Au début de la rue de l'abreuvoir, séparée de la maison rose par un seul immeuble, une maison à l'architecture composite attire l'attention des passants. Il s'agit de la maison des aigles.
Sur les photos du début du XXème siècle, elle n'existe pas encore. Elle n'a pas encore remplacé une modeste demeure villageoise dont un mur pignon donnait sur la rue et dont les pierres auraient été réutilisées dans la nouvelle construction.
(On peut voir sur la carte ci-dessus, un peu avant le personnage, la vieille maison et son mur pignon).
Il faut attendre 1924 pour voir la maison des aigles nidifier sur la Butte.
De style rustique et composite, elle serait si l'on en croit André Roussard, grand érudit montmartrois malheureusement décédé, l'œuvre de Joseph de la Nézière. (Dictionnaire des lieux de Montmartre. Editions andré Roussard).
Je ne sais qu'en penser pour la bonne raison que Joseph de La Nézière (1873-1944) n'était pas architecte mais peintre, intéressé non par Montmartre mais par les pays du Maghreb où il résida souvent et pour lesquels il créa de nombreuses affiches. Peut-être a t-il dessiné cette maison avant qu'un architecte ne la réalise?
Mais pour qui a t-elle été construite ? La réponse est plus facile, une plaque apposée sur la façade nous renseigne!
Elle fut la demeure du "commandant Henry Lachouque, historien de Napoléon et de la Grande armée (1883-1971)".
Lachouque? Le touriste restera dubitatif, comme je le fus devant cet illustre commandant. Napoléon éveillera sans doute plus de clignotants dans sa cervelle.
Le commandant fut pourtant un historien passionné par Napoléon.
Il fut formé à Saint-Cyr, promotion Austerlitz (!) et combattit pendant la 1ère guerre avec les gants blancs et le casoar. Il fut blessé en 1914 à la bataille de la Marne et dut quitter l'armée.
Les toqués de Napoléon qui comme on sait rendit fous de nombreux de ses fans, le connaissent bien sûr et ont dévoré la quinzaine de livres qu'il consacra au grand homme et à son armée.
Il fonda l'Association des amis de Sainte-Hélène, il fit restaurer la fameuse maison de Longwood où l'empereur déchu passa ses dernières années, il fut enfin conservateur pendant dix ans du musée de la Malmaison. Une vie consacrée à Napoléon!
Cette passion a envahi la maison des aigles. Les pièces abritaient un musée de souvenirs napoléoniens, d'objets divers ayant appartenu à Napoléon, à Joséphine ou aux princes impériaux.
L'extérieur n'est pas en reste! L'entrée est surveillée par deux aigles prêts à fondre sur leur proie. Ils ont donné son nom à la maison.
On retrouve l'aigle impériale sur l'enseigne qui se balance au vent….
Une des curiosités de la maison est le cadran solaire, un des plus photographiés de France et de Navarre.
Ce n'est pas un aigle mais un coq (dessiné par Henry Lachouque lui-même) qui s'exprime...
Il s'adresse au campanile du Sacré-Cœur voisin et il lui dit qu'au moment où il fera sonner ses cloches pour les Laudes matinales, il l'accompagnera de son chant.
Le campanile du Sacré-Coeur vu de la rue de l'abreuvoir et de la maison des aigles.
Et voilà ce qu'on peut dire de cette maison qui suscite l'intérêt des passants!
Notons que Henry lachouque, reconnu comme spécialiste sérieux de l'Empire fut sollicité à plusieurs reprises pour donner des conseils à des cinéastes dont les films se situaient à cette époque.
J'ai oublié un détail intrigant. La phrase prononcée par le coq comporte une curiosité.
Le "N" de "quand" est écrit à l'envers, comme une lettre de l'alphabet cyrillique.
Est-ce une allusion à la désastreuse campagne de Russie?