La rue Yvonne le Tac ne porte ce nom que depuis 1968. Sont-ce les événements de mai qui ont poussé les élus du quartier à débaptiser la rue Antoinette au profit d'Yvonne?
A sa création la rue s'appelait Marie-Antoinette, ce qui ne manque pas de sel lorsque l'on se rappelle que c'est à cet endroit que selon la tradition Saint-Denis a été décapité!
En tout cas Marie-Antoinette a été raccourcie en Antoinette pour qu'il n'y ait pas confusion entre la reine guillotinée et la fille d'un des propriétaires des terrains de l'Abbaye achetés à la Révolution. Car, une fois de plus c'est un propriétaire qui avait baptisé "sa" rue. Il faut croire qu'ils n'avaient que des filles les propriétaires montmartrois ! Berthe, Gabrielle, Antoinette....
Yvonne le Tac fut la directrice jusqu'en 1939, de l'école de filles, aujourd'hui collège, au n°7 de la rue.
Une classe de l'école de filles rue Antoinette
C'est en Bretagne qu'elle mena avec son mari et ses fils une action héroïque qui faillit lui coûter la vie puisqu'elle fut déportée à Mathausen puis à Ravensbruck et que par trois fois elle échappa à l'extermination.
On voit sur ces cartes de 1901 le début de la rue Antoinette.
Il y avait à l'angle avec la rue des Trois Frères une pharmacie aujourd'hui remplacée par une boutique de bijoux et de fringues orientalo-branchouilles "Giok".
Côté impair, on reconnaît le collège qui était alors l'école de filles.
Fin de la rue "Antoinette" en 1904, sur la Place des Abbesses. Le bureau de poste n°67 était déjà là!
L'abbaye de Montmartre, dite "d'en-bas" par opposition à celle "d'en-haut" était bâtie sur la quasi totalité de la rue. Elle ne survécut pas à la Révolution et il n'en reste rien. On ne peut l'imaginer qu'à l'aide de gravures approximatives...
L'immeuble de la poste, au 23, s'élève sur une dépendance de l'abbaye qui servit de casernement aux conscrits de 1792.
Destruction de l'Abbaye de Montmartre (Louis-Gabriel Moreau)
L'histoire de l'Abbaye est bien connue avec ses faits authentiques et ses légendes parmi lesquelles la plus tencace, répandue à la Révolution, fait de l'établissement un "réservoir de putains".
Le passage de Henri IV sur la Butte, sa liaison avec la jeune abbesse Claude de Beauvilliers et surtout avec sa cousine Gabrielle d'Estrées ont beaucoup contribué à la réputation du lieu!
Mais ce qui nous intéresse ici est l'Abbaye d'en-bas où il n'y eut jusqu'au XVIIème siècle qu'une chapelle élevée à l'endroit supposé du martyr de Saint-Denis. On voit sur cette gravure l'Abbaye d'en-haut, et solitaire au bord d'un chemin qui correspond à peu près à la rue Yvonne Le Tac actuelle, la chapelle de Saint-Denis.
Découverte de la crypte en 1611
Tout va être bouleversé lorsqu'en 1611 des travaux entrepris dans la chapelle firent apparaître "miraculeusement" un ancien autel et une pierre sculptée qui furent aussitôt considérés comme les vestiges qui marquaient l'endroit précis où le saint et ses compagnons avaient été décapités.
La cour s'y rendit en grande pompe, Marie de Médicis en tête... La dévotion populaire s'en mêla et le lieu devint si fréquenté que la décision fut prise d'y élever de nouveaux bâtiments, une nouvelle chapelle, un cloître. Les revenus furent considérables et les abbesses vinrent vivre en bas avec les moniales, délaissant l'en-haut plus inconfortable.
On voit sur cette gravure les nouveaux bâtiments et la grande église qui fut édifiée au-dessus de la crypte. Il y eut entre les deux abbayes une allée couverte qui permettait aux religieuses d'aller sans se mouiller d'un site à l'autre...
Saint Ignace (église N.D. de clignancourt).
En 1634, Saint Ignace de Loyola et six de ses compagnons prononcent le 15 août, dans la crypte de la chapelle "le voeu de Montmartre" qui est à l'origine de la fondation des Jésuites.
Les derniers vestiges de l'Abbaye avant le lotissement de la rue
L'abbaye était donc là, sur toute la rue Yvonne le Tac actuelle. A la Révolution, elle fut vendue par lots et achetée par des artisans qui la dépecèrent.
Comme à Carthage où le sel fut passé sur les ruines, ici le sol fut défoncé pour aller à la recherche du gypse, véritable "or blanc" de la Butte.
A suivre... Rue Yvonne le Tac (2)
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La crypte du martyrium peut se visiter, chaque vendredi et les premiers samedi et dimanche du mois de 15h à 18h, 11 rue yuvonne le Tac.
Voir article sur la crypte : Montmartre. Crypte du martyrium.
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Liens pour les rues de Montmartre :
Rues de Montmartre. Classement alphabétique. Articles.
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