Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Montmartre secret

Montmartre secret

Pour les Amoureux de Montmartre sans oublier les voyages lointains, l'île d'Oléron, les chats de tous les jours. Pour les amis inconnus et les poètes.

Publié le par chriswac
Fragments de figure à l'ensemble des plans (1927)

Fragments de figure à l'ensemble des plans (1927)

OTTO FREUNDLICH. Musée de Montmartre. Un grand peintre humaniste.

    Si vous voulez des couleurs et de la vie dans ces jours gris où rôde covid-19  à l'affût de ses proies, alors montez vite au sommet de la Butte, là où l'air est plus léger et où le musée de Montmartre accueille un des peintres les plus novateurs, les plus humanistes du XXème siècle.

                                                Composition (1935)

OTTO FREUNDLICH. Musée de Montmartre. Un grand peintre humaniste.

    Je devrais dire de la première moitié du siècle car le 4 mars 1943, le convoi 50 parti de Drancy, l'a emmené loin de France, en Pologne, à Sobibor où il a été assassiné dès son arrivée le 9 mars.

Les Signes

Les Signes

OTTO FREUNDLICH. Musée de Montmartre. Un grand peintre humaniste.

     C'est en juillet 1878 que vient au monde, dans une famille protestante d'origine juive Otto Freundlich.

La ville natale de Freundlich, Stolp (aujourd'hui Slupsk en Pologne) après bombardements de 1945.

       La ville prussienne où il est né se trouve aujourd'hui en Pologne. Dans ce même pays où il sera assassiné par les  Allemands. Dès le début de sa vie plane l'ombre de la mort car sa mère meurt une année après sa naissance.

Freundlich et Kandinsky à Paris

Freundlich et Kandinsky à Paris

     Il entreprend des études à Berlin mais c'est à Munich qu'il rencontre deux hommes qui vont avoir une importance dans sa vie d'artiste : Kandinsky et Klee. Il a déjà commencé à peindre et à sculpter quand il vient à Paris où il va trouver son véritable chemin.

Le Bateau-Lavoir en 1907

Le Bateau-Lavoir en 1907

     Il loue un atelier au Bateau-Lavoir, place Emile Goudeau où vit et crée depuis quatre ans Picasso. avec qui il sympathise. C'est là qu'il rencontre Max Jacob, Braque, Uhde...

"Il fut immédiatement accueilli au sein du groupe d'artistes qui habitaient les lieux… La douceur rêveuse, extatique même de son visage, attestait chez lui une générosité native et une tendresse qui nous séduisirent tous." (Maurice Raynal)

OTTO FREUNDLICH. Musée de Montmartre. Un grand peintre humaniste.

     En mars 1911, il quitte le Bateau-Lavoir pour s'installer non loin de là, 55 rue des Abbesses. Il peint alors de grandes toiles qui manifestent son évolution vers l'abstraction et non vers le cubisme qui avec Braque influençait de nombreux artistes. C'est dans cet atelier qu'il peint sa première œuvre abstraite : Composition (1911) aujourd'hui au Musée d'Art Moderne de Paris.

 

  Son séjour montmartrois est capital. Montmartre est le lieu de sa mutation et de sa réflexion décisive :

"J'ai débuté en peinture, indépendamment de toute école, en utilisant des surfaces colorées, claires et purement constructives, sans éléments naturalistes ou impressionnistes, et je suis resté fidèle à cette technique depuis 1908."

Femme allongée (vitrail 1924)

Femme allongée (vitrail 1924)

     En 1914, il fait un séjour à Chartres dans l'atelier de restauration des vitraux dans la tour nord de la cathédrale. C'est un moment essentiel pour lui. Il trouve dans l'art du vitrail, outre la spiritualité, l'architecture de Cézanne et les couleurs de Van Gogh.

                                                Composition (vitrail 1919)

"J'ai été pendant cinq mois prisonnier du monde à Chartres et j'en suis ressorti marqué pour toujours."

                                              Composition (vitrail 1934)

     De retour en Allemagne  ses convictions socialistes et pacifistes après la boucherie de la guerre le conduisent à adhérer au dadaïsme allemand, plus engagé que le dadaïsme français. Il connaît alors Rosa Luxembourg et Walter Benjamin. 

Otto Freundlich par Otto Dix (1923)

Otto Freundlich par Otto Dix (1923)

     En 1925 il revient en France où il choisit de vivre.

                                               Composition (1924)

    Il tente d'obtenir  la nationalité française avec le soutien de Braque. Mais sa demande est refusée. Si elle avait été acceptée sans doute lui aurait-elle permis d'échapper à son arrestation sur exigence des Nazis qui voulait "récupérer" leurs ressortissants exilés, Juifs ou non. (conformément au traité de 1938).

Il refera sa demande, dans l'urgence, avec sa compagne, en 1940 : …"Que nous puissions acquérir au plus tôt la nationalité française à laquelle nous tenons tous les deux de tout notre cœur".

     

Montmartre est passé de mode et ce n'est plus sur notre Butte que vit Otto Freundlich.

Il fonde une académie "le Mur" dans son atelier de la rue Henri-Barbusse dans le quartier latin.

Composition  (1939)

Composition (1939)

     1937 est une année terrible en Allemagne où est organisée l'exposition de l'Art Dégénéré.

C'est une sculpture de Freundlich qui illustre la page de couverture du catalogue tandis que ses œuvres sont décrochées des musées allemand pour être détruites.

OTTO FREUNDLICH. Musée de Montmartre. Un grand peintre humaniste.

"De telles œuvres, louées par les Juifs comme étant de l'art, ont été détruites dans le troisième Reich." (Volkischer Beobachter, 26 février 1938)

Hommage aux peuples de couleur

Hommage aux peuples de couleur

     En 1938, une exposition est organisée pour ses 60 ans à la galerie Bucher-Mirbor. De nombreux artistes dont Picasso, Arp, Braque, Derain, Ernst, Gropius, Léger, les Delaunay émus par la pauvreté de Freundlich, signent une pétition pour que soient acquises par les musées des œuvres de l'artiste. "L'hommage aux peuples de couleur" entre à cette occasion dans les collections du Musée du jeu de Paume (aujourd'hui Centre Pompidou).

Composition (1933)

Composition (1933)

     En 1939, après sa participation à l'exposition des Réalités Nouvelles organisée par les Delaunay, commence le chemin de croix de Freundlich, l'homme de la fraternité et de l'humanité.

 

Il est arrêté, interné de camp en camp avant d'être libéré et de fuir Paris avec Jeanne Kosnick-Kloss, la femme avec qui il partage ses convictions, ses couleurs, ses jours.

Composition (1939)

Composition (1939)

     Ils se réfugient tous deux dans les Pyrénées orientales, à St-Paul de Fenouillet, tout en multipliant les démarches pour obtenir sans succès d'émigrer aux Etats-Unis.

C'est la période où il tente, comme un combat contre l'oubli, contre la haine et le vandalisme, de repeindre de mémoire certaines œuvres détruites dans les bûchers nazis.

                             Composition avec trois figures (1911, recréé en 1941)

    

 

     Il continue d'avoir foi en l'avenir fraternel. Ses compositions savamment composées font vibrer la lumière en juxtaposant des formes et des couleurs. Ses toiles sont comme des vitraux dans une église où la lumière transfigurée toucherait les hommes. Il y a une telle harmonie, un tel bonheur dans ces toiles peintes dans une période d'angoisse que tout spectateur est touché sans ressentir le besoin de chercher un sens, une explication à l'œuvre qu'il regarde.

                                                 La rosace (1941)

     Pour plus de sécurité, le couple change de village et se réfugie à St-Martin de Fenouillet dans une famille de paysans. Le répit est de courte durée. Il est dénoncé par un de ces délateurs anonymes qui ne manquent  jamais pendant les guerres. 

                                             Séparé de Jeanne, il est interné au camp de Gurs. 

Il dicte à une infirmière de la Croix Rouge une lettre pour Jeanne :

"Ma chérie je t'embrasse avant de quitter cet endroit et j'espère que Dieu nous réunira bientôt, mais dans le cas d'un accident je te dis tous les remerciements et mon amour fidèle. Toutes mes œuvres de peinture et de sculpture restées à l'atelier de Paris t'appartiendront et je te prie de continuer ton travail d'artiste avec courage et confiance en Dieu.

Toujours ton Otto"

                         Atelier d'Otto Freundlich et Jeanne rue Henri-Barbusse

    Emmené à Drancy, il part pour la Pologne où il est assassiné dès son arrivée à Sobibor.

Avant de prendre le train de la SNCF, il rédige un dernier billet pour Jeanne :

"Mon cœur le plus chéri, je peux encore t'envoyer un adieu avant le départ du train. Je t'embrasse avec tout mon amour, que le ciel te protège et te donne de la force. Je t'aime et suis toujours auprès de toi. Ton Otto."

Composition inachevée (1940)

Composition inachevée (1940)

     Une toile est restée inachevée dans son atelier. Des pièces noires semblent prendre possession de la partie inférieure sans enlever au puzzle en formation sa force de vie et de vibration.

Mausolée de Sobibor

Mausolée de Sobibor

    A Sobibor un mausolée a été édifié, fait de sable mêlé aux cendres des crématoires. Des cendres peut-être de celui qui mettait de la couleur sur l'avenir et qui nous laisse des oeuvres de lumière comme ce dernier vitrail.

                                                      Vitrail (1941)

Ascension. Sculpture de Freundlich. Bronze 1929.

Ascension. Sculpture de Freundlich. Bronze 1929.

Commenter cet article

Archives

Articles récents

Hébergé par Overblog