Aigues Mortes comme un mirage de pierres, une ville au bord des marais, face au ciel et au vent.
Les remparts n'ont pas empêché les guerres fratricides et les destructions. Protestants et Catholiques se sont étripés en bons chrétiens oublieux de leur évangile commun "Celui qui utilise l'épée périra par l'épée".
Les monuments de pierres ont péri eux aussi. La chapelle des Pénitents Gris fut incendiée et ce n'est qu'en 1607, la paix revenue, que les Pénitents firent construire une nouvelle chapelle.
Au-dessus de la porte d'entrée une inscription en latin et en hébreu vous accueille :
"Il est vrai que Yhwh (Adonaï) est présent en ces lieux et moi je ne le savais pas".
Il s'agit d'une référence au fameux rêve de Jacob, de l'échelle qui unit le ciel et la terre. Jacob se réveille et dit : "Oui Yhwh est dans le lieu et moi je ne le savais pas"
L'inscription latine est plus obscure car elle est parsemée de fautes. On peut en proposer cette traduction :
"Dieu est présent en cet endroit; sans doute n'en as-tu pas conscience car notre intelligence ignore Dieu. Entre et regarde, alors tu sauras".
ajout du 30 juin 2014:
Bernard B. lecteur de cet article, a la gentillesse de me corriger. Il me fait remarquer que l'inscription latine est tout à fait correcte, le clergé de l'époque n'aurait pas accepté qu'on charcutât la langue liturgique, et il me propose cette traduction :
"Dieu est ici, je crois que tu ne le sais pas car notre intelligence ne le connaît pas mais entre et regarde, alors tu sauras (que Dieu est là).
Il précise : la difficulté de la traduction vient du double sens du verbe SCIRE qui signifie à la fois connaître quelqu'un et savoir quelque chose. On pourrait risquer la traduction-interprétation du dernier membre par : "...alors tu le (Dieu) connaîtras."
Avant d'obéir à l'injonction, jetons un oeil sur le frontispice. Nous y voyons un coeur transpercé, deux pieds, deux mains.
Nous les retrouverons à l'intérieur, sur le retable. La Confrérie des Pénitents Gris d'Aigues Mortes (leur nom vient de leur tenue, le "sac" ou le froc de toile grise, serré à la taille par une ceinture) a pour symbole les cinq plaies du Christ : les mains et les pieds traversés par les clous, le coeur percé par la lance.
A l'intérieur de la chapelle un crucifix original représente le Christ, les deux pieds cloués séparément. Une autre particularité de ce crucifié est la plaie de la lance représentée du côté gauche alors que c'est le flanc droit qui a été transpercé.
Mais la merveille de la chapelle c'est ce retable de stuc réalisé en 1687 par Jean Sabatier, sculpteur montpelliérain. Il est dans le grand style du XVIIème, excessif et rigoureux, chargé et cependant pur.
Il aurait dû disparaître pendant la Révolution si un ancien pénitent, Jean Sol, n'avait été chargé après la réquisition de la chapelle de superviser sa transformation en entrepôt pour le fourrage. C'est lui qui veilla à ce que le fourrage fût entreposé devant le retable, jusqu'au plafond, de façon à le faire oublier.
Dieu est représenté dans un médaillon. Il tient la terre qu'il vient de créer. Il lève la main droite pour inviter les hommes à y habiter et à en prendre soin. On voit où en est notre planète aujourd'hui!
Les hommes ne sont pas toujours dignes de confiance et Dieu lui même a manqué de lucidité!
Il n'empêche que Dieu paraît satisfait dans sa cape qui vole autour de lui avec accompagnement d'angelots grassouillets qui frétillent comme des poissons dans un filet.
Mais voici ce qu'il y a de plus beau dans cette oeuvre monumentale : les anges!
Ils sont élégants et sensuels, robustes et féminins, sérieux et doux... Ce sont les anges de la grande peinture versaillaise, du grand style Louis Quatorzien.
Ils tiennent les instruments de la passion : le maillet qui a enfoncé les clous dans les mains du Christ...
Les tenailles qui ont servi à déclouer le corps...
L'éponge imprégnée de vinaigre tendue vers la bouche du supplicié qui réclamait à boire
Les clous de la crucifixion...
La couronne d'épines...
Et la lance qui perça le flanc droit...
Ces grands anges malgré quelques dégradations restent intacts. Certains ont perdu un ou deux doigts qu'ils retrouveront un jour, quand ils seront restaurés.
Ils donnent à cette chapelle de proportion modeste une allure royale. Ils ont la noblesse et l'harmonie des sculptures du Grand Siècle.
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à suivre... Aigues Mortes. La Chapelle des Pénitents Gris. (2)
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Liens :
Les cariatides et les atlantes de Montpellier. (1)
Cariatides et atlantes de Montpellier (2)
Jean Cousin. La Charité. Musée Fabre. Montpellier.
Alexandre Cabanel. L'ange déchu. Musée Fabre Montpellier.
Trompe l'oeil. place Saint Roch. Montpellier
Le Mikvé de Montpellier. Témoin juif du Moyen-Âge.
Karl Lehmann. Sainte Catherine d'Alexandrie. Musée Fabre. Montpellier.
Arc de Triomphe du Peyrou. Montpellier.
Cathédrale de Maguelone. Les vitraux. (1) extérieur. Bleu. Robert Morris.
Cathédrale de Maguelone. Vitraux (2) Intérieur. Bleu. Robert Morris.
Cathédrale de Maguelone. (3) Vitraux. Intérieur. Jaune. Robert Morris.
Jean jacques Henner. Le bon Samaritain. Musée Fabre Montpellier.
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