C'est assurément un des noms les plus poétiques de la butte et un des endroits les mieux
préservés. Depuis un certain temps les touristes y sont de plus en plus nombreux car après avoir touché les seins de Dalida sur la placette qui porte son nom, ils ne peuvent qu'être attirés par
cette allée ombragée et mystérieuse qui échappa à la démolition programmée lors du projet de prolongation de la rue Simon Dereure jusqu'à la rue de l'Abreuvoir en 1922. Le propriétaire, un
certain Perrot était alors Président du Vieux Montmartre et il obtint l'annulation de cette jonction.
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Le Château a sans doute besoin pour mériter ce titre d'une bonne brume pour tromper le passant et lui dissimuler
sa modestie toute campagnarde. A ses côtés plusieurs petites maisons très recherchées aujourd'hui sont venues en 1850 se serrer contre lui.
L'allée des brouillards donne sur la place Dalida qui est en fait le coude de la rue de l'Abreuvoir, une des rues les
plus anciennes et les plus authentiques du quartier. Le point d'eau était proche du Château. Les troupeaux et les chevaux venaient boire escortés de chiens de la butte qui
retrouvaient à cette occasion leur vocation de chiens de bergers... L'origine du nom vient sans doute de cette proximité de l'abreuvoir dont s'élevaient par temps froids des brouillards qui
enveloppaient la proche demeure.
La rue de l'Abreuvoir en hiver.
Voyageons dans le temps et arrêtons-nous au XVIème siècle. Pas de Château en cet endroit mais un
moulin qui avait servi de pressoir et qu'on appelait "le Moulin du Vin" plus souvent que "Moulin des Brouillards" son nom plus ancien. En 1772, le moulin est en ruine et il est vendu à un
avocat au Parlement qui n'a aucune vocation de meunier mais se montre très intéressé par les quelques 7000 mètres carrés qui entourent la ruine. Il y construit sa demeure
qui est très vite appelée Château des Brouillards. Il faut dire que les "folies" n'étaient
pas nombreuses dans les parages et que les maisons de la butte étaient modestes quand elles n'étaient pas les misérables cabanes du maquis.
La folie est vendue avant la Révolution et le domaine partagé. Les communs seront détruits en 1850 pour laisser
place aux maisons dont nous avons parlé tandis que le Château qui se dégrade devient le refuge d'artistes désargentés et de toute une faune qui mène en cet endroit une vie de Bohême. Gérard de
Nerval qui connaît bien Montmartre pour y avoir séjourné à plusieurs reprises : chez Théophile Gautier, rue de Navarin, dans la maison du Docteur Blanche rue Norvins (alors rue Traînée), rue
Pigalle et rue des Martyrs y reviendra en 1846 pour habiter rue Girardon dans le Château des Brouillards dont malgré son court séjour il semble le fantôme le plus vivant. Est-ce dû au nom du lieu
qui lui va si bien ou aux réverbères qui évoquent des gibets ?