Il serait logique que la rue d'Athènes fût rattachée au quartier de l'Europe, or il n'en est rien puisqu'elle fait partie du quartier Saint-Georges, un quartier dont une partie a été édifiée sur les terrains communaux de Montmartre.
Mais.. en réalité il n'est pas si étonnant que cette rue fît partie d'un quartier qu'on appelait, par sa richesse créatrice et le nombre d'artistes qui l'habitaient "la Nouvelle Athènes"!
En 1826, à sa création, la rue s'appelle rue de Tivoli, ce qui est naturel puisque comme plusieurs rues du quartier elle est édifiée sur l'ancien parc de Tivoli.
Elle ne devient rue d'Athènes qu'en 1881.
Longue de 211mètres et large de 12, elle commence rue de Clichy (19) et se termine aux 38 rue de Londres et d'Amsterdam.
Le 1, abrite un café "le Hollywood" qui était déjà là au début du XXème siècle.
Intérieur du Hollywood
Le 1 bis (1840) est classé et mérite de l'être.
Non seulement il est digne d'intérêt architecturalement parlant, de style Louis-Philippe avec son décor composite.
il fut l'adresse quelques années de celle qui allait devenir la plus grande star de son temps, Sarah Bernhardt.
Immeuble modeste comparé aux hôtels particuliers qu'elle habitera et notamment à celui de la rue Fortuny qu'elle se fera construire et qui a pour propriétaire actuel un certain Dominique de Villepin!
Les 2 et 3 n'ont pas grand chose à nous raconter sinon qu'ils ont été touchés en janvier 1918 par les bombardements allemands. Le 3, immeuble de rapport, date de 1830 et présente une décoration plus riche que celle que l'on trouve habituellement sous la Restauration.
Le 3 bis est classé. Il date de 1857 et a pour architectes "Roze Henri et fils". Malgré mes recherches je n'ai trouvé que peu de renseignements sur ces architectes sinon, conservé aux Archives un "Nouveau projet de Halles" pour Paris accompagné du plan d'un nouveau quartier d'habitation "les Innocents". On sait que la commission chargée d'étudier les projets préféra celui de Baltard (en 1845). Un ensemble remarquable détruit pendant les années vandales de Pompidou.
4 et 6 sont un même immeuble élégant du début du XXème siècle. Il y eut à l'emplacement du 6 un hôtel particulier qui appartint à Jules Jaluzot, fondateur des magasins "Au Printemps".
De son époque subsiste au Printemps Haussmann les belles façades fin de siècle et les rotondes (façades enlaidies par la surélévation commise dans les années 60)
Le 8 d'une indigence architecturale consternante a détruit pour créer des bureaux et salles de réunion un bel immeuble appartenant à la famille Montblanc, acquis en 1892 par la Société des Agriculteurs de France.
Une salle de théâtre à l'italienne y fut alors construite, remarquable par son architecture et sa décoration. Pendant des années elle accueillit, outre les réunions des agriculteurs, des concerts et récitals (de 1894 à 1925).
Congrès de la Société en 1913
Il n'en reste rien aujourd'hui sinon le souvenir photographique! Les agriculteurs sans utiliser de pesticides ou autres produits calamiteux ont fait disparaître ce bel ensemble pour nous offrir une de ces constructions qui enlaidissent la ville.
Les quatre immeubles pairs suivants quasi identiques sont représentatifs des immeubles de rapport de la période de la Restauration.
Le 21 est un hôtel qui a changé de nom et qui d'hôtel d'Athènes est devenu hôtel ATN!
Il est connu pour avoir été celui où pendant des années, de 1921 à 1932, Maurice Ravel occupait une chambre chaque fois qu'il rendait visite à ses amis qui habitaient en face, au 22.
Ses amis étaient les Godebski.
La famille Godebski par Bonnard
Cipa Godebski et sa femme Ida recevaient dans leur salon leurs amis les peintres Vuillard et Bonnard, le poète Valéry et Maurice Ravel. Pour Ida, Ravel écrivit sa sonatine et pour les deux enfants du couple, Jean et Mimi, "Ma mère l'oye".
Réunion musicale chez Cipa Godebski (assis à gauche) avec son fils jean... Accoudé au piano Maurice Ravel. (D'Espagnat).
Encore un hôtel, le Villathéna, au 23. Il compte trois étoiles dans son ciel de lit mais sa principale étoile est son architecte, Edmond Navarre (1828-1937) qui venait superviser les travaux en voisin car il était un véritable enfant du IXème arrondissement où il naquit et mourut!
Villa Louis
Il a conçu plusieurs immeubles et hôtels particuliers dans Paris mais s'est rendu célèbre surtout pour la villa Louis de Lion sur mer dont les céramiques Art-nouveau sont dues à Alexandre Bigot (celui de l'église Saint-Jean aux Abbesses, du Castel Béranger de Guimard, du Céramic Hôtel avenue Rapp et de tant d'autres chefs d'oeuvre dont l'immeuble fantastique de la rue d'Abbeville....
Rue d'Abbeville, grès de Bigot
Edmond Navarre 53 rue Nollet (grès de Bigot)
Notons qu'il collabora avec Edmond Navarre pour l'hôtel particulier de la rue Nollet dans le XVIIème.
Le 26, dernier numéro de la rue est une belle maison d'angle construite en 1830, la première sur les terrains de la Folie Tivoli.
Elle est due à l'architecte Hippolyte Godde (1781-1869) très en vogue dans la première moitié du XIXème siècle, représentatif de l'architecture néo classique. À Paris, il a participé à la reconstruction de l'Hôtel de Ville incendié sous la Commune, il a construit plusieurs églises (Notre Dame de Bonne-Nouvelle, Saint-Pierre du Gros Caillou, Saint-Denys du Saint-Sacrement....)
Nous sommes maintenant au coeur du quartier de l'Europe et sortons des limites de l'ancien Montmartre. Nous remontons donc vers la Butte sans imiter le pas de ma mère l'oye qui rappellerait une trop sinistre époque!