Louise Weber est devenue une légende montmartroise et c'est grâce à Toulouse Lautrec qu'elle est aujourd'hui connue dans le monde entier.
Elle ne pouvait naître qu'en été (juillet 1866) dans une banlieue populaire (Clichy La Garenne).
Ses parents sont des Juifs alsaciens modestes qui ne se doutaient certes pas que leur fille poserait ainsi, les seins offerts aux regards avides de ses admirateurs.
.
Elle passe à la postérité sous le nom de "La Goulue" que lui aurait valu sa propension à vider tous les verres qui se trouvaient sur son passage. Peut-être se souvint-on également, en la baptisant, qu'elle fut plus ou moins découverte par un dénommé Goulu-Chilapane qui l'accueillit dans son hôtel particulier de l'avenue du Bois.
Son corps sensuel, un peu provocant correspond au goût de l'époque qui appréciait la féminité généreuse.
La Goulue (à droite) et Casque d'or (à gauche)
C'est au Moulin Rouge qu'elle rencontre la gloire, après avoir dansé au Moulin de la Galette, à l'Elysée-Montmartre et au Jardin de Paris.
Il est difficile d'imaginer en voyant ces photos, avec quelle vitalité canaille elle danse le cancan. Elle en est le vedette et elle a toutes les audaces, interpellant les mâles quel que fût leur rang.
Elle n'hésite pas à lancer au prince de Galles, futur Edouard VII : "Hé Galles! Tu paies l'champagne! C'est toi qui régales ou c'est ta mère qui invite?"
Imaginez la meneuse de revue du Moulin-Rouge, lançant une telle question à notre président ?
La Goulue et Valentin le Désossé à l'Elysée-Montmartre
Valentin le désossé en fait son élève préférée. C'est avec elle qu'il danse le chahut. Toulouse Lautrec les représente tous les deux sur la célèbre afffiche du Moulin rouge.
Etonnante affiche d'une simplicité qui n'est qu'apparente. Valentin apparaît, silhouetté en gris au premier plan tandis qu'à l'arrière des ombres chinoises suggèrent tout un monde de noceurs, chapeaux hauts- de-forme et aigrettes, tournés vers la vedette, celle qui saute comme "une chèvre" et lève la jambe comme aucune autre, faisant tourbillonner ses jupons affolants.
Le regard est attiré vers ses cuisses, vers la corolle blanche qui accroche la lumière. En quelques traits Lautrec suggère le mouvement et l'audace.
La Goulue et Valentin
Le peintre reste l'ami de la Goulue bien après les triomphes.
Sur cette photo, ils sont côte à côte, comme un couple de bons vivants...
Elle est représentée sur cette litho, croquée de dos, silhouette nerveuse et coiffure portée comme un emblème, une plume d'apache!
La femme à ses côtés a parfois été prise pour sa soeur car elle l'accompagnait souvent. Il s'agit en réalité de la Môme Fromage, grande amie de la Goulue.
Au Moulin-Rouge ou la Promenade (La Goulue). 1892. Peinture sur carton
La goulue entrant au Moulin-Rouge. 1892. Huile sur carton.
C'est un des portraits les plus célèbres de la Goulue. Lautrec ne l'a pas flattée. Elle arrive en tenue provocante, les seins presque nus, le corps souple et cambré.
Elle est saisie à son insu, un sourire amer, un sourire qui tourne à la grimace et qui est empreint de lassitude sur un visage fatigué. Le corps joue toujours le jeu mais le visage tombe le masque. Le temps commence à gagner la partie...
Bientôt la goulue plaira moins. Elle se mettra à son compte et s'exhibera dans les foires foraines. Son ami peint pour elle les grands panneaux décoratifs exposés en façade de sa baraque.
La danse au Moulin rouge 1895
Pour attirer le passant, il rappelle le prestigieux passé de l'artiste. Il la représente au Moulin-Rouge avec Valentin le Désossé (Jane Avril apparaît à l'arrière-plan, avec son immense chapeau).
La danse mauresque, les Almées, 1895.
Le deuxième panneau est une annonce de son nouveau spectacle donné dans la baraque. On reconnaît au premier plan Jane Avril, Lautrec lui-même, blotti contre elle, le critique Félix Fénéon.
Quelques années plus tard, la Goulue endettée devra vendre ces panneaux qui seront découpés par un marchand cupide et stupide. Ce n'est qu'en 1929 qu'ils seront rachetés et restaurés par le Louvre. Ils sont aujourd'hui exposés au musée d'Orsay.
Les dernières année de La Goulue ressemblent à un roman tragique. Elle apprend à dompter les fauves qui l'agressent au cours d'un spectacle. Son mari, Joseph Nicolas Droxler, épousé en 1900, magicien de métier, ne parvient pas à s'escamoter devant les balles prussiennes et meurt à la guerre de 1914.
Le Petit Journal. La Goulue et son mari agressés par un puma le 24 janvier 1904
Son fils, né de père inconnu mais qu'elle prétend "prince"meurt à 27 ans.
La Goulue fait la parade à côté de son fils Simon...
Elle va vivre dans une roulotte à Saint-Ouen. Elle recueille sans rancune des animaux de cirque éclopés, des chiens et des chats qu'elle nourrit en se privant du nécessaire.
Elle retourne au Moulin-Rouge mais sans y entrer, sur le trottoir où elle vend des cacahuètes et des cigarettes.
Elle meurt à l'hôpital Lariboisière en janvier 1929 et elle est enterrée à Pantin. C'est en 1992 que ses restes sont transférés à quelques dizaines de mètres du Moulin-Rouge, au cimetière de Montmartre où sa tombe est toujours fleurie.
A en croire les nuages qui juponnent si souvent dans le ciel de Paris, La Goulue danse toujours le french-cancan avec les anges tandis que Lautrec, un verre d'absinthe (herbe sainte) dans une main et fusain dans l'autre crayonne sur le ciel blanc.
Liens : Montmartre: Jane Avril, Toulouse Lautrec.
Liste et liens: Peintres et personnages de Montmartre. Classement alphabetique
...