Saint-Geniès est une de ces petites villes du Périgord Noir qui ont traversé les siècles et vivent à leur rythme indolent entre les pierres dorées de leur église et de leur château...
Sur une butte à quelques mètres de l'église, se dresse comme posée sur la courbe de la Terre, une petite chapelle gothique du XIVème siècle...
Edifiée par Gaubert de Chaminade, elle est modeste et sobre. Pas de sculptures, pas de clocheton, une maison de pierres qui se hausse un peu plus que les maisons civiles vers le ciel clair de Dordogne...
Poussez la porte de bois vermoulu et entrez dans sa lumière...
La chapelle désaffectée résonne du bruit de vos pas et les murs au fur et à mesure que votre regard s'adapte et s'applique, laissent émerger, venus du Moyen-Âge des fantômes pâlis...
La chapelle fut couverte de fresques en 1327. Les fresques ont perdu peu à peu leurs couleurs et leur dessin mais sont encore visibles, comme à travers les vitres embuées du temps.
Saint-Georges, vêtu en chevalier des Croisades terrasse toujours le dragon...
Sainte Catherine d'Alexandrie dont la légende se répandit en Occident à l'occasion des Croisades, est représentée en prière au moment de son supplice ordonné par l'empereur Romain Maximien. Des roues garnies de pointes doivent déchiqueter la Sainte mais elles se brisent sur son corps tandis que les picots de fer crèvent les yeux des tortionnaires.
Saint Marc protégé par son lion lève la main en signe de bénédiction. Est-il là lui aussi pour rappeler que la route des croisés passait de préférence par Venise, à l'ombre du lion perché sur la colonne de la place Saint-Marc?
Saint François, le poverello, le saint le plus attachant et le plus détaché... celui qui sans doute eût condamné les guerres religieuses. Il est là, mains ouvertes, marquées par les stigmates... Il attend peut-être que s'y perchent les oiseaux du Bon Dieu...
Je ne suis pas certain de l'identité de ce Saint guerrier qui brandit son épée. Est-ce Saint Michel, vénéré au Moyen-âge? Il paraît jeune et il se déhanche légèrement à la mode du XIVème siècle et des Vierges élégantes, les marioles, qui donnèrent leur nom à de moins recommandables énergumènes...
Saint Pierre brandit la clé du Paradis. Lui aussi se déhanche comme la plupart des personnages représentés sur les murs et qui, si différents de leurs prédécesseurs romans, hiératiques et éternels, semblent esquisser un pas de danse, un pas de "branle" peut-être ou de "tresque"...
Les autres peintures sont plus détériorées. On peut deviner ici la pesée des âmes. Un ange tient la balance. Dans les plateaux de petits personnages tentent de se faire aussi légers que possible...
Cette fresque figure sans doute le baptême du Christ que Jean le Baptiste bénit, tandis que la colombe de l'Esprit Saint descend à tire d'ailes sur l'homme-Dieu.
Les eaux du Jourdain ont disparu. Ne subsiste qu'un enduit de la couleur des roches. J'aime cette scène, cette Trinité qui me fait penser à l'icône de Roublev.
Sur le mur du fond, la Sainte Cène nous parvient comme à travers un brouillard.
C'est avec elle et son invitation au partage et à l'amour que je quitte la chapelle du Cheylard. Elle est sur la Terre, une maison préservée, un livre ouvert de poésie dont il manque des mots que vous devrez recréer. Si la Préhistoire a ses grottes peintes, Le XIVème siècle périgourdin a sa Chapelle du Cheylard, ouverte à tous, offerte à tous...
Liens:
Rocamadour. Fresques Annonciation et Visitation.
Chats de Dordogne. Petits poèmes.
Fontevraud. Fresques de Thomas Pot.
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