Il est avec le chenal d'Arceau, le plus beau des chenaux ostréicoles de l'île d'Oléron (donc de France!)
Il est le plus long de l'île avec ses 1500 mètres depuis le pertuis de Maumusson.
Il fait partie de l'histoire de l'ostréiculture.
Il se développe dès le début du XIXème siècle en même temps que l'engouement pour les mollusques bivalves qui gagne la société des gourmets.
A Paris s'ouvrent des restaurants spécialisés fréquentés par les bourgeois triomphants comme par les gens de lettres. Parmi les grands hommes qui ont contribué à cette mode, citons Balzac qui après avoir écrit un roman se précipitait au restaurant et réclamait "un cent d'huîtres" et quatre bouteilles de vin blanc avant de poursuivre son repas!
Mais la plus grande extension date de 1865 avec l'établissement fondé sur le chenal par un certain Roussel.
C'est son successeur, Emile Tricard qui en assure le plus grand succès avant d'en confier la conduite à son neveu, Fernand Baudrier.
Le chenal est alors le plus important de toute la France.
Voilà pourquoi, pour que ne s'efface pas la mémoire de ces deux entrepreneurs, des panneaux ont été installés, depuis le pont d'Ors jusqu'au pertuis pour que le visiteur se cultive avant de passer à table.
Le chemin Tricard et Baudrier rappelle la glorieuse histoire de l'ostréiculture locale. Plus de cent personnes travaillaient sur le chenal à l'année, plus de cinq cents saisonniers pour le ramassage des huîtres et leur détroquage.
Le pont n'existait pas et ce sont des bateaux (2 à vapeur et 3 à voiles) qui se chargeaient de la livraison.
Parmi les innovations apportées à ce commerce par Tricard et Baudrier, figure la fiche de salubrité collée sur les bourriches. Elle donnait des indications de date et d'origine.
L'établssement avait compris l'importance de la publicité et menait des campagnes avec affichage (on parlait alors de "réclame") à Paris où vivaient la majorité des amateurs.
Par ailleurs, sur le plan social, elle avait une politique, généreuse pour l'époque, puisqu'elle assurait le transport de ses employés qui vivaient parfois à des kilomètres du chenal. N'oublions pas qu'Oléron est la plus grande île de France méridionale, après la Corse!
Bien avant son temps, elle voulut intéresser ses employés aux bénéfices réalisés. Bonne initiative quand on songe à la modestie des "salaires".
Aujourd'hui le chenal reste très actif et il offre au touriste l'occasion de rencontrer les authentiques indigènes de l'île, loin des plages réservées aux baignassoutes comme on les nomme perfidement ici.
J'ai pris ces quelques photos en septembre 20018... qu'elles vous invitent à la balade le long du chemin Tricard et Baudrier et vous donnent envie d'ouvrir sans vous estropier quelques huîtres aux couleurs d'océan et d'opale. (envolée lyrique écrite par quelqu'un qui n'a jamais pu avaler une seule huître à la seule idée qu'elle était vivante!)
Quand le chemin de fer fut construit sur l'île, la petite gare d'Ors eut son utilité….
La gare voisine de la Chevalerie, à quelques mètres du chenal a été restaurée et, portes ouvertes, elle informe sur le chemin de fer oléronais, le touriste ou le cycliste qui peut la traverser sans quitter la piste!
Une dernière curiosité du chenal d'Ors….
Un endroit d'art brut, de créativité foutraque, de poésie sans rime ni raison, c'est le repaire du "Marginal" où rien ne se jette, rien ne rouille inutilement, où tout participe à l'élaboration d'un univers à la facteur Cheval, façon marais et ostréiculture!
Il n'est pas étonnant que ce chenal mouvant aux rives incertaines, avec ses mouvements de marée qui en font une lagune où glissent les bateaux ou qui le transforment en paysage désolé envahi par la vase suscite de telles divagations…
C'est un des endroits de Paris qui a retrouvé son charme depuis que la place a été agrandie avec la disparition d'une voie le long des immeubles qui ne laissait aux piétons qu'un terre-plein triangulaire, une île entre les voitures!
Partout où l'on rend la ville aux piétons, la vie revient avec l'envie de flâner ….
Comme la rue de Navarin, la rue Henry Monnier et la rue Clauzel qui l'encadrent, la place date de l'époque romantique, 1830, quand le "Sieur Bréda" obtint la permission de lotir les terrains qu'il possédait. La place s'appela alors Place Bréda.
En 1905, elle "disparut" pour faire partie de la rue Henry Monnier. Ce n'est qu'en 1954 qu'elle redevint "place" et qu'elle prit le nom de Gustave Toudouze.
Gustave Toudouze
Le prénom "Gustave" a été précisé afin d'éviter la confusion avec un autre Toudouze, Georges, fils du premier, écrivain lui aussi qui a mis de la Bretagne dans de nombreux romans et qui était atteint de bretonite aigue, au point de militer dans le "Framm Ketiek Breizh" mouvement indépendantiste soutenu pendant la guerre par les nazis.
Maison des Goncourt à Auteuil.
Gustave, lui, était très parisien; il avait pour amis Zola et Alexandre Dumas fils et il était assidu aux "dimanches" de Flaubert comme il aimait participer au "grenier" des frères Goncourt après qu'ils eurent quitté la rue Saint-Georges voisine pour s'installer à Auteuil. On sait que dans ce "grenier" aménagé pour recevoir les amis écrivains, est née la future Académie qui porte leur nom.
Camaret. Quai Gustave Toudouze.
… Gustave quittait parfois Paris pour passer des vacances à Camaret, charmant port de pêche dont le curé est resté fort célèbre .
La numérotation de la place comptait 4 numéros, du 2 au 8. On constate qu'elle s'est inversée, le 8 faisant aujourd'hui partie du 2 comme on peut le voir sur cette photo de bougnat. Le commerce faisait transition sur un pan coupé, entre la rue Clauzel et la place.
Aujourd'hui, le no stress l'a remplacé et a effacé le petit Africain de ses panneaux qui n'est pas sans rappeler le "Y'a bon Banania" de la publicité de l'époque.
Le 2.
Le 4, seul immeuble classé, représentatif de la belle architecture de la première moitié du XIXème siècle (1839) est aussi le seul à nous raconter une histoire.
Celle des 400 coups, le film de Truffaut où le jeune Antoine vit chez sa mère et son beau père dans cet immeuble.
Les liens de Truffaut avec le quartier sont étroits. Il passa une partie de sa jeunesse, à 50 mètres de la place, 33 rue de Navarin.
33 rue de Navarin
Ses grands- parents Jean et Geneviève de Montferrand habitaient rue Henry Monnier… au 21
21 rue Henry Monnier
Le jeune Antoine (Léaud) et sa mère (Claire Maurier). Les 400 coups.
Le dernier immeuble qui a pour adresse la place Toudouze est le 6.
Il n'y a, du 2 au 6 que des restaurants adaptés à ce quartier recherché pour son image culturelle et branchée…
Il convient de mentionner la fontaine Wallace et son filet d'eau fraîche qui coule entre les cariatides de bronze. On sait que ces fontaines sont un don de Richard Wallace, Anglais amoureux de Paris, horrifié par la condition des habitants de Montmartre privés d'eau pendant le siège de Paris et la Commune.
Richard Wallace en fontaine. Caricature de Lafosse.
D'autres enfants jouent sur la place comme le fit sans doute le jeune François Truffaut. Souhaitons qu'il y ait parmi eux un futur cinéaste de son acabit!
Premier portrait de Victorine Meurent par Manet (1862). Museum of fine arts, Boston.
Elle a vécu dans le quartier de la Nouvelle Athènes, rue Bréda (aujourd'hui Henry Monnier) où elle inspira quelques grands peintres avant de réaliser son rêve d'adolescente : devenir peintre elle-même dans un monde qui laissait peu de place aux femmes.
Victorine Louise Meurent (1844-1927) est connue dans le monde entier grâce à deux chefs d'œuvre qui ont marqué l'histoire de l'art : "Le Déjeuner sur l'Herbe" et "Olympia" de Manet. Deux tableaux où elle posa nue et qui eurent un retentissant succès de scandale!
Les réactions outrées devant le "Déjeuner sur 'herbe" amusent aujourd'hui et prouvent que Manet avait vu juste en reprenant un thème classique et le modernisant. Il était sûr alors de choquer le bourgeois qui se repaissait de nus mythologiques grâce à l'alibi culturel!
Victorine Meurent est assise, nue, et regarde avec aplomb le spectateur tandis qu'à l'arrière-plan, un autre modèle, Alexandrine-Gabrielle Meley, représente une femme qui s'apprête à se soulager. Cette Alexandrine deviendra Madame Zola, épouse fidèle et tolérante de son écrivain de mari.
Olympia (Manet)
Avec Olympia, tableau peint la même année mais exposé en 1865, le scandale fut plus grand encore. Les critiques ne reconnurent pas, comme pour le Déjeuner l'œuvre dont Manet s'était inspiré. Ils ne virent qu'une prostituée prête à recevoir l'homme qui lui envoie des fleurs. "Elle n'est pas jolie" dirent-ils! "C'est une cocotte dans toute sa vulgarité." Eh oui! pas d'alibi mythologique ou historique mais une femme de chair et d'os, une femme réelle qui a un nom réel : Victorine Meurent!
Bien que la vie du célèbre modèle ait été romancée par des écrivains, américains pour la plupart, on ne connaît pas grand chose de sa jeunesse, sinon qu'elle est née à Paris dans une famille modeste, son père étant brunisseur de bronze et sa mère modéliste.
Etude de Victorine Meurent (Stevens)
A 16 ans, elle travaille comme modèle dans l'atelier de Thomas Couture puis dans celui d'Alfred Stevens qui aurait été son amant. Le peintre belge la représente à plusieurs reprises.
Le sphinx parisien (Stevens) 1867
Deux de ses tableaux sont connus sous le même nom de "sphinx parisien". Le premier est peint en 1867 et le second en 1870 pendant la Commune de Paris.
Le sphinx parisien (Stevens 1870)
Peu importe qu'elle ait été ou non la maîtresse de Stevens, comme on prétend qu'elle le fut de Manet, il y eut en réalité entre elle et lui une forte relation qui resta amicale et attentive bien après que Victorine eut cessé de poser.
Alfred Stevens
Le peintre habitait un petit hôtel particulier rue Victor Massé, immeuble qui allait devenir célèbre en abritant le 2ème Chat Noir.
12 rue Victor Massé
Victorine vivait à deux cents mètres de là, 25 rue Bréda dans un petit immeuble qui a été détruit pour être remplacé par un opulent immeuble de style 1900 bourgeois, orné d'amours joueurs.
25 rue Henry Monnier (emplacement du 25 rue Bréda où vécut Victorine Meurent)
On admet en général que c'est dans l'atelier de Stevens qu'elle rencontra Manet et que le peintre belge proposa à son ami de la choisir pour modèle. Ce qui convenait à Manet à la recherche de figures féminines naturelles et non stéréotypées. Il ne fut pas arrêté par sa petite taille et son manque de rondeurs qui lui valurent d'être surnommée 'la crevette".
Edouard Manet
Manet l'apprécia et la représenta sur plusieurs toiles (outre le Déjeuner et Olympia). La première toile où elle apparaît, elle pose pour lui dans l'atelier de Stevens costumée avec des déguisements entreposés là par une troupe de théâtre madrilène de passage à Paris. Il s'agit de "Mlle V. en costume d'Espada" (1862).
Etrange tableau où la femme est tournée vers le spectateur, son épée pointée vers le vide, alors que le combat se déroule à l'arrière-plan. Elle attend le moment où le picador aura fait son sale boulot et affaibli la bête que le torero n'aura plus qu'à exciter une dernière fois avec sa muleta et à achever avec son épée.
Vous voulez du sang, vous allez en avoir! C'est ce que semble dire la femme en noir, comme pour inviter le spectateur à prendre la place du taureau!
La chanteuse de rue. (Musée des Beaux Arts de Boston)
La même année 1862, toujours chez Stevens, Manet peint "La chanteuse de rue". Il aurait eu l'intention de faire poser une artiste de cabaret qu'il avait croisée quittant la nuit l'établissement où elle travaillait. Elle aurait refusé sa proposition et il se serait écrié, cachant sa déconvenue : "Peu importe, j'ai Victorine!"
C'est une œuvre forte, un moment de vie, un mouvement saisi et arrêté… La femme sort du cabaret, la guitare sous le bras, des cerises tenues dans l'angle du coude. Son visage est blanc, inexpressif. Il fait penser à un visage de madone qui tiendrait non pas un enfant mais une guitare et des cerises. La figure est à la fois hiératique et instable, la robe soulevée laissant apparaître le jupon.
En 1866, Manet peint "la Femme au perroquet", une de ses plus belles œuvres. Victorine Meurent dans un déshabillé rose se tient debout, hiératique et triste à côté d'un perroquet gris sur un perchoir.
Une fois encore la référence à la Vierge est présente. On songe à la Vierge de Van Eyck qui tient, comme le modèle de Manet un bouquet de violettes à côté d'un perroquet.
Détail de Van Eyck.
La lecture. Manet (1865). Suzanne Manet (Leenhof).
Dans les mêmes années, Manet travaille avec d'autres modèles, et l'un d'eux, Suzanne Leenhof devient sa concubine puis son épouse (1863). Comme celle qu' a choisie Zola, elle a toutes les qualités: égalité d'humeur, tolérance, acceptation des infidélités de son mari!
Cependant c'est bien Victorine qui est la principale inspiratrice du peintre dans ces années déterminantes.
Le Chemin de fer (1870)
En 1870, Manet peint pour la dernière fois celle qui a participé à plusieurs de ses chefs d'œuvre. Il s'agit du "Chemin de fer". C'est un adieu à la femme qui l'a inspiré et qu'il a sans doute aimée. Elle est habillée en bourgeoise et tient sur les genoux un petit chien endormi, bien différent du chat étonné et sensuel d'Olympia. La grille barre le tableau. L'avenir est de l'autre côté, dans la direction des fumées du train que regarde l'enfant. Cet autre côté où va s'éloigner Victorine qui quitte Paris pour vivre quelques années aux Etats-Unis. Son regard une fois encore est tourné vers le spectateur qui est aussi le peintre. Comme sur un quai, on regarde aussi longtemps que possible celui que l'on quitte.
Victorine Meurent passe plusieurs années loin de la France. Il y a peu de traces de son séjour aux Etats Unis et de ce qu'elle y fit. Le mystère qui entoure cet épisode de sa vie a inspiré des écrivains américains qui ont tenté d'imaginer sa biographie. Parmi ces derniers, on peut citer Eurice Lipton, "Alias Olympia" (1992), Debra finerman, "Mademoiselle Victorine" (2007), V.R. Main "A woman with no clothes on" (2008)…. sans oublier l'écrivain irlandais George Moore qui fait d'elle un des personnages de son roman "Memoirs of my dead life" (1906) où elle vit une passion lesbienne avec un courtisane célèbre.
Dans l'atelier du peintre (Etienne Leroy)
De retour à Paris, Victorine qui avait observé pendant des années les peintres qui se servaient d'elles, se lance à son tour dans la peinture. Elle prend des cours à l'Académie Julian, dans l'atelier d'Etienne Leroy et commence à réaliser plusieurs œuvres.
Dans la Serre. (Manet) 1879
Le plus étonnant, elle voit un de ses autoportraits accepté au Salon de 1876 alors que Manet y est refusé!
Elle participera ainsi à quatre salons : en 1879 avec "Une bourgeoise de Nuremberg au XVIème siècle", en même temps que Manet qui est cette fois accepté avec "Dans la serre". Les deux toiles sont dans la même salle, celle des "M".
Artiste appréciée par la critique, elle prend sa place dans la vie artistique et elle fait partie en 1903 de la "Société des Artistes Français"
Malheureusement il est difficile aujourd'hui d'avoir une idée juste de son talent car la quasi totalité de ses œuvres ont disparu. On sait seulement qu'elle était classique, plus proche d'Ingres que de Manet. La seule toile qui subsiste, "Le jour des Rameaux", est aujourd'hui au musée de Colombes.
Si elle cesse de poser pour Manet qui s'est éloignée d'elle, elle le fait pour Norbert Goeneutte dont l'atelier est situé dans l'immeuble où elle habite, 21 rue Bréda.
Boulevard de Clichy (Norbert Goeneutte)
Victorine Meurent (Norbert Goeneutte) 1884.
Elle vit désormais librement ses amours féminines. Sa grande amie au début du XXème siècle est Marie Dufour, professeur de piano. Elles quittent Paris pour habiter dans un pavillon à Colombes. Victorine pour mieux gagner sa vie se spécialise dans la peinture d'animaux de compagnie qui était alors fort prisée de la bourgeoisie. Elle donne également des cours de guitare, instrument qu'elle n'a jamais quitté et dont elle jouait pour ses amis.
A la mort de Manet, elle écrivit à sa femme afin de réclamer un don que le peintre lui aurait promis. En effet, comme il ne payait pas cher ses séances de pose, il lui aurait dit à plusieurs reprises que si un jour les toiles où elle était présente avaient du succès et se vendaient bien, elle recevrait une juste rétribution en signe de reconnaissance. Elle ne reçut aucune réponse de la veuve...
Sans doute voulait-elle en recevant ce cadeau avoir l'impression d'être associée au-delà de la mort, à celui dont le génie avait utilisé son corps, son visage, son regard qui pour toujours nous interpelle.