Le Maquis en 1907
Le fameux Maquis de Montmartre fait partie de la mythologie de la Butte et passe parfois pour un paradis perdu, un eden de pauvreté heureuse que la spéculation aurait peu à peu détruit, aussi sûrement que les Espagnols avaient détruit les civilisations précolombiennes!
Le Maquis. Marchande des 4 saisons.
Il est vrai que les cartes postales du début du XXème nous donnent l'illusion d'un village suisse avec chalets de bois et nature fleurie! Marchandes des quatre saisons, petits artisans souriant dans le soleil!
Le Maquis. Vue d'ensemble. 1904.
La réalité était moins poétique! Le Maquis établi entre les rues Lepic et Caulaincourt (toute l'avenue Junot actuelle) était un enchevêtrement de cabanes, de maisonnettes construites de bric et de broc avec des matérieux de récupération.
Il servait de refuge à une population misérable qui ne pouvait payer les loyers exigés par les propriétaires qui lotissaient à outrance leurs terrains et donnaient leur nom à des rues nouvelles.
Le maquis en 1904. Entrée côté nord.
Au coeur de la Butte, là où aujourd'hui le mètre carré est, comme il se doit, un des plus élevés de la capitale, le Maquis avec ses ruelles labyrinthiques vivait entre les immeubles qui s'édifiaient et lui servaient de décor de fond...
Un attelage dans le Maquis. 1907.
Ce quartier n'était pas né en un jour. Il s'était constitué peu à peu et dès le début du XIXème siècle, alors que Berlioz venait habiter sur la la Butte, de modestes barraques existaient déjà autour de la ferme des Debray (entre Junot et Lepic).
Peu à peu les terrains peu exploités à cause de la terre médiocre et argileuse qui les constituait furent occupés par des familles chassées de la ville en plein développement. Des artistes comme Poulbot y vécurent quelques années...
Un chemin creux dans le maquis.
Le village gaulois résiste devant l'avancée des immeubles!
Les habitants du Maquis étaient parfois d'anciens riches déchus, comme deux pittoresques gentlemen british, ruinés par leurs frasques parisiennes, échoués dans une cabane et faisant contre mauvaise fortune bon coeur en apprenant aux gosses du quartier le badminton!
Jean Renoir qui avait vécu une partie de son enfance au Château des brouillards, rue Girardon, décrit dans son livre de souvenirs, Joséphine, la marchande de poissons à la criée, figure forte en gueule qui après avoir fourgué sa cargaison, s'installait devant sa cabane et haranguait (verbe convenant tout à fait à une poissonnière!) les passants en leur chantant les mérites de la Royauté contre les vices et les magouilles de la République!
Isadora Duncan emmenait ses élèves sur un terrain vague où elle trouvait un espace propice aux répétitions. On appelait ce terrain, "la plage" et c'est là qu'évoluaient en petite tenue à la grecque les jolies danseuses!
De quoi mettre le feu au Maquis! (Ce qui arrivera d'ailleurs!)
Une cour du Maquis.
Impasse Girardon
Dans l'impasse Girardon qui faisait partie du Maquis vivait un autre personnage haut en couleur: le baron Pigeard. Ce passionné de la mer fonda l'U.M.B.M. l'Union Maritime de la Butte Montmartre! Il recevait dans son association des artistes qui avaient un lien avec la mer, comme Modigliani né à Livourne ou Max Jacob à Quimper. Les membres s'engageaient à apprendre aux gosses du quartier la natation. Comme il n'y avait pas de piscine, c'est sur "la plage", à plat ventre sur des tabourets que les enfants recevaient leur enseignement!
Un autre original, "le philosophe" avait édifié sa tour qu'il décrivait comme son tonneau de Diogène! (voir:La tour du philosophe. Impasse Girardon.)
Un escalier dans le Maquis.
La réputation de Montmartre, ses artistes, ses cabarets accélérèrent la destruction du Maquis. Dès le début du siècle (1902) des promoteurs cernaient la Butte et rachetaient les terrains.
Fréhel s'en émouvait : "Des maisons d'six étages, ascenseur et chauffage, ont r'couvert les anciens talus, le p'tit Louis réaliste est dev'nu garagiste, et Bruant a maint'nant sa rue..."
Chemin qui sera mangé par l'avenue Junot.
Après la guerre, une large voie au centre du Maquis, fut tracée: la rue Junot, appelée un peu plus tard "avenue".
Les maquisards furent expropriés quand par chance ils avaient un titre de propriété, mais le plus souvent expulsés sans autre forme de procès.
Un incendie, peut-être accidentel, donna le coup de grâce au Maquis. Pourtant quelques îlots d'irréductibles Gaulois survécurent ici ou là jusqu'en 1940!
L'avenue Junot fut lotie de luxueuses villas art déco. Ironie du sort, c'est dans l'une d'elles que vécut Poulbot! Lui qui devait tant aux gosses de Montmartre, les représenta sur la façade!
Mais ce ne sont pas les gosses des cabanes cheveux au vent, ce sont de petits enfants bien coiffés, nouveaux habitants de l'ancien maquis!
Van Gogh.
Utrillo
Utrillo
Utrillo lui-même après avoir assité à la destruction du Maquis qu'il avait souvent peint vécut plusieurs années avec sa mère au 11 de l'avenue, avant de se marier et de s'exiler au Vésinet.
De ses fenêtres, il prenait à partie les passants, comme pour leur reprocher d'avoir remplacé le petit peuple du Maquis disparu!
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Liens:
Listes des
liens des monuments et lieux typiques de Montmartre historique et moderne.
Montmartre. La tour du philosophe. Impasse Girardon.
le Château des Brouillards à Montmartre
Les moulins de Montmartre, les meuniers Debray.
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