Saintes est une ville solaire avec ses pierres claires, sa rivière nonchalante, ses ruines antiques et sa lumière méridionale. Saintes est une ville où l'on aime flâner et découvrir au détour d'une rue, au hasard des façades, des surprises architecturales, des détails étonnants...
Aujourd'hui, je vous propose de plonger dans les profondeurs du temps. Suivez-moi dans la crypte d'une des plus émouvantes églises romanes de notre pays : Saint-Eutrope.
L'église telle que vous la découvrez a été rebâtie à partir de 1081 à l'emplacement de l'édifice voulu au VIème siècle par Palladius (Saint Pallais) 9ème évêque de Saintes qui voulait rendre hommage à Saint Eutrope, un saint de légende, évangélisateur de la Saintonge qui aurait été fils de Xerxès et serait venu de Perse dans la barque de Marthe et Marie-Madeleine, échouée aux Saintes Maries de la Mer.
D'autres légendes entourent ce personnage qui fut lapidé sur ordre du gouverneur romain qui n'acceptait pas que sa fille Estelle se fût convertie au christianisme.
Le tombeau redécouvert par Saint Pallais fut l'objet d'une grande vénération et la Basilique construite sur un des chemins de Compostelle devint très vite une halte appréciée des pèlerins.
Que ces rappels historiques et néanmoins poétiques n'entravent en rien votre découverte...
Descendez les quelques marches et plongez dans le Moyen-Âge avec cette sensation étrange d'entendre résonner les chants grégoriens et le piétinement des pèlerins tournant autour du tombeau...
Dès l'entrée, vous êtes saisi par l'atmosphère. Le silence s'impose de lui-même dans ce transept. Il y a dans la pénombre, dans l'harmonie protectrice des voûtes, une présence qui respire avec les pierres.
Sur la droite, un escalier menait à la nef de l'église haute. Nef détruite au début du XIXème siècle.
Un large bandeau à motifs de fleurs est sans doute un réemploi de l'église mérovingienne du VIème siècle. Des soleils y fleurissent sur la pierre depuis plus de quinze siècles!
Et voilà la merveille! Le vaisseau principal avec ses quatre travées basses, ses courts piliers puissants qui supportent l'église haute, ses voûtes d'arête à peine visibles séparées par des doubleaux et d'épais boudins. La description architecturale est incapable de rendre le mystère et la profondeur de cet endroit. On y est à la fois sous la terre et dans le ciel. On y est dans le ventre maternel et sur une autre planète...
Saint Eutrope y repose dans son monolithe protégé par les voûtes comme par la cage thoracique d'un dragon débonnaire.
Après un moment de recueillement devant la pierre vénérée pendant des siècles, il faut lever la tête vers les chapiteaux... entrelacs de vannerie, acanthes corinthiennes, motifs d'inspiration romaine ou mérovingienne...
Une imagination panthéiste, un hymne artistique à la création que ne renieraient pas les sculpteurs de l'Art Nouveau.
Les premiers piliers, entre le transept et le choeur sont habités par un petit monde de créatures étranges qui vous observent de haut! Ce sont de gentils monstres à grandes oreilles (méfiez-vous de ce que vous dites) et souples comme des singes.
Le vieux puits où l'on puisait l'eau des ablutions et où l'on pouvait s'abreuver après la longue route, est toujours là.
Parfois vous surprenez des envolées de lumière... Sans doute un passage furtif de l'Esprit Saint!
Remontez à la surface, allez visiter l'église haute, lumineuse et élancée. Admirez ses chapiteaux historiés... Mais n'oubliez pas qu'elle est portée par cette crypte où l'éternité a fait halte!
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