Voilà une rue dont le nom m'a toujours plu.
J'imaginais qu'il y avait là une fabrique de poupons de celluloïd comme il s'en faisait jadis....
En réalité, point de poupons, mais des baigneurs en chair et en os venus dans un établissement de bains se décrasser, une fois par semaine...
Beaucoup d'immeubles n'avaient pas de salles de bains et les cabinets de toilette n'avaient dans le meilleur des cas qu'un meuble avec cuvette de porcelaine et broc...
L'impasse qui s'appelait à l'origine "impasse du petit Dieu", devint jusqu'en 1877 "Impasse des Bains" puis à partir de cette date "impasse du Baigneur".
Les terrains qui allaient de l'autre côté de l'impasse jusqu'à la rue du Mont Cenis furent lotis et c'est ainsi que naquit la RUE du Baigneur.... telle qu'on peut la voir aujourd'hui.
Côté impair, au début de la rue, il y avait jadis une horlogerie. Certains prétendent que c'est elle, avec son enseigne de montres géantes qui aurait donné son nom à la vieille impasse et non le cadran solaire dont on n'a aucune trace....
Dans les années 1930, l'horlogerie disparut pour laisser place à une poissonnerie dont le décor de mosaïques a subsisté presque intact.
Ici et là, il s'écaille, mais rien de plus naturel pour une poissonnerie!
Les poissons ont disparu de la poissonnerie qui n'en est plus une et qui est devenue l'atelier d'Agathe.
Agathe est une artiste qui donne naissance à des animaux sympathiques, colorés et bienveillants.
Son univers plein d'humour joue avec l'imaginaire de l'enfance, le vitrail et le carton.
Côté pair, à l'emplacement des Bains disparus, de petits immeubles du XIXème siècle ont offert leurs murs pignons à un artiste dont les fresques pâlissent jour après jour.
Il s'agit de Ricardo Mosner, peintre qui, entre autres, illustra les chansons de Nougaro, Montmartrois d'adoption.
La rue continue son petit bonhomme de chemin sans grande originalité. Quelques immeubles du début du XXème siècle, côté pair...
Le 6 bis est un des trois immeubles de la rue construit par Weber et Michau. Il date de 1912 et ne manque pas d'élégance.
... Et le 8 bis de 1907, plus banal, est pourtant dû à l'architecte E. Stempert qui a élevé près de là le plus bel immeuble de la rue Custine, au 46.
Côté impair, on ne peut manquer de remarquer le Bab-Ilo "salon de musique inactuel depuis 1984"...
Il y eut au début du siècle, en cet endroit un temple du lesbianisme.
Le Bab-Ilo actuel doit son nom à l'ancienne cité Babylone dont le nom Bab - Iluni signifiait "La porte des dieux".
Les amateurs de jazz aiment s'y retrouver dans une l'atmosphère ouverte et chaleureuse.
Certains se souviennent de Kateb Yacine qui aimait cet endroit....
Les 13 et 15 sont d'opulents immeubles, témoins de l'évolution du quartier qui était appelé à devenir l'un des plus "bourgeois" de Paris et que vint contrarier la première guerre.
Ils sont construits sur les plans des architectes Veber et Michau (1906) et font partie des nombreuses réalisations de ces architectes à Montmartre.
La rue du Baigneur s'achève rue du Mont-Cenis, à quelques mètres de la rue Caulaincourt "la plus belle rue de Paris" selon Marcel Aymé...
Avant de la quitter, nous passons près d'une ancienne boulangerie transformée en restaurant. Il en a gardé les colonnes en palmiers et le plafond de verre peint.
Il ne paie pas de mine mais c'est un des meilleurs restaurants de Montmartre...
La rue du Baigneur est typique de certains endroits de Paris où l'on peut en quelques dizaines de mètres passer d'un quartier populaire (Rue Ramey) à un quartier aisé et branché (Caulaincourt)...