Avant d'atteindre le funiculaire et la rue Foyatier, je passe devant le square Louise Michel et rencontre un roi qui se maquille et se recouvre d'or. Il va bientôt se figer dans sa gangue précieuse pour ne rouvrir les yeux et ne reprendre vie qu'au chant métallique des euros déposés à ses pieds...
La rue Foyatier commençait là, sur cette place rebaptisée en 1961 pour rendre hommage à une artiste qu'on connaît surtout pour être la mère de Maurice Utrillo mais dont l'oeuvre, par bien des aspects, est supérieure à celle du fiston.
Ajoutons que cette femme libre qui eut de nombreux amants, eut le bon goût de compter parmi eux Toulouse Lautrec et Satie!
Une plaque sur l'école, rappelle que plus de 700 enfants de notre arrondissement furent "raflés" et emmenés dans les camps de la mort.
Le funiculaire permet aux paresseux d'éviter les 220 marches de la rue Foyatier.
Il a été inauguré en 1900. Il était alors hydraulique. Il y avait sous le plancher des cabines, une cuve de 5m3 que l'on remplissait à la station haute, ce qui avec le poids la faisait descendre, tout en entraînant l'autre vers le ciel...
Le funiculaire électrique actuel date de 1991. Une cabine s'étant écrasée lors d'un test de freinage en 2006, il cessa de fonctionner pour ne reprendre une activité normale qu'en 2008. Depuis, c'est comme une fatalité, rares sont les semaines où aucun incident, aucune panne ne vient le perturber.
Ce n'est pourtant pas un exploit que de gravir sur 118 mètres un dénivelé d'à peine 36 mètres!!!
Les marches, elles, font consciencieusement leur boulot de marches et je les soupçonne même de prendre leur pied sous la caresse des millions de petons venus du monde entier.
Le peintre, Lucien Génin qui vécut longtemps à Montmartre, au Bateau-lavoir, a représenté la rue en supprimant le funiculaire qu'il jugeait disgracieux. Il est contemporain d'Utrillo à qui on ne peut s'empêcher de penser devant cette toile.
Les immeubles bourgeois qui donnent sur la rue ont leur adresse rue Barsacq ou rue Gabrielle.
Mais, au fait, qui est ce Foyatier dont la rue porte le nom?
Lorsqu'on ouvrit la rue en 1867, il était alors un sculpteur de renom, grâce notamment à son Spartacus qu'il conçut à la Villa Médicis où il séjourna en sa qualité de lauréat du Prix de Rome.
La ville de Paris lui commanda quelques statues qui disparurent dans les fonderies au cours de la dernière guerre.
Les statues meurent aussi!
La dernière volée de marches conduit à une rue qui à droite porte le nom du cardinal Dubois et à gauche celui de Saint Eleuthère.
Avant d'y parvenir, nous longeons un café-magasin de souvenirs, bâtiment classé, vestige de ce qui fut Le Repos de Béthanie, restaurant inauguré lors de l'exposition universelle de 1900.
Ce touriste ignore peut-être qui est ce mystérieux Eleuthère. Il faut avouer qu'il y a de quoi perdre la tête car une foule d'Eleuthères se bousculent au portillon. Un Saint évêque de Rome, un Saint évêque de Tournai, un Saint évêque d'Auxerre et enfin le bon, le vrai, celui qui est honoré ici, un Saint diacre qui fut martyrisé sur la Butte, au 3ème siècle avec Saint Rustique et Saint-Denis. Saint Rustique a une rue un peu plus haut et Saint Denis ne compte plus les boulevards, rues, églises, villes qui l'honorent. L'église paroissiale de Montmartre portait son nom avant d'être détrônée par Saint Pierre...
Saint Denis sans sa tête et ses compagnons, Rustique et Eleuthère
Avant de rentrer à la maison, je passe devant cet étrange personnage couronné dont le visage de tragédie antique laisse indifférents les touristes et qui, prenant le vent comme une montgolfière, s'apprête à s'envoler dans le ciel gris, au-dessus de la rue Foyatier, de la rue Saint-Eleuthère et de la Basilique...
Lien :Montmartre. Rue Utrillo (ancienne rue Muller).
....