Il s'est dépouillé
Il a donné tout ce qu'il avait
Et quand il n'avait plus rien la maladie est venue se servir
Et se repaître de sa mémoire
Un matin il s'est réveillé comme un enfant apeuré
Qui ne reconnaît rien autour de lui
Il y avait à la Faïencerie une artiste
Qui peignait chaque jour pour lui
Une aquarelle nouvelle
il y avait un de ses fils qui en retenant ses larmes
Prenait soin de lui avec des gestes de tendresse
Dont on imagine seules les mères capables
Il y avait une de ses filles qui s'étendait près de lui
Tenait sa main serrée dans la sienne et lui parlait sans fin
Et puis il y eut ce soir de novembre
La disparition dans la nuit
il y eut ce départ de Sceaux
Il y eut cette chute et cette ultime opération
Trois mois terribles
Trois mois de nudité et d'exil
Trois mois pendant lesquels les seuls mots qui venaient à ses lèvres
Etaient des remerciements pour ceux qui le soignaient
et des "je t'aime" pour ceux dont le nom émergeait de l'oubli
Il ne jouait plus le jeu
Il ne portait plus le masque
Il était loin de notre comédie et de nos mensonges
Il avait le visage de la pauvreté
Il avait le visage de l'humilité
Et c'est alors que vint se refléter sur lui un autre visage
Un visage de pauvre
Un visage d'humilié
Le visage du Christ
Liens :
Liste et liens des poèmes Alzheimer. Mon père.