Hier jour de grand soleil sur la butte. Je pars à l'assaut et compte les 300 marches qui me séparent de la
vieille église tapie à l'ombre de l'imposant Sacré-Coeur. J'ai envie de revoir les vitraux de Max Ingrand dans la lumière de cette belle journée.
Dans le choeur, les trois grandes verrières représentent le christ au centre, Saint-Pierre à droite et
Saint-denis à gauche. A tout Seigneur tout honneur, approchons-nous du vitrail central :
Le sang jaillit comme des étoiles rouges et les mains crispées autour des clous se referment comme des araignées.
Seul l'index de la main gauche trouve la force de montrer le ciel et l'écriteau qui se voulait humiliant et grotesque : Jésus de Nazareth, Roi des Juifs.
La partie basse du vitrail montre Marie, visage de douleur tourné vers son fils et Jean le plus aimé qui soutient la femme brisée
Je m'étonne d'un troisième visage au centre exact du vitrail. contrairement aux autres qui sont stylisés,
caractéristiques du géométrisme du milieu du XXème siècle, il paraît réaliste. J'ai voulu savoir qui était cette femme qui semble fixer le spectateur.
Elle serait la propre femme de l'artiste au pied de la croix où elle reçoit chaque matin la lumière du soleil levant.
A droite, voici Saint-Denis, premier évêque de Paris et martyr bien connu qui perdit la tête sur la butte avant de la reposer sur son cou sanglant et de dévaler la pente jusqu'au lieu où
s'élèvera la Basilique où voudront s'étendre, en attente d'éternité tous les rois de la douce France.
Au bas du vitrail, la tête du martyr semble dormir, bien calée sous sa mitre, les lèvres entrouvertes sur un
sourire de bienheureux.
Et maintenant place au patron! Saint-Pierre lui-même qui a supplanté Saint-Denis dont l'église mérovingienne
portait pourtant le nom. Comment a-t-il donc fait? C'est qu'au XIIème siècle, l'abbaye en fort mauvais état est confiée à des religieuses bénédictines venues de l'abbaye Saint-Pierre-des-Dames à
Reims. Elles déménagent avec leur saint patron. Le choeur dédié à Saint-Denis sera séparé de la nef consacrée à Saint-Pierre et qui servira d'église paroissiale.
Au bas du vitrail, le fameux gallinacé rappelle le reniement de Pierre. "Avant que le coq n'ait chanté tu m'auras renié trois fois". Le thème du reniement se retrouve sur un autre
vitrail. Huit des vitraux sont consacrés à l'apôtre : La marche sur les eaux, La vocation, Tu es Pierre, La Délivrance, Le martyre, Le reniement, La crucifixion, Le vitrail du
choeur.
Le Reniement
Encore le coq (l'avons-nous bien choisi, nous les Gaulois, comme emblême national? Serions-nous enclins à la
trahison? Mais non me dit mon frangin, c'est parce que comme lui, les deux pieds dans la M...., nous chantons à tue-tête!)
La marche sur les eaux
J'aime beaucoup cette euvre-là. Les pieds pris dans la mouvance des bleus et des verts, comme si nous étions sous l'eau et n'apercevions que la plante brune des pas, entre quelques éclats
de soleil.
"Tu es Pierre et sur cette pierre, je bâtirai mon Eglise."
La délivrance
Pierre est en prison et un ange vient briser ses chaînes. "Soudain l'ange du Seigneur survint et le cachot fut
inondé de lumière. Il frappa Pierre au côté et le fit lever : Debout vite! dit-il. Et les chaînes lui tombèrent des mains."
Allez, au boulot tous les anges! Il n'y a pas que Pierre... Il y a les vieux prisonniers de la maladie et de la démence, il y a les désespérés de la vie, les abandonnés, les meurtris trop faibles
pour se relever. Au boulot les anges! Vous savez briser les chaînes et ouvrir les portes... Il y a du pain sur la planche pour toutes vos légions!
Avant de quitter l'église, je m'arrête devant ce vitrail qui représente la Vierge protégeant de son manteau la
patronne de Paris, la jeune fille de Nanterre, Sainte Geneviève qui tient la Cathédrale que les parisiens ont fait monter vers le ciel. Bizarre me dis-je, il y a bien peu de
vitraux ici consacrés aux femmes. Presque tout est pour les hommes :Pierre, Ignace, Benoît, Denis, le Christ...
Lien : Visite de l'église Saint Pierre de Montmartre. 1) Des
origines à la Renaissance.
C'est donc avec des femmes que je termine ma promenade sous les vitraux de Max Ingrand. Et à toi ma petite Geneviève, si fragile et si modeste, j'envoie des baisers de terrien, en
attendant un jour de frotter mes plumes contre les tiennes entre deux nuages.