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Montmartre secret

Montmartre secret

Pour les Amoureux de Montmartre sans oublier les voyages lointains, l'île d'Oléron, les chats de tous les jours. Pour les amis inconnus et les poètes.

Publié le par chriswac

    Nous repartons à la découverte de la rue La Bruyère qui nous réserve comme la plupart des rues de la Nouvelle Athènes de belles surprises.

Le 15

Le 15

    Le 15 est un immeuble haussmannien où ont vécu un grand écrivain Roland Dorgelès et un journaliste et critique d'art André Warnod . Ils étaient amis et n'avaient pas un grand chemin à parcourir pour se rencontrer !

 

Dorgelès

Dorgelès

     Roland Dorgelès (1885-1973) est un amoureux de ce Montmartre qui a fait l'objet de plusieurs de ses livres. Il a vécu rue Lepic, rue Truffaut, rue Victor Massé. C'est dire qu'il connaissait bien le quartier!

  C'est en1912 qu'il vient habiter rue Labruyère, deux ans après le fameux canular qu'il organisa chez Frédé, au Lapin Agile.

 

    Est-il utile de rappeler qu'il accrocha un pinceau à la queue de l'âne de Frédé. Il la trempa dans un seau de peinture et approcha une toile que les battements caudaux de l'animal recouvrit de couleurs qui donnèrent naissance à un chef d'œuvre aussitôt nommé "Coucher de soleil sur l'Adriatique" exposé au Salon des Indépendants où il reçut des critiques élogieuses! 

 

    L'auteur des "Croix de Bois" gardera un souvenir ému de sa vie de bohême montmartroise. Son ami André Warnod fréquenta comme lui Carco et Mac Orlan. Il illustra des livres consacrés à la Butte, dans un style précis et sans grande originalité

 

Le 21

Le 21

Le 21 est un bel exemple de l'architecture romantique...

Croisement avec la rue de La Rochefoucauld

Croisement avec la rue de La Rochefoucauld

    Le premier immeuble côté pair après le croisement avec la rue de La Rochefoucauld, le 26, porte une plaque commémorative.

 

     Auguste Renoir est très lié à Montmartre;  après son premier atelier rue Saint-Georges, il a vécu de 1875 à 1877 au coeur du vieux village, rue Cortot, dans l'hôtel qui abrite aujourd'hui le musée de Montmartre et qui fut une pépinière de grands peintres. Il occupait  un deux pièces dans l'aile gauche et utilisait un appentis au rez de chaussée où il entreposait une toile de grande dimension, un de ses chefs d'œuvre : "Bal au Moulin de la Galette"

                                                    Rue Cortot. Partie occupée par Renoir.

Il a vécu également au Château des Brouillards, rue Girardon où naquit son fils Jean.

Quand il déménage pour la rue Labruyère, il est un peintre reconnu et sa situation financière lui a permis d'acquérir une propriété à Essoyes près de Troyes. C'est là qu'il a un accident de bicyclette et se fracture le bras droit. Les années qui suivent ne sont pas les plus créatrices. Peut-être à cause de son succès, se répète t-il sans innover comme il le fit dans ses années difficiles.

                                                                             La lettre (Renoir)

Parmi ses toiles peintes pendant ses années rue Labruyère en voici quelques unes …. 

                                                                    Yvonne et Jean (1899)

Elles portent en elles en même temps que le grand art du peintre, les signes de l'affaiblissement de sa créativité et d'une facilité que le succès commercial encourage.

                                                        Claude Renoir (1901) Auguste Renoir.

En 1902, il quitte Paris pour aller vivre à Cagnes sur mer, quittant définitivement Montmartre.

Le 28

Le 28

  Le 28 pose un petit problème. D'après plusieurs sites par ailleurs sérieux, il aurait abrité le poète-acteur génial et embrasé Antonin Artaud à partir de 1928.

Il s'agit sans doute d'une erreur due à la confusion avec la date. En effet un document indéniable, une lettre manuscrite d'Artaud indique de sa main avant de signer le 38 rue Labruyère.

                                                                       Le 38

    Quoi qu'il en soit, il est émouvant de savoir qu'il a vécu un temps dans notre quartier. Nous savions déjà qu'il fut proche de Dullin avant de se brouiller avec lui et qu'il joua à l'Atelier, notamment dans l'Avare. Peu avant d'habiter rue Labruyère, il fonda le théâtre Alfred Jarry. 

                                                      Antonin Artaud. Autoportrait.

    Cet homme incandescent au corps torturé par des douleurs incessantes due à une syphilis héréditaire nous a laissé son image grâce aux films dans lesquels il joua (Tourneur, Abel Gance, Dreyer). Nul ne peut oublier sa présence dans le chef d'œuvre de Dreyer "La Passion de Jeanne d'Arc".

                                                           La Passion de Jeanne d'Arc. 

Le 31

Le 31

     Au 31 a vécu le peintre Pino della Silva (1904-1987) quand il vint habiter à Paris en 1931.

Son œuvre est sous estimée aujourd'hui peut-être parce qu'elle a beaucoup évolué, passant des portraits à la peinture sociale puis au surréalisme et à l'abstraction. Il a été également graveur comme on peut l'apprécier avec ce chat d'Henriette Korner :

 

Le 41

Le 41

     Au 41 a vécu pendant les dernières année de sa vie le peintre Jean-Jacques Henner (1829-1905). 

Grand Prix de Rome en 1858, il mène une carrière brillante et reconnue à l'écart des courants picturaux de son temps dont il n'ignore pas l'ambition et les qualités.

                                                      Jean-Jacques Henner par Nadar

Il défend notamment Manet. Mais il reste à sa manière un romantique à l'image de ses femmes nues aux chevelures de feu.

Rue La Bruyère. 2ème partie  du 15 au 53. Dorgelès, Berlioz, Cocteau...

    On a pu dire de lui qu'il était le peintre des rousses!

Son atelier est place Pigalle, dans le même immeuble que Puvis de Chavannes. Et sa dernière demeure sera le cimetière de Montmartre. De nombreux musées exposent ses toiles mais le musée qui porte son nom se situe dans un hôtel particulier à une adresse où il n'a jamais vécu (43 avenue de Villiers). 

Le 42

Le 42

   Le 42, d'apparence plus modeste, fut le siège de la JAC, la jeunesse agricole catholique, mouvement soucieux de défendre les jeunes ruraux contre la tentation de l'athéisme!

Le 45

Le 45

Le 45 est l'immeuble de la rue Labruyère qui a le plus d'histoires à nous raconter mais il a joué les grands timides devant ma curiosité et il s'est abrité derrière échafaudages et bâches de plastique!

 

     Il aurait à nous raconter comment il fut construit en écrasant un petit hôtel particulier de deux étages sur jardin, propriété d'Eugène Lecomte, grand-père de Jean Cocteau. C'est dans cet hôtel que le poète, cinéaste, dessinateur, metteur en scène… passa les 16 premières années de sa vie et en fut durablement marqué.

 

     Ses parents, Georges et Eugénie occupaient le 1er étage :

"Mes grands-parents habitaient à l'étage supérieur un appartement que les caprices de l'architecte avaient distribué de telle sorte qu'il fallait suivre des couloirs, monter et descendre des escaliers à pic afin de passer d'une chambre à l'autre."

Rue La Bruyère. 2ème partie  du 15 au 53. Dorgelès, Berlioz, Cocteau...

     Son père Georges, avocat, est un artiste dans l'âme, amateur de musique, dessinateur. Il apprend à son fils le maniement du crayon et du pinceau.

                                      Dessin. Jean par son père Georges. Année du suicide.

C'est l'époque heureuse où l'enfant s'amuse à construire dans la cour des théâtres de carton. Le 5 avril 1898, le malheur frappe comme un coup de tonnerre : un coup de feu tiré par le pistolet que Georges pointe sur sa tempe. 

Rue La Bruyère. 2ème partie  du 15 au 53. Dorgelès, Berlioz, Cocteau...

     Il y aura plusieurs hypothèses sur les raisons qui l'ont poussé au suicide. Celle que formulera Jean sera la plus sensible et la plus douloureuse. L'enfant se sentait si proche, si ressemblant de ce père aimé qu'il ne peut s'empêcher de penser qu'il était comme lui homosexuel et qu'il avait dissimulé au prix de la plus grande souffrance ce penchant :

"J'ai toujours pensé que mon père me ressemblait trop pour différer sur ce point capital. Sans doute ignorait-il sa pente et au lieu de la descendre en montait-il péniblement une autre sans savoir ce qui lui rendait la vie si lourde. À cette époque on se tuait pour moins. Mais non, il vivait dans l'ignorance de lui-même et acceptait son fardeau."

La mère de Cocteau. Eugénie.

La mère de Cocteau. Eugénie.

     Après la mort de son père, Jean se rapprochera de son grand-père, mélomane, collectionneur d'art. Il vit dans ce milieu privilégié auquel participe sa mère, musicienne de talent qui reçoit dans son salon les Daudet, la princesse Murat…

                                        Portrait de Jean Cocteau par Lucien Daudet

     Ces années sont encore celles de la scolarité de Jean au petit Condorcet puis au grand dont il est renvoyé, alors qu'il a 15 ans à cause de ses absences répétées. On sait que c'est dans ce lycée qu'il fait la rencontre décisive avec Dargelos.

                                                                         Dargelos

"Un des élèves, nommé Dargelos, jouissait d'un grand prestige à cause d'une virilité très au-dessus de son âge. Il s'exhibait avec cynisme et faisait commerce d'un spectacle qu'il donnait même à des élèves d'une autre classe en échange de timbres rares ou de tabac."

Rue La Bruyère. 2ème partie  du 15 au 53. Dorgelès, Berlioz, Cocteau...

     Le grand-père meurt en 1906 et une année plus tard la famille quitte la rue Labruyère. Jean Cocteau y reviendra plus tard et retrouvera les saveurs du passé en faisant le chemin qui allait du domicile au lycée, touchant de la main ces murs et ces portes qu'il avait effleurées jadis...

Le 53

Le 53

     Au 53 a vécu pendant 7 ans Hector Berlioz. Il avait quitté en 1849 la rue La Rochefoucauld pour cette adresse. Il vivait alors avec Marie Recio.

C'est à cet endroit qui était à l'époque le 19 de la rue Boursault qu'il composa son oratorio "L'Enfance du Christ" et  sa cantate "l'Impériale". Il y acheva son "Te Deum" et y rédigea "Les soirées de l'orchestre".

 

     On aimerait quitter la rue avec ce génie romantique, si lié à Montmartre, mais en nous approchant pour lire la plaque apposée à gauche de l'entrée, alors que nous étions persuadés qu'elle nous parlerait de Berlioz, c'est une autre réalité que nous avons découverte, et combien triste :

 

La rue s'arrête au croisement avec la rue Blanche… mais c'est avec la couleur rouge de la décapitation que nous la quittons.

Liens :

1ère partie de la rue Labruyère

Les rues de Montmartre par ordre alphabétique.

 

 

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Publié le par chriswac
Publié dans : #MONTMARTRE Cimetière.
Une photo du cimetière Montmartre. Le jour de Pâques. Pascale, Ludivine et le chien Gégé.

Cimetière de Montmartre.

C'est un jardin fleuri avec ses allées sous les grands arbres et sa ville de chapelles comme autant de maisonnettes qui se tiennent chaud.

Une photo du cimetière Montmartre. Le jour de Pâques. Pascale, Ludivine et le chien Gégé.

     Je m'y suis promené sous le soleil pour dire bonjour à quelques amis, Stendhal, Heine, Berlioz, Truffaut, Jeanne Moreau, Monique Morelli… sans oublier les chats...

Une photo du cimetière Montmartre. Le jour de Pâques. Pascale, Ludivine et le chien Gégé.
Une photo du cimetière Montmartre. Le jour de Pâques. Pascale, Ludivine et le chien Gégé.

     Et puis je suis passé devant une tombe modeste, en bord d'allée et mon regard a été attiré par une photo fixée sur le marbre.

Une photo du cimetière Montmartre. Le jour de Pâques. Pascale, Ludivine et le chien Gégé.

     Une jeune-femme tient dans ses bras une fillette. Elles sont au bord de la mer par un beau jour paisible. Un petit chien, heureux et attentif se tient à côté d'elles.

Une photo du cimetière Montmartre. Le jour de Pâques. Pascale, Ludivine et le chien Gégé.

     La femme fait un signe de la main, sans doute à celui qui la photographie. elle sourit. On sent la douceur du soleil, le vent léger, l'odeur de la mer.

Une photo du cimetière Montmartre. Le jour de Pâques. Pascale, Ludivine et le chien Gégé.

     Je m'approche et je lis, gravés dans le marbre le nom de Pascale, 36 ans, Ludivine 10 mois, Gégé le petit chien.

 

    C'est le 16 juin 2000 que tous trois moururent. Un accident de voiture peut-être, une tragédie brutale….

Une photo du cimetière Montmartre. Le jour de Pâques. Pascale, Ludivine et le chien Gégé.

     Je les regarde, si proches, si familiers, si présents dans ce moment de bonheur où ils sont photographiés par celui qui les aime...

Une photo du cimetière Montmartre. Le jour de Pâques. Pascale, Ludivine et le chien Gégé.

   La main de Pascale ressemble soudain à ce geste que l'on fait pour dire au revoir sur le quai d'une gare.

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Publié le par chriswac
Publié dans : #MONTMARTRE Peintres.Artistes.Clébrités, #MONTMARTRE. Rues et places.
Rue La Bruyère. Première partie. Du 1 au 11. Osiris. Lévy Dhurmer. Desbordes Valmore...

    La rue La Bruyère prend naissance place Saint-Georges au cœur d'un quartier qui a gardé l'empreinte de son riche passé culturel et historique.

   C'est en 1824, dans le Paris romantique que son tracé fut dessiné en même temps que celui de la rue Fontaine….

Les 1 et 3 rue La Bruyère

Les 1 et 3 rue La Bruyère

   La rue Pierre Fontaine rendant hommage à l'architecte-décorateur de l'Empire, il fut proposé de donner à la rue voisine le nom de son ami et complice Charles Percier, à ce point lié à lui dans le travail qu'il est difficile sinon impossible d'attribuer à l'un ou à l'autre ce qui lui revient dans leurs multiples collaborations. 

                         L'arc de Triomphe du Carrousel (Percier Fontaine)

Mais l'homme, insensible aux honneurs, contrairement à Pierre Fontaine, le refusa et ce fut le moraliste du Grand Siècle, célèbre pour ses Caractères, La Bruyère qui fut choisi! 

                                      La Bruyère (Largillière)

     La rue a été habitée par tant d'artistes, hommes célèbres etc... que nous lui consacrons deux articles.

 

     Commençons par le 1, siège aujourd'hui de la Fondation Taylor qui depuis 1844 œuvre à la défense des artistes qu'elle aide et promeut. C'est dans cet immeuble que vécut Albert Maignan (1845-1908) qui fut président de la Fondation à laquelle il légua son immeuble. Il est connu surtout pour ses talents de décorateur. Il reçut de nombreuses commandes, pour l'hôtel de ville, pour le Palais du Luxembourg, pour l'Opéra Comique…

              Les notes. (Plafond du foyer de l'Opéra Comique)

… et pour l'extraordinaire "Train Bleu" de la gare de Lyon. Certains pourront s'amuser à reconnaître dans son "Théâtre d'Orange", Sarah Bernhardt, Réjane et Edmond Rostand :

                         Théâtre d'Orange (Albert Maignan)

     La chronologie et les règles de préséance auraient dû présenter le beau père avant le gendre!

Il s'agit de Charles Philippe Larivière (1798-1876) dont la fille Etiennette épousa Albert Maignan. Il fut un peintre reconnu, grand prix de Rome en 1824.

                   La mort d'Alcibiade (Charles Philippe Larivière)

A la fois néo-classique et romantique, il finit par se spécialiser dans les scènes historiques qui, il faut bien l'avouer, nous lassent aujourd'hui. Il peignit trois des grandes toiles de la Galerie des Batailles de Versailles et il décora une des chapelles de Saint-Eustache.

La Petite Loge 2 rue La Bruyère.

La Petite Loge 2 rue La Bruyère.

     Au n°2 La Petite Loge s'enorgueillit d'être "le plus petit théâtre de Paris". Comme quoi on peut être riquiqui et avoir la folie des grandeurs! Surtout quand on se pare des plumes du paon car il y a plus petit à Paris, à Montmartre...

Il s'agit du Petit théâtre du Bonheur qui n'a que 20 places alors que la Petite Loge en compte 25! Mais soyons plus sérieux, c'est un lieu sympathique, ouvert aux jeunes spectateurs et spécialisé dans les "Seul en scène" (ça vaut mieux).

Le 3bis

Le 3bis

     Le 3bis abrita plusieurs hôtes illustres. Le plus proche de nous est Albert Brasseur (1862-1932) non pas le père de Pierre Brasseur comme l'affirment certains sites dont celui des rues de Paris. Il est vrai qu'il fut lui aussi comédien et chanteur d'opérette. De son vrai nom Albert Jules Dumont il fut apprécié pour son humour et sa décontraction.

                   Albert Brasseur, Ménélas dans "La Belle Hélène".

 

 

     Un autre habitant célèbre de l'immeuble fut le journaliste et écrivain Aurélien Scholl (1833-1902). Un homme plein d'esprit et de mordant qui aimait dans ses chroniques souligner les travers de ses contemporains. On l'appelait "le chroniqueur étincelant"!

Il créa des journaux, participa à "la Justice" de Clémenceau avec qui il avait alors en commun des idées et une maîtresse, l'actrice Léonide Leblanc qui n'en était pas à un amant près puisqu'elle avait accroché à son tableau de chasse le Prince Napoléon et surtout le Duc d'Aumale qui lui offrit une fortune et lui resta fidèle dans la vieillesse. 

 

Scholl changea de bord avec la Commune dont il fut un adversaire haineux, capable de dénoncer Lavalette, mari de la sœur de sa femme. Il est tombé dans les oubliettes malgré son humour vachard et parfois absurde….

Pour Sarah Bernhardt qu'il n'aimait pas, il écrivit :

-Un fiacre vide s'arrête devant le théâtre; Sarah Bernhardt en descend.

Rue La Bruyère. Première partie. Du 1 au 11. Osiris. Lévy Dhurmer. Desbordes Valmore...

Autres citations :

-Il fut un temps où les bêtes parlaient; maintenant elles écrivent.

-Non je ne crains pas la mort. Seulement je trouve que la Providence a mal arrangé les choses. Ainsi je préférerais de beaucoup qu'on enterre mon âme et que ce soit mon corps qui soit immortel"

-Voyons si Dieu n'existait pas comment aurait-il eu un fils?

Medusa (Lévy-Dhurmer) Musée d'Orsay

Medusa (Lévy-Dhurmer) Musée d'Orsay

     Le 3ème homme du 3bis fut un peintre de grand talent : Lévy-Dhurmer (1865-1953). En artiste curieux de différentes formes de création il se consacra pendant des années à la céramique. Quand il privilégia la peinture, c'est vers le symbolisme qu'il se tourna.

                              Rodenbach (Lévy-Dhurmer)

Il a été proche de Rodenbach dont il peignit le portrait le plus connu et de Pierre Loti qui le complimenta en affirmant que c'était la seule image de lui qui resterait.

                              Pierre Loti (Lévy-Dhurmer)

     Le 5 est l'adresse du théâtre La Bruyère qui était à l'origine une salle de conférence reprise en 1943 par de jeunes comédiens pour être transformée en théâtre.

Le succès de Robert Dhéry et de ses "Branquignols" en fit une salle branchée qui programma Audiberti puis les dramaturges anglo-saxons. Le théâtre collectionne depuis les Molière! 

Le 8

Le 8

     Au 8 a vécu avec sa famille, pendant deux ans une des grandes poétesses françaises : Marceline Desbordes Valmore (1786-1859).

 

     C'est alors qu'ils revenaient ruinés d'Italie que les Valmore choisirent cet appartement relativement modeste. Ils y restèrent jusqu'en 1840  avec leurs enfants dont Ondine qui est sans doute la fille de l'amant de Marceline, Henri Latouche,  présent comme une ombre discrète et blessée dans son oeuvre.

Cet acteur et écrivain fut sa grande passion. Il resta en relation (au moins épistolaire) avec elle pendant une trentaine d'années.

Médaillon de Latouche par David d'Angers, daté de l'année de sa mort, 1851.

Marceline Desbordes Valmore publia pendant les années de la rue La Bruyère un roman "Violette" et un recueil de poésies "Pauvres Fleurs".

    Verlaine la tient pour une poétesse novatrice et sensible, Baudelaire écrit qu'elle est "une âme d'élite qui est et sera toujours un grand poète", enfin Sainte Beuve écrit le plus beau compliment, hommage à son naturel et sa sensibilité : "Elle a chanté comme l'oiseau chante"

Marceline Desbordes Valmore par Antoine Carrière (1823)

Marceline Desbordes Valmore par Antoine Carrière (1823)

Qu'en avez-vous fait?  (Pauvres Fleurs)

 

 

Vous aviez mon cœur,

Moi j'avais le vôtre :

Un cœur pour un cœur ;

Bonheur pour bonheur!

 

Le vôtre est rendu,

Je n'en ai plus d'autre,

Le vôtre est rendu,

Le mien est perdu!

(…)

Savez-vous qu'un jour

L'homme est seul au monde?

Savez-vous qu'un jour

Il revoit l'amour?

 

Vous appellerez,

Sans qu'on vous réponde;

Vous appellerez,

Et vous songerez!...

 

Vous viendrez rêvant

Sonner à ma porte;

Ami comme avant,

Vous viendrez rêvant.

 

Et l'on vous dira :

"Personne! … elle est morte."

On vous le dira ;

Mais qui vous plaindra?

Le 9

Le 9

     Le 9 est un bel hôtel particulier néo-Renaissance. C'est celui où vivait Daniel Iffla, connu sous le nom d'Osiris.

Cinq hôtels de la rue La Bruyère lui appartenaient.

                               Etages supérieurs de l'hôtel Osiris, avec dans les sculptures du balcon supérieur le  "I" d'Iffla et le "O" d'Osiris.

 

      La vie de cet humaniste et mécène est faite de générosité et de dévouement. Jeté dans la vie active alors qu'il était encore adolescent, il réussit grâce à son intelligence des affaires. Il faudrait un volume pour détailler toutes ses donations. Notons qu'il fut le premier qui créa des "restos du cœur" ouverts aux hommes et femmes sans moyens… Il mit à la disposition du maire du IXème arrondissement ses cinq hôtels pour que soient accueillis les réfugiés pendant le siège de 1870… il légua sa fortune à l'Institut Pasteur qui put créer grâce à cette donation l'institut du radium où travaillera Marie Curie… Il légua à l'Etat son domaine viticole du bordelais afin que soit créée une école d'œnologie et de viticulture, l'école de la Tour blanche.. il légua toujours à l'Etat le château de la Malmaison… Bref! Quelle différence avec les richissimes privilégiés qui aujourd'hui n'ont de cesse de dénicher des paradis fiscaux et de se réfugier à l'étranger pour échapper à l'impôt de leur pays!

Cet homme-là était exceptionnel en tout. Amoureux fou de sa femme qu'il perdit alors qu'il n'avait qu'une trentaine d'années, il conserva intact le décor où elle avait vécu et il ne voulut jamais se remarier.

 

Sa tombe est une des plus spectaculaires du cimetière de Montmartre, surmontée d'un immense Moïse, réplique de celui de Michel Ange. Mais ce qui nous interpelle aujourd'hui c'est qu'Osiris dut se battre pendant plus de trente ans pour obtenir l'emplacement où il a été érigé. Juif assigné à la partie du cimetière réservée aux juifs, il tenait à reposer à la limite extrême, à côté de la partie chrétienne, afin d'être le plus près possible de sa femme comme il le lui avait promis.. Triste époque où les préjugés étaient si forts qu'ils empêchaient deux êtres qui s'étaient aimés de partager la même tombe! Et quelle ingratitude envers un homme qui avait tant donné à son pays! Il est vrai que nous sommes encore dans les miasmes de l'affaire Dreyfus qui empoisonna l'atmosphère pendant plus de 12 ans! 

Rue La Bruyère. Première partie. Du 1 au 11. Osiris. Lévy Dhurmer. Desbordes Valmore...

Heureusement, avant sa mort le mur fut détruit et les règles radicales des religions purent être contournées.

Aujourd'hui le couple et ses enfants morts nés vit  dans la même terre son éternité temporaire.

Rue La Bruyère. Première partie. Du 1 au 11. Osiris. Lévy Dhurmer. Desbordes Valmore...

"J'ai lutté avec mon cœur de mari. Je suis arrivé après 33 ans de luttes de toute sorte à occuper définitivement et perpétuellement le terrain qu'elle avait désigné. Je viens de reconnaître ma place. C'est à ses pieds que je dormirai de mon dernier sommeil"

Le 11.

Le 11.

    Au 11 a vécu plusieurs années Adolphe Tavernier, journaliste (au Gil Blas, à l'Evènement) et… escrimeur! Il a écrit un livre préfacé par Aurélien Scholl : "L'art du duel".

Rue La Bruyère. Première partie. Du 1 au 11. Osiris. Lévy Dhurmer. Desbordes Valmore...

     Mais ce qui le caractérise mieux que le fleuret c'est son goût très sûr pour la peinture de son temps et pour son amitié indéfectible avec Sisley dont il collectionna les toiles.

Première neige à Veneux-Nadon (Sisley). Toile ayant appartenu à Adolphe Tavernier.

Première neige à Veneux-Nadon (Sisley). Toile ayant appartenu à Adolphe Tavernier.

     Il ne s'en sépara qu'à contre cœur quand il quitta Montmartre pour acheter un vaste appartement dans le XVIème arrondissement!

Meule de paille en octobre (Sisley)

Meule de paille en octobre (Sisley)

    Nous faisons halte à ce niveau de la rue dont nous reprendrons la visite après avoir admiré quelques Sisley qui appartenaient à Tavernier!

(à suivre…)

                                 L'inondation (Sisley)

Maisons au bord du Loing (Sisley)

Maisons au bord du Loing (Sisley)

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Rue de l'abreuvoir

Rue de l'abreuvoir

 Le 4 rue de l'abreuvoir (2019)

Le 4 rue de l'abreuvoir (2019)

Le 4 (1930)

Le 4 (1930)

     Au début de la rue de l'abreuvoir, séparée de la maison rose par un seul immeuble, une maison à l'architecture composite attire l'attention des passants. Il s'agit de la maison des aigles.

La maison des aigles. 4 rue de l'abreuvoir. Henry Lachouque.

     Sur les photos du début du XXème siècle, elle n'existe pas encore. Elle n'a pas encore remplacé une modeste demeure villageoise dont un mur pignon donnait sur la rue et dont les pierres auraient été réutilisées dans la nouvelle construction.

(On peut voir sur la carte ci-dessus, un peu avant le personnage, la vieille maison et son mur pignon).

La maison des aigles. 4 rue de l'abreuvoir. Henry Lachouque.

     Il faut attendre 1924 pour voir la maison des aigles nidifier sur la Butte.

La maison des aigles. 4 rue de l'abreuvoir. Henry Lachouque.

     De style rustique et composite, elle serait si l'on en croit André Roussard,  grand érudit montmartrois malheureusement décédé, l'œuvre de Joseph de la Nézière. (Dictionnaire des lieux de Montmartre. Editions andré Roussard).

     Je ne sais qu'en penser pour la bonne raison que Joseph de La Nézière (1873-1944) n'était pas architecte mais peintre, intéressé non par Montmartre mais par les pays du Maghreb où il résida souvent et pour lesquels il créa de nombreuses affiches. Peut-être a t-il dessiné cette maison avant qu'un architecte ne la réalise? 

La maison des aigles. 4 rue de l'abreuvoir. Henry Lachouque.

     Mais pour qui a t-elle été construite ? La réponse est plus facile, une plaque apposée sur la façade nous renseigne!

 

Elle fut la demeure du "commandant Henry Lachouque, historien de Napoléon et de la Grande armée (1883-1971)".

La maison des aigles. 4 rue de l'abreuvoir. Henry Lachouque.

     Lachouque? Le touriste restera dubitatif, comme je le fus devant cet illustre commandant. Napoléon éveillera sans doute plus de clignotants dans sa cervelle.

La maison des aigles. 4 rue de l'abreuvoir. Henry Lachouque.

     Le commandant fut pourtant un historien passionné par Napoléon.

Il fut formé à Saint-Cyr, promotion Austerlitz (!) et combattit pendant la 1ère guerre avec les gants blancs et le casoar. Il fut blessé en 1914 à la bataille de la Marne et dut quitter l'armée. 

La maison des aigles. 4 rue de l'abreuvoir. Henry Lachouque.

     Les toqués de Napoléon qui comme on sait rendit fous de nombreux de ses fans, le connaissent bien sûr et ont dévoré la quinzaine de livres qu'il consacra au grand homme et à son armée.

   

     Il fonda l'Association des amis de Sainte-Hélène, il fit restaurer la fameuse maison de Longwood où l'empereur déchu passa ses dernières années, il fut enfin conservateur pendant dix ans du musée de la Malmaison. Une vie consacrée à Napoléon!

La Malmaison

La Malmaison

    Cette passion a envahi la maison des aigles. Les pièces abritaient un musée de souvenirs napoléoniens, d'objets divers ayant appartenu à Napoléon, à Joséphine ou aux princes impériaux.

La maison des aigles. 4 rue de l'abreuvoir. Henry Lachouque.

     L'extérieur n'est pas en reste! L'entrée est surveillée par deux aigles prêts à fondre sur leur proie. Ils ont donné son nom à la maison.

 

On retrouve l'aigle impériale sur l'enseigne qui se balance au vent….

 

   Une des curiosités de la maison est le cadran solaire, un des plus photographiés de France et de Navarre.

Ce n'est pas un aigle mais un coq (dessiné par Henry Lachouque lui-même) qui s'exprime...

    Il s'adresse au campanile du Sacré-Cœur voisin et il lui dit qu'au moment où il fera sonner ses cloches pour les Laudes matinales, il l'accompagnera de son chant.

Le campanile du Sacré-Coeur vu de la rue de l'abreuvoir et de la maison des aigles. 

    Et voilà ce qu'on peut dire de cette maison qui suscite l'intérêt des passants!

Notons que Henry lachouque, reconnu comme spécialiste sérieux de l'Empire fut sollicité à plusieurs reprises pour donner des conseils à des cinéastes dont les films se situaient à cette époque.  

La maison des aigles. 4 rue de l'abreuvoir. Henry Lachouque.

    J'ai oublié un détail intrigant. La phrase prononcée par le coq comporte une curiosité.

 

    Le "N" de "quand" est écrit à l'envers, comme une lettre de l'alphabet cyrillique.

Est-ce une allusion à la désastreuse campagne de Russie? 

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