie est entièrement à reconstruire. Aucun accident de personne n'est heureusement à déplorer."
Le Petit Parisien. Juillet 1887.
Alors que les défenestrations étaient une pratique courante rue André Del Sarte, ce sont les incendies qui tinrent la vedette rue Paul Albert entre 1880 et 1947 !
Impossible de les relater sans tomber dans la monotonie!
Il y en eut au 1, au 7, au 16... etc...
On peut lire dans le Petit Parisien (avril 1882) :
"Un commencement d'incendie dont on ignore les causes s'est déclaré hier, 16 rue Paul Albert, dans la cuisine de l'appartement de Mme Clavery. Les pompiers, mandés, ont pu maîtriser rapidement les flammes. En coopérant à l'extinction, Mme Marie Millot, locataire de l'immeuble, a été légèrement brûlée au bras. Son état est sans gravité."
Oh qu'elle est passionnante cette nouvelle! Quelques flammèches et une petite brûlure au bras ont l'honneur du journal! Il faut croire qu'il y avait peu d'actualités "brûlantes" à se mettre sous les yeux ce jour-là!
Revenons au 4 où vivait au 6ème étage un couple d'amoureux voleurs, ou de voleurs amoureux. Ils avaient mis au point une technique qui leur assura de beaux succès jusqu'au 19 mars 1922.
"Emile Bernier, dit Bernard, et Henriette Schilling ont été surpris en flagrant délit de vol dans un grand magasin de la rive droite. Au moment d'être arrêtée, la femme provoque un attroupement en feignant une attaque de crise de nerfs, ce qui permet à Bernier de prendre la fuite suivi de sa compagne.
Quand le lendemain la police débarque 4 rue paul Albert, 6ème étage, Bernier est déjà sur le toit, une corde allant jusqu'au sol, un browning à portée de main. Il était prêt à fuir de nouveau.
Hier à la XIIème, nos gens ont été condamnés chacun à deux mois de prison."
Au 5, une défenestration tragique rappelle la triste habitude de la rue voisine:
"Souffrant d'un cancer à la bouche, dont les manifestations empiraient de jour en jour, M. Béranger, 56 ans, demeurant 5 rue Paul Albert, s'est suicidé ce matin, à 11 heures, en se jetant par la fenêtre de son logement situé au troisième étage.
On l'a transporté mourant à l'hôpital Lariboisière." (La Presse, juin 1924)
Au 13 habitait Madame Marie Berthon qui "après être sortie de chez elle pour tourner rue du Chevalier de la Barre, reçut sur la tête une poutre tombée d'un échafaudage."
Quelle tuile!
Le 18 a été témoin d'un meurtre qui fit quelque bruit.
Deux hommes et une belle femme brune passent au milieu de la nuit sur le trottoir quand, semble t-il, une dispute éclate entre les mâles. "L'un d'eux tire de sa poche un révolver; Il fait feu sur son compagnon qui s'effondre et qui meurt quelques instants plus tard quand on le conduit à l'hôpital Lariboisière. cependant son agresseur, un jeune homme de vingt-cinq ans, vêtu d'un complet gris, coiffé d'une casquette er mesurant 1m60 environ, a réussi à fuir, mettant à profit l'émotion bien compréhensible des témoins du drame...
... "La victime, Jean Alban, trente-trois ans, était connue sous le sobriquet de "Jean le Tatoué" car il avait le corps entièrement recouvert de tatouages.
D'après les renseignements recueillis au cours de l'enquête, une femme brune élégamment vêtue, serait venue coucher durant trois jours chez la victime la semaine dernière. Faut-il voir dans cette liaison récente du Tatoué la cause du drame dont il fut victime? Son meurtrier a-t-il voulu se venger d'un heureux rival?"
Les lecteurs appâtés par l'histoire n'eurent que quelques jours à attendre pour en savoir plus!
"L'assassin de "Jean le Tatoué" a été arrêté à Montmartre. Il était en compagnie de "l'élégante femme brune", une fille soumise, cause du crime et qui a été appréhendée également.
Le meurtrier se trouvait en sa compagnie quand il fut arrêté dans un café du boulevard Rochechouart. Le couple fut emmené au commissariat du quartier Clignancourt, où l'homme ne fit aucune difficulté pour reconnaître qu'il était bien l'assassin de "Jean le Tatoué"."
Le Petit Parisien livre alors tous les détails de l'affaire et présente l'assassin :
"C'est un dévoyé, Jean-Alphonse Oudart, âgé de vingt-quatre ans, né à Lille. Il demeurait en hôtel, 20 rue d'Orsel en compagnie de "la femme brune", une fille soumise de vingt ans, Jeannie Marinette Nicol. Questionné sur les mobiles de son crime, il s'est borné à dire:
-J'avais un compte à régler avec Alban que je connaissais à peine. Quand je me suis trouvé en face de lui, rue Paul albert, j'ai pris peur. J'ai sorti machinalement mon révolver et lui ai tiré dans le dos.
Plus prolixe, la fille Marinette Nicol a expliqué :
-J'ai connu Jean le Tatoué il y a trois mois. Il me proposa de devenir sa maîtresse. Il m'acheta plusieurs belles robes. Il me terrorisa et m'obligea à descendre sur les boulevards pour me livrer à la prostitution..."
"...Après trois jours de cette vie, je fis la connaissance de Jean Oudart qui m'emmena vivre chez lui. Il me fallut continuer à me prostituer pour vivre et faire vivre Jean Oudart.
Or lundi dernier le hasard me mit en face de Jean le Tatoué. Il me somma de lui rendre les robes et accessoires de toilette qu'il m'avait achetés. Je le conduisis dans ma chambre où se trouvait jean Oudart. Les deux hommes discutèrent. Il fut convenu que je resterais avec Jean Oudart mais celui-ci verserait le lendemain une indemnité de 400 francs à Alban jean pour les dépenses faites pour moi. C'est au rendez-vous au cours duquel la somme devait être versée que Jean le Tatoué a été tué."
Le Petit parisien; août 1932.
Au 20, "Mme Eugénie Corbeland, âgée d'une soixantaine d'années" a été agressée et volée par un jeune dévoyé de dix-huit ans.
"l'agresseur, Alfred Duplouey, déclara qu'on avait bien fait de l'arrêter car il allait recommencer."
L'Ouest-éclair décembre 1937.
Au 22, l'appartement de M. Hervieu, "reçoit la visite de malfaiteurs qui emportent 1100 francs et des bijoux."
Le Matin, décembre 1922.
Enfin c'est en haut de la rue, au 21, à l'angle avec la rue du Chevalier de la Barre que vivaient des enfants Juifs dans un asile qui fut bombardé en 1944.
Les enfants dont les parents avaient été arrêtés et qui avaient trouvé un refuge illusoire à Montmartre, furent transférés avenue Secrétan, raflés par la Gestapo et déportés à Auschwitz où 71 d'entre eux sur leur groupe de 79 furent gazés.
Nous sommes loin des faits divers et des crimes de voyous. Aucun journal de 1944 ne relata cette abomination.
Pour quitter la rue sur une note moins triste, un coup d'œil sur la maison de Monique Morelli qui fut ma voisine. J'ouvrais mes fenêtres pour l'entendre chanter, accompagnée par l'accordéon de Léonardi.
Elle avait à son répertoire Aragon qui écrivit pour elle un hommage qui a été gravé sur sa tombe du cimetière Montmartre.
Je l'ai entendue plus d'une fois chanter le poète qu'elle aimait :
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"Un jour pourtant, un jour viendra, couleur d'orange
Un jour de palme, un jour de feuillages au front,
Un jour d'épaule nue où les gens s'aimeront
Un jour comme un oiseau sur la plus haute branche."
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Liens rues de Montmartre
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L'article a utilisé les coupures de presse collectées par un éditeur du quartier (Baleine, rue Muller) qui propose des livrets par groupement de rues de Montmartre : C'est arrivé près d'ici
Quelques photos de la rue