La place des Abbesses enlaidie par un vilain manège plastic et fluo était jadis protégée par un lion furieux qui aurait sans doute protégé son territoire s'il avait été là.
C'est en 1901 que la Ville en fait l'acquisition, ce qui prouve qu'elle avait bon goût car la sculpture ne manque ni de force ni d'intensité.
Le lion a été sculpté par Henri Léon Cordier (1857-1926).
Sculpteur, fils de sculpteur, il a fait ses armes dans l'atelier d'Emmanuel Fremiet, connu pour ses œuvres animalières, parmi lesquelles le spectaculaire "éléphant pris au piège" sur l'esplanade du musée d'Orsay, son "gorille enlevant une femme" du musée de Nantes
N'oublions pas son St Michel au somment de l'abbaye du Mont éponyme, occupé à massacrer un dragon, ou sa Jeanne d'Arc qui assiste sans pouvoir descendre de son cheval aux meetings traditionnels d'un parti politique créé par un breton borgne.
Cordier fils obtint de nombreuses commandes officielles parmi lesquelles le monument aux frères Montgolfier (Annonay) ou le monument au général Lasalle (Lunéville).
Son "lion rugissant, patte gauche tendue" est installé au milieu de la place, là où actuellement un cercle de pierre rescapé et une grille protègent une bouche d'aération.
L'ancien socle et en arrière fond l'abominable manège!
Le lion fut bien accueilli par les riverains bien qu'il eût été nécessaire de le protéger des poulbots qui aimaient s'accrocher à sa queue pour se balancer comme Tarzan avec des lianes.
Hélas il ne resta qu'une dizaine d'années. Aujourd'hui il n'y a plus un seul Montmartrois vivant pour se souvenir de lui.
En effet, en 1910 les travaux du métro (nous sommes sur la ligne Nord-Sud entre Montparnasse et Montmartre) chassent le fauve qui est remisé dans les entrepôts de la Ville.
Rappelons que la station Guimard classée qui orne la place n'a pas été conçue pour elle mais a été transportée en 1974 depuis la place de l'Hôtel de Ville où elle avait été érigée. C'est ce qui s'appelle déshabiller Jacques pour habiller Paul!
Notre place ne reverra pas son lion. Nulle autre statue ne viendra l'agrémenter. La ville d'Orly en revanche récupère avec enthousiasme le fauve qui se morfondait dans les entrepôts. Nous sommes en 1931 et c'est dans le parc de la Cloche qu'il est installé. Sa queue qui servait de balançoire aux poulbots a disparu dans les divers transports. Nul ne sait où elle est passée....
Et nul ne sait malgré tous les Dupont et Dupont du Val de Marne qui a volé le pauvre lion sans queue. Il disparut malgré toute l'attention que lui portait la ville qui assura sa restauration en 2010.
Cette restauration aurait dû lui porter chance quand on connaît le nom de sa restauratrice : Zelinski! Et bien non! en 2012 le lion fut kidnappé et les barbares qui s'en emparèrent courent toujours! Il fut remplacé par un autre lion en granit dû au scupteur Harut Yekmalian.
Le lion de Yekmalian (non pas celui d'Orly mais celui d'Arras en lavedan)
Notre place des Abbesses, site classé, a vu débarquer un vilain manège qui à l'origine était décoré de poulbots botoxés.
Devant la réaction des riverains, les gnomes boursouflés furent effacés mais le manège resta. Il est là depuis plus de dix ans et personne n'est venu nuitamment le voler!
Il faut croire que les malfaiteurs ont bon goût!