C'est une petite rue parallèle à l'avenue Trudaine qui court entre la rue Bochart-de-Saron et la rue Lallier.
Elle est construite sur les terrains des anciens abattoirs de Montmartre libérés à la suite des plaintes des riverains importunés par les cris de souffrance et d'agonie. Ce qui conduira l'industrie de la viande à cacher hors des villes ces camps de mise à mort.
Elle prend en 1858 le nom de Jean-Baptiste Say (1767-1832), économiste libéral qui eut une grande influence et dont on a oublié aujourd'hui la carrière d'auteur dramatique.
Il est juste, dans ce quartier de la Nouvelle Athènes, de rappeler ses œuvres oubliées : "la tante et le prétendu" (courte pièce) "le Curé amoureux"(pièce anticléricale) "les deux perdrix" (opéra comique.)
Quelques "pensées" non sucrées de celui dont le frère Louis créa les fameuses raffineries qui portèrent son nom et existent toujours, devenues en 1972 Beghin-Say:
"Tout peut se dire, seule la manière de s'y prendre fait tout passer."
"Une des preuves de la médiocrité, c'est de ne pas savoir reconnaître la supériorité là où elle se trouve."
"L'exagération dans les discours révèle la faiblesse, comme le charlatanisme décèle l'ignorance."
"Un bon esprit vaut mieux qu'un bel esprit."
"Le cachet de la médiocrité, en tout genre, est de ne savoir pas se décider."
Le n°1 est l'arrière d'un des plus beaux hôtels particuliers du quartier dont l'entrée se trouve 14 avenue Trudaine.
Il a été construit pour lui-même par l'architecte Léon Ohnet (1813-1874) à qui l'on doit plusieurs hôtels particuliers parisiens et la restauration de quelques monuments comme la cathédrale de Carcassonne (avec Viollet-le-Duc, son voisin de la rue Condorcet).
Léon Ohnet (par Couture)
C'est dans son hôtel qu'il mourut en 1874. Son fils Georges y habita quelques années. Georges Ohnet (1848-1918) fut un écrivain à succès. son ouvrage le plus populaire est "le Maître des Forges".
Côté pair le deux a la même entrée que le 4. C'est un immeuble post-haussmannien de belle facture.
Le 3 a pour originalité de n'avoir pas d'entrée sur la rue mais de dépendre du 16 avenue Trudaine.
Le 16 avenue Trudaine
De la même manière le 5, petit hôtel particulier dont la façade a été maltraitée, a pour entrée principale le 18 avenue Trudaine élevé en 1850! Il faut croire que l'adresse sur l'avenue était plus prestigieuse!
Le 18 avenue Trudaine
Le 7 comme ses voisins a une entrée sur l'avenue Trudaine, au 20.
Adresse qui fut celle d'une actrice bien oubliée aujourd'hui, Amélie Villetard (1853-1888) qui écrivit quelques pièces courtes et qui s'illustra en interprétant Dame Rose dans "Les Neiges d'antan" de Jules Marthold, son mari! Mais où sont les neiges d'antan?
Le 8 construit en 1860
Les 9 et 11, deux jumeaux.... très classiques et sans relief.
Le 10 se distingue par son ornementation et son harmonie. Il est surmonté d'un décor d'angelots encadrant un écusson avec les lettres enlacées. Il est un des plus anciens de la rue dont il a la même date de naissance (1858).
Construit à l'origine pour un propriétaire dont les initiales sont P et L et qui je l'avoue me reste inconnu, il a abrité jusqu'à sa mort le peintre Jean-Joseph Bellel (1816-1898) qui y avait son atelier.
Bellel eut une certaine renommée qui lui permit de recevoir des commandes officielles pour le palais de l'Elysée ou pour l'Hôtel de ville. Les panneaux de ce dernier disparurent pendant la Commune dans l'incendie qui ravagea le bâtiment construit sous François 1er.
Bellel a également dessiné un projet de tapisserie réalisée par les Gobelins pour le Sénat.
Il aimait voyager en Italie et en Algérie. Ses toiles dites "orientalistes" connurent un grand succès.
C'est dans cet immeuble de la rue Say qu'il aimait recevoir son ami Théophile Gautier.
Regardez bien le 11 construit en 1865 comme son voisin le 11 bis. Un personnage célèbre y habite. Vous pouvez le découvrir avec un minimum d'attention.
C'est lui, installé sur un garde-corps du 1er étage, c'est Mister Cat qui surveille tout ce qui se passe dans la rue et tape sur les vitres quand il désire rentrer...
Le 12 donne en partie sur la rue Lallier avant le 14, dernier immeuble de la rue Jean-Baptiste say, à pan coupé comme il se doit.
Cette petite rue sans histoire est bien caractéristique d'un quartier qui, proche de l'animation des boulevards, s'arrange néanmoins pour mener une vie paisible et confortable.
Une petite rue préservée de l'invasion des rats et des souris par Mister Cat.