Nous sommes au pied de la Butte, dans un quartier dont les rues en pente font la joie des cyclistes qui descendent vers le centre de Paris et se gardent bien de remonter à vélo….
Au XVIIIème siècle, nous étions à la campagne, sur une terre fertile où tout poussait. Mais la ville s'étendait… la campagne devenait une banlieue arborée où il était agréable de posséder une maison. Monsieur Pétrelle, architecte et propriétaire avisé, fait construire quelques maisons peu après la période révolutionnaire.
Sur les plans de l'époque, le chemin Pétrelle est devenu rue Prétrel ou Prétrelle selon les documents.
Ce n'est qu'à partir de 1811 que la rue est vraiment lotie. Elle porte le nom de rue Jolivet, puis rue Marlboroug car un restaurant arborait à l'époque révolutionnaire une enseigne peinte "le grand Marlboroug".
En 1826 la rue retrouve son nom originel qui est toujours le sien en notre vingt et unième siècle!
Elle rappelle donc comme beaucoup de rues parisiennes le nom d'un gros propriétaire qui fut paraît-il un architecte, bien qu'on ne connaisse rien (du moins n'ai-je rien trouvé) de ses réalisations.
La fin de la rue et l'immeuble de la rue de Rochechouart par où devait passer l'extension jusqu'à la rue Turgot.
Elle mesure 239 mètres et devait selon une ordonnance restée sans effet être prolongée jusqu'à la rue Turgot après avoir croisé la rue de Rochechouart au niveau du 67 actuel.
La rue est intéressante en ce qu'elle nous rappelle un Paris industrieux, bien différent au XIXème siècle du Paris pourtant si proche de la Nouvelle Athènes, artiste et branché.
La rue commence avec un école côté impair et de beaux immeubles post haussmannien côté pair. Entre le 4 et le 8 s'ouvre le square Pétrelle qui comme c'est souvent le cas à Paris n'a rien d'un square et ne porte ce nom que pour éviter celui moins flatteur d'impasse.
Fermé par une grille il ne manquerait pas de s'appeler "Cité"!
Il a été ouvert en 1902 dans un style homogène fin de siècle bourgeois (aucune audace Modern-style).
Il est évoqué par Patrick Modiano, dans son livre "Pedigree". C'est en effet square Pétrelle que son père est né.

Albert Modiano
"Mon père est né en 1912 à Paris, square Pétrelle, à la lisière du IXème et du Xème arrondissement. Son père à lui était originaire de Salonique et appartenait à une famille juive de Toscane établie dans l'empire ottoman."
Dans ce quartier populaire, le gaz était à l'honneur puisque près de là, rue Condorcet fut construit le siège de la Compagnie française du gaz et que rue Pétrelle, du 9 au 15 se trouvait la Compagnie continentale des compteurs à gaz! Trois cents ouvriers ! C'est en partie pour eux que fut construite la première cité ouvrière de la capitale dont on voit un des bâtiments au 25 de la rue.
25 rue Pétrelle. Bâtiment de la Cité Napoléon.
La Cité Napoléon, classée monument historique, ouvre sur la rue Rochechouart et fut considérée par les Conservateurs comme un foyer révolutionnaire et par les Socialistes comme un ghetto ouvrier sous surveillance.
Entre les anciens 21 et 25, jouxtant l'usine des compteurs, étaient installés les ateliers de fournitures militaires Godillot.

Alexis Godillot avait ouvert une usine 54 rue de Rochechouart puis devant le succès de ses productions il l'agrandit considérablement. Il créa notamment l'atelier de corroierie du 21 rue Pétrelle.
Ses chaussures militaires cloutées lui valurent la gloire et l'honneur de passer dans la langue argotique. Des godillots, des godasses… mots toujours employés. Il est vrai que "godillot" a pris un autre sens. De même que les soldats suivaient au pas militaire leurs chefs, de même les députés qu'on appela et qu'on appelle toujours "godillots" suivent les yeux fermés les injonctions de leur parti! Un nouveau qualificatif est apparu récemment, avec le même sens : les députés Playmobil!
Plus triste est l'histoire des chaussures de cuir jaune que les ateliers Godillot distribuaient aux insurgés de la Commune et qui leur valurent d'être fusillés sans autre forme de procès quand on les trouvait à leurs pieds.
En 1895 un terrible incendie ravagea les usines et ateliers Godillot qui partirent en fumée.

Aujourd'hui à leur emplacement s'achève la rue Lentonnet qui prend naissance rue de Condorcet. De beaux immeubles d'angle donnent en partie sur la rue Pétrelle.
Rue Pétrelle et rue Lentonnet.
Sur la façade de l'immeuble d'angle, 9 rue Lentonnet, on retrouve, gravés, les noms du même architecte et du même sculpteur (Rousseau et Wolfrom 1895)) et le même lion renfrogné que sur celles des 16 et 18 rue Condorcet.
Même immeuble rue Condorcet
Au 24, un immeuble moderne a remplacé la Salle Pétrelle qui a son importance historique puisque c'est là que se tint pour sa première journée le Congrès Socialiste international, un siècle après la Révolution, le 14 juillet 1889.
Organisé par les guesdistes (Jules Guesde défendait le concept marxiste de prise du pouvoir par le prolétariat) il est à l'origine de la fondation de la 2ème Internationale.
Le 26, construit en 1870, est l'œuvre de l'architecte Henri de La Motta.
… Rien d'autre à signaler dans cette courte rue Pétrelle qui fut avant tout, au XIXème siècle un quartier d'usines et d'ateliers, un foyer vivant et populaire qui perdit de nombreux de ses habitants pendant la Commune de Paris dont Montmartre fut l'épicentre.