Cette belle journée d'automne invite à la balade dans un Montmartre toujours surprenant. Je rends
visite à une vieille dame du début du siècle dernier, une vieille dame que je n'avais jamais vraiment regardée, l'ayant vite jugée disgracieuse et de peu d'intérêt. Il est temps pour
moi de lui rendre justice et de la regarder vraiment. L'église Saint-Jean est aujourd'hui au coeur d'un quartie branché très différent de ce qu'il était quand fut décidée la construction de
l'édifice. La seule église de Montmartre était alors Saint-Pierre, perchée au sommet de sa butte et dont l'état était si pitoyable qu'elle dut être fermée au culte sur ordre de la Préfecture.
Aucune restauration n'était alors prévue et il fallut donc envisager la construction d'une nouvelle église, d'autant plus nécessaire que la population s'était accrue et était devenue l'une des
plus denses de Paris depuis le décret d'annexion de Montmartre à la capitale par décret de Napoléon III en 1859.
Etrange église en
vérité dont l'architecte, disciple de Viollet le Duc, était en son temps révolutionnaire. Il prônait l'utilisation des matériaux modernes comme la fonte ou le ciment armé et n'appréciait en rien
les tendances architecturales à la mode, marquées par les sièces précédents et soucieuses de respecter des règles classiques. Il admirait par contre un Baltard, génial architecte des Halles
détruites sous le règne d'un certain Pompidou qui se piquait d'être un homme de goût et qui n'eut aucun scrupule, pour adapter Paris à la bagnole (comme il disait) de transformer les voix sur
berges en autoroutes et le coeur palpitant de Baltard en forum mercantile et foutraque. Anatole de Baudot donc, l'architecte de Saint-Jean, était un homme socialement engagé, libre penseur
et rationnaliste qui tenait à promouvoir une architecture sociale liée aux progrès de son temps. Citons parmi ses réalisations le lycée Victor Hugo dans le Marais, le lycée Lakanal à Sceaux, le
théâtre et le lycée de Tulle...
Il va donc utiliser le ciment armé et non le béton qui deviendra la règle par la suite. L'édifice apparaît grâce à cette technique comme un monolithe, un seul bloc où tout est solidaire, les murs
ne supportant aucune charge mais étant un remplissage entre les piles.
Mais Baudot était aussi sensible à la mode orientaliste de son époque et les pastilles de grès coloré commandées à Bigot, fixées sur le ciment encore frais, évoquent toutes proportions
gardées les céramiques bleues des mosquées persanes, un décor d'écailles et de miroirs... Des anges Art nouveau s'envolent immobiles dans leurs ailes de grès.
C'est un fort contraste avec le ciment et les briques que cette mosaïque bleutée et vibrante qui évoque la danse de Salomé et le miroitements des étoffes orientales! L'intérieur de l'église peut surprendre par l'aspect gris vert des murs. La lumière cependant s'invite par les immenses baies des vitraux. Le vitrail du choeur est assez fade mais tous les autres dus au maître-verrier Jac Galland d'après des dessins de Pascal Blanchard sont remarquables de précision et de couleurs. 48 vitraux curvilignes sont dédiés à Marie.
Celui-ci nous montre la bête de l'apocalypse terrassée par la Vierge symbolisée par les lys. Parmi les autres vitraux, de part et d'autre du buffet d'orgue, nous découvrons les cavaliers de l'Apocalypse .
Nous avons en haut le cheval du quatrième sceau : "C'était un cheval blême. Celui qui le montait, on le nomme "la mort". Pouvoir lui fut donné sur le quart de la terre pour tuer par l'épée, la famine, la mort et les fauves de la terre."
En-dessous, c'est le cheval rouge du deuxième sceau : " Alors surgit un cheval rouge feu. A celui qui le montait
fut donné le pouvoir de ravir la paix de la terre pour qu'on s'entretue et il lui fut donné une grande épée."
Les vitraux de la nef représentent entre autres, la multiplication des pains et Jésus et la femme adultère.
La
multiplication des pains.
Jésus
et la femme adultère.
La femme se croit condamnée et se cache le visage tandis que Jésus dessine sur le sol
et qu'autour de lui la foule se prépare à jeter des pierres pour massacrer l'accusée. C'est un beau passage de l'Evangile où sont renvoyés ceux qui jugeaint et voulaient tuer sans état d'âme
celle qui avait aimé.
De nombreuses peintures ornent les murs de l'église. Elles ne sont pas au mieux de leur forme. tout un esemble était prévu dont seule une petite partie fut réalisée. Elles se détachent à peine de
l'ombre et semblent environnées de brumes.
Saint Jean et son aigle me montrent la direction de la sortie. J'allume une petite flamme pour tous ceux que j'aime et je rentre à la maison par la place des Abbesses où
m'accueille un sympathique soleil!
lien : Saint Jean de Montmartre. L'autel d'Anatole de Baudot.
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